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Que Marguerite Duras me pardonne...

Publié le 10 décembre 2008 par Sarah Oling

Cette nuit j'ai fait un rêve étrange, je me trouvais sur la plage de Trouville, une très vieille dame était assise à même une roche noire. Impossible, de là où j'étais, de discerner ses traits sous la voilette qui recouvrait son visage. Elle agitait dans ma direction son parapluie. Je me rapprochais d'elle qui me fixait intensément. Ses lèvres bougeaient mais aucun son n'en sortait. J'approchais encore, jusqu'à la frôler et je l'entendis enfin me dire: "Comment as-tu osé?".
Cette vieille dame au visage traversé de fines lignes brisées, je la reconnus soudain. C'était Elle. Marguerite Duras. Avant que je ne puisse la questionner sur le sens de son étrange harangue, elle avait disparu. Mais cette vision soudaine me fit sortir de mon rêve et plonger dans mes souvenirs.
C'était il y a dix ans.. Par la grâce ou la folie d'un metteur en scène légèrement "allumé", je venais d'obtenir le troisième rôle dans Savannah Bay, pièce créée par M. Duras, pour deux personnages, la jeune femme et Madeleine. Deux personnages, donc, pas trois... I. Sadoyan Bouise habillait de sa puissance et de sa démesure Madeleine, une Madeleine presque effrayante. I. Le Nouvel occupait avec sensibilité le costume de la Jeune Femme. Et moi dans tout cela? Moi...Que Marguerite Duras me pardonne...
Par le délire du metteur en scène, ayant décidé de mêler le théâtre nô au texte de Duras, moi, j'incarnais une présence fantomatique, à la démarche saccadée, venant hanter le jeu des deux comédiennes, masque de craie, lèvres de geisha rouge sang, costume noir, j'errais ainsi sur scène, à intervalle réguliers, sans prononcer le moindre mot. Attentive à respecter le jeu qui m'était imposé. Je devais me penser, me visualiser, me comporter en samouraï. Un samouraï sensé réincarner Marguerite Duras ...Comédienne médiocre, mais à l'imaginaire fécond, je vécu toutes mes apparitions sur scène dans un état second, maîtrisant parfois très mal le fou rire qui m'envahissait lorsque je devenais spectateur de mon propre jeu...
La conclusion provisoire de tout cela? J'espère juste que, de là où elle se trouve, Marguerite Duras m'a pardonné. Et surtout, surtout, j'ai appris de cette expérience théatrale à ne jamais me prendre pour ce que je ne suis pas.
Je puis donc affirmer aujourd'hui que jamais je ne fus, même un court instant, le fantôme de Marguerite Duras!!!


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