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Peut-on créér à volonté de la monnaie pour contrer la crise ?

Publié le 06 février 2009 par Loïc Abadie
Nous l'avons vu précédemment, il faudrait plus de 7000 milliards de $ annuels aux USA pour maintenir à flot le système de fuite en avant précédent. 
Revenir à un niveau d'endettement normal, c'est à dire diviser par 3 la montagne de dette totale actuelle des USA (plus de 50 000 milliards de $, 35000 milliards de dette en excès, plus de 650 000$ par ménage standard, c'est à dire un couple avec deux enfants) demanderait une inflation de 200% (division par 3 de la valeur de la monnaie).

Les keynésiens affirment ceci : « l'état peut imprimer autant de monnaie qu'il le souhaite, il suffit donc d'imprimer cette monnaie pour provoquer une dévaluation et « remettre à zéro » le compteur des dettes et éradiquer définitivement la déflation...Naïveté assez effrayante d'une génération de baby-boomers euphoriques, complètement dépassée par les évènements aujourd'hui, qui en est arrivée à oublier que les Etats-Unis et l'Europe ne sont plus le centre du monde, et le seront de moins en moins à l'avenir, qui imagine pouvoir impunément payer ses fournisseurs en monnaie de singe, qui imagine que ses créanciers accepteront éternellement que leurs dettes ne soient jamais payées (ou payées avec une monnaie sans valeur, ce qui revient au même).
Plus en détail, quelques autres chiffres : 

Face à la montagne de dettes US de plus de 50 000 milliards de $, nous avons deux « nains » dont la capacité d'action est presque insignifiante : l'état US (2500 milliards de recettes annuelles) et la FED (dont le bilan est à peu près du même ordre), et un plan de relance encore plus insignifiant, le « plan Obama » et ses 850 milliards de $.
Jusqu'ici l'état US n'a pas vraiment imprimé en masse des billets, il a surtout choisi d'emprunter. Mais il est bien évident qu'il n'aura pas la marge de manœuvre nécessaire pour contrer l'effondrement de la montagne de dette totale, qui est à la base de la crise en cours. Jamais les créanciers des USA n'accepteront de financer les 7000 milliards de $ annuels qui seraient nécessaires pour pousuivre la fuite en avant.

Donc si il souhaite vraiment explorer jusqu'au bout son absurde politique Keynésienne, l'état devra imprimer de la monnaie fictive en masse, pour dévaluer le $ d'un facteur 3 (pour résorber par l'inflation l'excès de dette, il est évident qu'une inflation à 10%/an ne servirait à rien, il faudrait plus de 10 ans à ce rythme pour alléger le fardeau de la dette).

Mais ce « beau » schéma ne fonctionne pas aussi simplement dans le monde réel : nous sommes dans un système de changes flottants, et les gouvernements n'ont qu'une action très indirecte sur le cours de leur monnaie (ils ne peuvent pas la « dévaluer » de x %). 
Le $ n'est aujourd'hui arrimé à rien de particulier. Donc si le gouvernement imprime en masse des $, il arrivera effectivement un moment où leur valeur finira effectivement par chuter, les keynésiens ont raison sur ce point.
Mais le gouvernement n'a aucun contrôle précis du phénomène...Ce qui est très probable dans ce cas de figure est que la valeur du $ résisterait d'abord bien (parce que le contexte est fortement déflationniste) jusqu'à un point où les détenteurs de $ (pays étrangers notamment, mais pas seulement) paniquent et provoquent l'effondrement de la valeur du $, qui pourrait alors voir son cours divisé par 10, 100 ou 1000.
Les citoyens US auraient alors une monnaie sans valeur, comme celle du Zimbabwe (94% de chômeurs dans ce pays autrefois prospère avant d'avoir expérimenté le keynésianisme et la planche à billets jusqu'au bout). 
Le pays ne pourrait plus acheter les matières premières dont il a besoin (qui accepterait de fournir un pays qui vient de les escroquer en payant ses dettes avec du papier sans valeur ?), la crise de confiance serait totale, avec un effondrement de la consommation sans comparaison possible avec la crise en cours, et il est probable qu'un régime autoritaire s'installerait sans difficulté pour combler le « vide » existant.
Dans le cas des Etats-Unis, la situation serait cependant moins dramatique que dans un pays comme la France : Les USA ont des ressources en matières premières et en énergie, et peuvent se permettre de survivre quelques années en semi-autarcie (au prix de grosses privations quand même). Mais il n'en va pas de même pour un pays comme la France, totalement dépendant de l'extérieur.
Dernier point...Imaginons malgré tout qu'un conte de fées pour baby-boomer keynésien se réalise : des keynésiens de génie ont réussi à diviser précisément la valeur du $ par 3 sans provoquer de panique, les autres pays l'ont accepté sans faire d'histoires, et la masse d'épargnants américains ou étrangers qui viennent de se faire ainsi voler leur patrimoine trouvent cela normal. Il n'y a plus de dettes en excès dans le système.

L'économie retournerait-elle pour autant à l'état d'avant-crise ?

La réponse est non, parce que cet état reposait sur une psychologie des foules très particulière : un état d'euphorie extrême et de perte totale de conscience du risque.
Après la crise que nous connaissons, cette euphorie est cassée pour de bon, un peu plus à chaque jour qui passe. Tous les opérateurs ont redécouvert le risque qu'ils avaient oublié depuis des décennies. Si en plus la valeur de la monnaie est divisée par 3, le peu de confiance restant disparaîtra.

Et les ménages, au lieu de consommer, chercheront par tous les moyens à faire des réserves, beaucoup de réserves, pour se protéger d'un futur qui sera d'un coup perçu comme très menaçant.
Les entreprises auront alors toujours aussi peu de débouchés qu'avant la dévaluation, le crédit ne redécollera pas par manque de volonté et d'appétit des ménages (ou augmentera moins vite que le rythme de dévaluation de la monnaie si les états insistent coûte que coûte, ce qui revient au même). 
Enfin, l'état US (ou Français) ne trouvera plus grand monde pour s'intéresser aux bons du trésor qu'il proposera, et les fournisseurs étrangers chercheront des débouchés vers des pays dotés d'une monnaie plus fiable...
Décidément le keynésianisme est tout sauf une solution. C'est par contre un excellent moyen de transformer une crise grave en catastrophe totale.



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