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L’illusion de la relance Obama (1) / par Eric Grémont

Publié le 28 janvier 2009 par Alains

Si les plans de relance étaient efficaces il faudrait en lancer sans cesse pour atteindre l’état de « boom permanent » évoqué par Keynes. Quels sont les effets réels d’un plan de relance sur l’économie ?

En pratique l’émission massive qui accompagne ce genre d’opération augmente la masse monétaire et réduit sa valeur d’autant, autrement dit, dévaluation et plans de relance sont étroitement associés. Le Franc a très logiquement souffert de la relance mitterrandienne et les 10% de hausse du SMIC n’ont pas tardé à être dévorés. La grande relance de Greenspan s’est accompagnée d’une hausse de l’immobilier qui a rendu le mètre carré plus coûteux que la hausse des salaires permise par la prétendue reprise, le dollar y aussi perdu aussi des plumes.
Le premier effet de la stimulation massive est en fait une baisse généralisée du pouvoir d’achat des salaires. C’est là ou Keynes rejoint d’ailleurs insidieusement la théorie classique pour lequel une baisse des salaires suffit à résorber le chômage lorsqu’il existe. Il le souligne sans ambiguïté : l’ouvrier refuse la baisse de son salaire nominal lors d’une période d’ajustement, baissons-le de façon indirecte (par la hausse des prix) et il retournera sur le marché satisfait d’avoir obtenu plus qu’il n’escomptait alors qu’il obtient moins en réalité. Aux États-Unis, une baisse des salaires réels de l’ordre de 20% est économiquement souhaitable étant donné la sociologie américaine. Cela revient à dire que les 20 ou 30% de la population déjà fragilisés ces vingt dernières années seront réduits à une misère proche de celle des ghettos Mexicain. Les cyniques y verront sans doute une sorte d’aboutissement de l’ALENA. Comme le disait l’humoriste Colbert,  « nous allons enfin pouvoir chercher du travail au Mexique ».

Par l’inflation, le capitaliste endetté voit sa dette réduite, la valeur faciale de son capital investi en biens durables augmenter, ses marges se rétablir. Les deux conditions d’une économie en croissance sont réunies avec la volonté d’investir et le désir de travailler, encore merci au bon docteur Keynes. Mais la potion  ne marche qu’à certaines conditions, il faut comme on dit aujourd’hui une bonne dose de confiance, nous dirions plutôt d’aveuglement. Comme le souligne Ludwig Von Mises il faut encore que les agents économiques n’aient pas appris à anticiper les effets de la dévaluation. Dans un tel cas de figure les employés renâclent à travailler pour des montants qu’ils savent être dévalués et le capitaliste spécule frénétiquement sur la baisse à venir de la valeur faciale de la monnaie. C’est tout de même plus facile que de gérer un investissement dans le réel avec tout ce que cela suppose de risque et de travail. Plus récemment Friedman et Phelps ont traité des effets de l’inflation sur le marché du travail dans un sens similaire à celui de Von Mises en ajoutant de belles courbes et quelques équations qui entre temps étaient devenues obligatoires (que ne ferait-on pas pour avoir le Nobel).

On objectera qu’un plan tel que celui d’Obama amènera une production qui n’aurait pas eu lieu autrement c’est à la fois vrai et terriblement faux.

Il est parfaitement évident qu’il existe actuellement aux États-Unis un gros stock de bras inemployés dans le secteur de la construction, les sortir de l’improductivité et fournir aux public des infrastructures rénovées tombe apparemment sous le sens. La production globale augmentant, la richesse distribuable le fera également et, in fine, l’augmentation de la masse monétaire qui initialement était une dévaluation trouvera une contrepartie dans l’accroissement de richesse. Voilà résumé en quelques lignes le cercle vertueux keynésien que les monétaristes ont fait leur, en y ajoutant les inégalités sociales et la spéculation permanente sur la valeur forcément dépréciée de l’argent à venir. Du point de vue sociologique on peut prétendre que le monétarisme n’est qu’une adaptation du keynésianisme social-démocrate à la dérive oligarchique et inégalitaire que connaît l’occident depuis 30 ans, dérive que certains ont le culot d’appeler libéralisme.

Objectivement, il y a peu de différence entre une baisse des taux et un plan de relance si ce n’est que dans un cas l’Etat oriente la dépense dans un sens favorable aux intérêts du pouvoir politique et que dans l’autre le marché dispose de plus de marges d’arbitrage. Théoriquement (dans un monde libéral), la seconde est bien sûr préférable. C’est précisément pourquoi l’Amérique politique, très bipartisane dans ce domaine, ne se résout que maintenant à un vrai plan de relance par la dépense publique, celle par la baisse des taux ayant échouée à ralentir même les faillites bancaires.

Nous n’avons rien contre l’investissement d’État mais pour être positif il doit être planifié et poursuivi sur le long terme en visant des objectifs clair. La France tardivement atteinte par la peste des reaganomics dispose encore de la SNCF, d’EDF et d’AREVA. Ce n’est pas grand-chose mais c’est déjà ça. Aux États-Unis l’administration est notoirement incompétente lorsqu’il s’agit de gérer un patrimoine, les Américains le savent bien, le spoil system garantit que chaque haut fonctionnaire attend un retour sur investissement rapide de sa nomination. Il ne peut le garantir qu’en se soumettant aux impératifs d’un clientélisme qui va devenir frénétique en cette période de vache maigre. Le plan Obama a ce délicieux arrière-goût qui caractérise les retours aux affaires longtemps espérés.

Eric Grémont, chercheur OPESC

(suite demain)


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