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"L'Etrange histoire de Benjamin Button" de David Fincher

Publié le 04 février 2009 par Orsérie - Le Journal Du Beau & Du Bien-Etre

    Avec Benjamin Button, David Fincher ajoute une nouvelle corde à son arc et devient un cinéaste d’autant plus précieux. Fincher à d’abord été un clippeur inventif, pour Madonna notamment, s’est imposé ensuite (et presque exclusivement) comme un grand formaliste, jusqu’à Panic Room tout au moins. Fincher a aussi été un cinéaste malin, manipulateur et cynique (Seven, The Game, Fight Club). Avec Zodiac, Fincher est arrivé à une certaine maturité avec cette fois un film épuré dans sa forme et dans son émotion - épuré ne signifiant pas dénué, bien au contraire. Dans Zodiac la forme était nouvelle, moins tape à l’oeil, et l’émotion - bien réelle - très subtilement maniée. Benjamin Button permet à Fincher d’ajouter une corde à son arc car il fait désormais la démonstration de sa véritable sensibilité de cinéaste.

Le film se construit un petit peu selon le principe narratif de Big Fish de Tim Burton. Une personne âgée sur son dernier lit se voit raconter l’histoire extraordinaire d’un homme. Cette histoire commence par un préambule singulier, relativement indépendant de l’intrigue générale, mais qui l’introduit merveilleusement. Un horloger endeuillé par la mort de son fils dans les tranchées de la première Guerre Mondiale, monte volontairement à l’envers un des rouages de la grande horloge de la gare de la Nouvelle Orléans. Les aiguilles vont tourner dans le sens contraire, comme si elle se liaient là au destin singulier qui s’apprête à nous être révélé.

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L’histoire de Benjamin Button est effectivement hors du commun. Le bébé naît dans un corps ridé et marqué par la vieillesse. Sa vie se construira à rebourd : son corps ne cessera de rajeunir tandis que son intellect se construira dans le bon sens. Le cas de Benjamin Button pourrait être sujet à un discours scientifique. Benjamin pourrait devenir un monstre de foire, un sujet d’étude etc. Il ne sera rien de tout ça. Le film ne procède évidemment à aucune intention d’examen scientifique. Benjamin Button se déroule telle une grande fresque, à travers un récit ample et romantique et qui court à contre-courant sur presque un siècle entier. Le récit rappelle L’Homme sans âge de Coppola, même si le traitement est très différent.

Benjamin Button est un garçon pas comme les autres, qui aura été aimé et protégé. Son destin est exemplaire alors que ce garçon aurait pu n’être que maudit toute sa vie. Benjamin Button aura été privé d’une véritable enfance puis d’une adolescence. Son expérience des étapes de la vie est forcément à l’opposer de celle de quinconque d’autre, et ce n’est pas un bouleversement anodin. Il est souvent contraint à la solitude. La malédiction prendra également une autre forme dans sa relation avec Daisy (Cate Blanchett). Fincher ne se laisse tenter par aucun cynisme. L’homme sans âge était frappé par la foudre et frappé en même temps par une malédiction indélébile et dangereuse. Fincher et Eric Roth, son scénariste, ont eux choisis de privilégier le merveilleux, le rêve, sans chercher à pervertir les relations entre Benjamin Button et ses proches. L’Histoire de Benjamin Button est un conte, mais pas un conte moral, ni humaniste ou métaphysique. Le film invite à réfléchir sur le temps, la jeunesse mais n’instruit aucune réflexion. Le film n’a pas la prétention d’évoquer l’humain comme dans L’Homme sans âge, ou comme dans Le Portrait de Dorian Gray, des jouvenceaux qui doivent lutter contre eux même d’abord et qui se laisse dévorer par leur condition. L’histoire de Benjamin Button fait l’éloge de quelque chose de beaucoup plus intime : les sentiments. Le destin de Benjamin Button s’écarte de toutes façons de ceux de l’homme sans âge et de Dorian Gray, car il en connait son issue inéluctable. Benjamin n’aura pas à lutter, il est condamné à une attente qu’il cherchera toujours à combler par l’aventure et le rêve. La curieuse histoire qui est la sienne lui a enseigné que tout est possible.

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Tout est donc affaire de patience car s’il navigue à contre-courant, il y a alors un point de convergence obligé avec ceux qui avancent dans le bon sens supposé. Ce n’est pas un hasard si Benjamin Button s’engage sur un bateau. En partant en mer, il se confronte implicitement à ce choc des eaux contraires contre lesquelles les bateaux luttent pour avancer.

Le point de convergence, le point d’impact, il se situera à Paris. Une longue séquence s’y conclue par un accident. Plusieurs choses découlent de cette séquence. La collision est brutale, violente, tragique et constitue un indice. Benjamin Button et Daisy réunissent leurs infirmités. Et surtout, la théorie du battement d’aile du papillon est clairement exposée. Il n’y a aucune attente concernant cette théorie juste relie t’elle le destin de Benjamin à la séquence qui inaugurait l’histoire. En clair, cette séquence symbolise de nombreux pan de cette histoire et surtout nous invite à un jeu, une rêverie. Le destin de Benjamin est trop exceptionnel à tous points de vue pour être réel mais si on y croit si fort, c’est par la qualité et la force du jeu enfantin que Fincher arrive a établir pour construire son récit. Il n’y a rien qui n’ait pas une cause simple pour une conséquence fabuleuse.

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Le film de David Fincher trouve ainsi tout son sens dans ce cheminement narratif naïf et poétique. La construction du récit est riche de trouvailles qui l’illumine en permanence, sans qu’il y ait une quelconque nécessité d’appuyer les intentions pour les faire ressentir. L’émotion transpire naturellement, par la simple combinaison des instants, parce qu’une fatalité pèse sur le récit mais parce qu’elle est largement contrebalancée par la pudeur des personnages et la sobriété du jeu des acteurs. Il suffit vraiment d’un regard de Cate Blanchett lorsque Brad Pitt tente de la tromper dans son sommeil pour que l’émotion jaillisse d’elle même. Il suffit d’une phrase simple, d’une confrontation obligatoire mais infiniment pudique, de révélations fines à propos de cartes-postales et de sa véritable destinataire etc. Le film converge ainsi avec une douceur et une subtilité éloquente vers un affect sincère et sans doute difficile à esquiver. Magnifique.

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