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Of Time and the City, de Terence Davies

Publié le 11 février 2009 par Orsérie - Le Journal Du Beau & Du Bien-Etre
I believe in yesterday

  Of Time and the City, de Terence Davies  Avec seulement huit réalisations en l’espace de trente ans, Terence Davies n’est pas ce qu’on peut appeler un cinéaste prolifique... Cela faisait huit ans qu’il n’avait plus donné signe de vie. Depuis l’échec relatif de Chez les heureux du monde, l’adaptation d’un roman d’Edith Wharton avec Gillian Anderson en vedette. Loin des drames en costumes et des adaptations romanesques, il revient à des thèmes plus personnels avec Of time and the city, une variation poétique autour de Liverpool, la ville de son enfance, au cœur de ses plus beaux films.

Le cinéaste confronte des images d’archives à des séquences contemporaines, qu’il a lui-même filmées, centrées sur des monuments de la cité anglaise, l’architecture, divers éléments qui font sa réputation (les clubs de football, la musique, la vie culturelle,...) et, surtout, sur les gens qui y vivent et qui la font vivre, des gens « simples », des anonymes... Mais il s’agit moins d’un documentaire sur Liverpool qu’une réflexion sur la façon dont un environnement peut façonner le caractère d’un individu, influer sur son destin.

Et, dans le même temps, le regard de cet individu sur l’environnement en question, avec des années de recul. Terence Davies détourne la commande initiale - réaliser un film sur la ville dans le cadre du projet « Liverpool, capitale européenne de la culture 2008 » - pour y livrer une sorte d’autobiographie / autoportrait où il se livre sans détours. C’est sa propre voix que l’on entend tout au long du film, qui sert de fil conducteur à cette visite géographique et temporelle de la cité anglaise. Elle raconte des souvenirs intimes (son éducation religieuse très stricte, sa découverte du cinéma, le temps de trop courtes séances où il pouvait s’évader d’un carcan étouffant, ses premiers émois amoureux, pour des garçons...) et livre des considérations sur le mode de vie britannique, avec au passage quelques coups de griffe pleins d’humour - so british ! - contre la royauté, l’église anglicane ou le « mauvais goût » des architectes anglais... Le commentaire est entrecoupé de lectures d’extraits d’œuvres littéraires (Joyce, Tchekov, Engels, ...), principalement des poèmes, et d’une bande originale soignée et éclectique, comme toujours chez Davies, qui allie grands compositeurs classiques (Liszt, Haendel, Mahler) à des artistes jazzy ou pop/rock (The Hollies, The swinging blue jeans, Peggy Lee...).

Toutes ces citations en disent également long sur l’auteur raffiné de Distant Voices, still lives, ses affinités artistiques, ses idéaux, sa conception du monde.

Le film est également une œuvre sur le passé et les traces qu’il laisse, sur la mémoire individuelle et collective. Quand il filme l’entrée de la cathédrale, il insiste sur les colonnes qui donnent au bâtiment des allures de temple grec ou romain, les vestiges d’une civilisation disparue : la sienne. Les quartiers populaires de son enfance ont été rasés, puis reconstruits, d’immondes immeubles en béton remplaçant les maisons typiquement britanniques en briques rouges. En comparant passé et présent, il évoque le lustre d’antan, le charme de la vieille époque, conscient que même les mauvais souvenirs, sous le prisme de cette rêverie nostalgique, semblent plus beaux. Une chose, cependant, ne change pas dans ces quartiers pauvres. Les gens. Ceux qui font battre le cœur de la ville, qui y travaillent, qui y vivent, souvent dans des conditions difficiles, mais toujours avec la même foi en un avenir meilleur. Terence Davies filme notamment des enfants qui un jour peut-être prendront sa relève...

Comme le cinéaste n’a rien perdu de son talent de metteur en scène, ni de son art du montage, l’ensemble est d’une rare poésie et d’une constante subtilité artistique. Seul bémol, mais de taille : le rythme du film, lancinant. Il est facile de s’abandonner au pouvoir lénifiant de cette structure vagabonde, bercée de mots et de mélodies, et, malgré sa courte durée (1h15), certains ne pourront s’empêcher de le trouver un peu longuet et ennuyeux.

Of time and the city est donc loin d’être un mauvais film, mais, dans la même veine autobiographique et nostalgique, on pourra sans aucun doute lui préférer The long day closes, à mon sens le chef d’œuvre du cinéaste.

Tags : Cinéma  Architecture  Festival de Cannes   


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