Magazine Beaux Arts

"Picasso et les Maîtres" (3/3)

Publié le 30 janvier 2009 par Myriam

... suite et fin

D'autres rencontres, cette exposition "Picasso et les Maîtres" nous en réserve bien d'autres ; elles sont assez souvent décalées, humoristiques (cf. la note "Quand un homard rencontre un chat !" du 29/12/08), voire même déroutantes, décapantes, provocantes !

A partir des années 1950, Picasso entreprend des variations à partir de chefs d'œuvre du passé comme les "Femmes d'Alger" de Delacroix, "Le déjeuner sur l'herbe" de Manet, "Les Ménines" de Vélasquez et "L'Enlèvement des Sabines" de Poussin, et ce dialogue est incessant jusqu'à la fin de sa vie. Faute de pouvoir les présenter de façon exhaustive, cela nous entraînerait trop loin (et cela vous réserve d'autres notes dans la catégorie "Trait pour Trait" !), je voudrais m'attacher ici à vous en montrer quelques unes.

Picasso - Les Demoiselles des bords de la Seine, 1950
D'abord, je ne résiste pas à vous présenter cette libre transposition du tableau de Courbet "Les Demoiselles des bords de la Seine". Même composition avec la présence du fleuve et de la barque en arrière plan, même présence végétale avec l'herbe au premier plan et l'arbre qui encadre en haut le tableau, même attitude des deux femmes allongées au bord de l'eau, même présence du rouge pour l'une des deux robes, mais également libre transposition humoristique avec pour l'une ses mains transformées en poissons, et pour l'autre transformées en feuille (comme si le côté végétal enveloppait non seulement les deux femmes, mais également le tableau avec l'arbre qui donne l'impression d'une frise) et libre interpré-tation de cette scène avec les visages scindés en deux (une partie blanche et une partie noire qui se répondent) qui laissent envisager ce que Courbet ne fait que suggérer avec les jupons de la robe un peu en pagaille, le regard lourd, à demi-clos pour l'une des deux femmes et celui perdu dans le vague pour l'autre ...

Picasso - Les Ménines d'après Vélasquez, 17 août 1957
Une autre rencontre picturale est celle avec les Ménines. Enfermé dans l'atelier de sa villa cannoise La Californie, Picasso va peindre du 17 août au 30 décembre 1957, 58 tableaux dont 44 variations sur les Ménines, l'œuvre phare de Vélasquez, peinte en 1656. Le tableau "Les Ménines d'après Vélasquez" (Musée Picasso, Barcelone, ci-contre), traité comme un négatif en noir et blanc, reprend les éléments essentiels du tableau de Vélasquez, mais il les transforme. Ainsi le format du tableau est non plus vertical, mais horizontal, accordant de ce fait une position encore plus importante au peintre qui occupe avec son chevalet un tiers de la toile et quasiment toute la hauteur de celle-ci et les autres personnages deviennent, de gauche à droite, de plus en plus simplifiés, dans un style de dessin d'enfants.

Picasso - Les Ménines Vue d'ensemble d'après Vélasquez, 19 sept 1957
Même style de dessin infantile, mais cette fois-ci en couleurs franches, acidulées, dans la toile "Les Ménines, Vue d'ensemble d'après Vélasquez", ci-contre. Si dans "Les Ménines" de Vélasquez, le tableau n'est pas que l'envers d'un portrait royal, et c'est déjà celui sur la place du peintre "qui s'est mis au centre du dispositif avec des témoins de la scène, face au roi et à la reine qui, eux, sont à la place du spectateur", avec Picasso, le peintre devient le personnage essentiel, il n'est "le serviteur de personne, si ce n'est de la peinture".

"Depuis la Renaissance, l'artiste, en tant que personnage, en tant que créateur des œuvres, n'a pas cessé de grandir, de prendre de plus en plus de place par rapport aux objets qu'il crée. A-t-il ou n'a-t-il pas le premier rôle, celui de qui dicte et décide? En tout cas il est au centre de ce monde-là, non plus à la périphérie, non plus un témoin qui assiste à la scène, mais l'acteur. Il a conquis cette liberté et ce pouvoir. Ce qui oblige à tout repenser, encore une fois." (extrait du blog atmosphérique, texte de Laurent Wolf, octobre 2008).

Picasso - Nu couché et homme jouant de la guitare, 1970

Voilà, le parcours de l'exposition s'achève, avec la dernière salle consacrée aux grands nus, Vénus, Maya et Olympia de toute beauté et qui continuent d'habiter l'inspiration de Picasso. Sa version de Vénus se divertissant avec l'Amour et la Musique, "Nu couché et homme jouant de la guitare" (1970, musée national Picasso, Paris) est particulièrement décapante !

En conclusion, deux phrases de Pablo Picasso qui résument bien la démarche de ce peintre hors norme, à la fois démiurge, cannibale et exorciste.

« En art, il n’y a ni passé ni avenir. Lorsqu’une œuvre d’art ne continue pas de vivre de façon vivante dans le présent, elle n’entre plus en ligne de compte. »

« L'art véritable ne réside pas dans la beauté de la peinture, mais dans l'action de peindre. »


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