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Le Noir du ciel, de Mary-Laure Zoss (une lecture de Fabienne Swiatly)

Par Florence Trocmé

Zoss C’était un soir où j’avais envie d’acheter des livres. Le lieu le permettait, une sélection de textes poétiques édités en Suisse et disponible lors d’une rencontre à la Maison de la poésie de Cinquétral.
J’ai pris le temps de choisir. Je me surveille. Manque de place, manque de temps, manque d’argent aussi, je veux choisir mieux ce que j’emporte chez moi.  Me demander si vraiment… Faire avec soi-même ;
Le livre de Mary-Laure Zoss Le noir du ciel, dès les premiers mots m’a agrippée au ventre. J’ai senti qu’il y avait une rencontre.

Depuis, ce livre, je le lis à voix basse, à voix haute. Ce livre, je l’emporte dans le sac à main, au bureau et sur la table où je prends seule mes repas depuis quelques jours, alors je peux lire en mangeant.

  dans l’angle où on dort, une équerre de bois ferme le ciel, on écoute la nuit descendre dans la voix la plus basse, un souffle court dans les feuilles par l’herbe plaquée, couleur de bête morte, sous le temps qui penche disparaît un pays sans bruit, les mains serrent sur le drap le froid découpé vif dans la fenêtre []

 

Ne pas trop commenter cette langue qui tient les paysages d’hiver à bout de bras. Dire que cela transporte dans les grands froids de l’enfance. Et même s’il ne faut pas restreindre un livre à un seul qualificatif – rude -  est pourtant le mot qui me vient. Qui me convient.
Sous le poids des lieux, l’avancée de deux enfants, il semblerait. Des morveux comme les désigne le texte. Des enfants retenus par la boue et qui pourtant avancent :

  et la hargne d’être là, ils ont tellement peu de mots, tellement de solide dans la gorge et les mains raides

Et la lumière insistante, la lumière sous les vitres, avalée par un fond de ciel, coulant jusqu’aux racines… L’obstination de la lumière comme le rassurant de l’haleine des bêtes dans l’air froid :

  un bout de champ s’éclaire quand on allume la lampe du haut, c’est presque trop dire, un peu de gris dans l’obscur ou le relief de la nuit du sol,

Ne pas rajouter trop de mots à ceux du livre. Recopier un autre passage même si le texte souffre d’être ainsi découpé alors qu’il n’offre aucun point final même s’il se déplie en quatre chapitres.

  parfois au creux de la nuit, l’enfant part retirer en douce ses pains d’écorce de sous la broussaille, hors de sa chambre de bois vogue à travers l’encaissement de la vallée, frôlant autour le cirque découpé, carton phosphorescent, montagnes aux coulées noires prises dans le gel des torrents, au tournant de la route il trie les constellations  au-dessus des ardoises, puis pose ses pas sur l’immobile de la terre

Un texte qui se lit au rythme d’une profonde respiration qui semble retenir une émotion qui de page en page prend forme et nous emporte. Souffle coupé par la vitalité qui s’exprime malgré les étouffements. Jusqu’au bout le livre nous tient, nous étreint  :

  le petit fait craquer des allumettes, joue avec son canif, il y a de la place, on dirait

Contribution de Fabienne Swiatly

Le site de Fabienne Swiatly

Mary-Laure Zoss
Le Noir du ciel
Éditions Empreintes, 2007
17,40 €,
prix de poésie C.F. Ramuz 2007


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