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"La poésie est sans épithète", un entretien avec Philippe Castellin (par Alexandre Gherban)

Par Florence Trocmé
 
Epithete

Alexandre Gherban : Philippe Castellin, tu pratiques depuis de nombreuses années une « poésie sans épithète » (l’expression t’appartient, elle est ton affirmation préférée, ton « axiome » si je ne me trompe). Par quelles voies es-tu arrivé à cette pratique de la poésie ?

Philippe Castellin : « La poésie est sans épithète », oui, c'est vrai, c'est une phrase que j'ai souvent, écrite, dite, et même criée... Mais au départ, c'est un poème, visuel, que j'ai réalisé quand je travaillais à l'édito de WEB_DOC(K)S, vers 1997-1998; il y avait un contexte, pour le sens et pour la forme, une partie du moins, celle qui s'achève sur la dite phrase. Qui fait aussi partie d'un ensemble de « maximes » du même genre, très brèves, parfois très plates (« les phrases historiques sont celles qui ont été prononcées ») parfois « radicales » (« tout discours est abject », « la poésie n'est pas une solution ») etc... Bref, au départ, ça n'est qu'un poème et je t'avoue que quand je l'ai écrit, c'est autant à « tête » et à « étiquettes » que je pensais qu'à « épithète ». Ou plutôt à tous ces mots mis-en-valise, et à ce que signifie le préfixe « épi ». Évidemment je savais qu'on pouvait l'entendre d'une manière très « théorique », et ça ne me gênait pas, ça faisait partie du jeu.

Quand j'ai commencé à m'intéresser au monde des poésies expérimentales, j'ai été affolé par le nombre des catégories ; il y avait la poésie concrète, la poésie visuelle, la land poetry, la poésie comportementale, la poésie sonore, la poésie action et des tas d'autres choses du même genre. Impossible de s'y reconnaître... Mieux, si tu grattes un peu, tu te rends compte que les vraies lignes de fracture, quand il y en a, n'ont pas grand chose à voir avec ces dénominations, qu'il y a ce que j'appelle une « aire commune » au sein de laquelle ces cloisons en carton-pâte agissent la plupart du temps comme de simples leurres. Il s'agit par elles de délimiter un espace de visibilité critique et médiatique. On me dira que, après tout, pourquoi pas? - Effectivement ça n'est pas bien méchant - bien que ça ne simplifie guère la relation au lecteur ou au spectateur standard, puisque les vraies généalogies sont masquées par ces expressions. En 98 cependant - même si le phénomène n'est devenu patent que quelques années plus tard - il faut rappeler qu'il y avait autre chose qui était en train de se développer à une vitesse extraordinaire : le web, le numérique. J'avais alors très peur qu'on ne nous fasse encore le coup, que quelqu'un n'arrive, un critique ou un poète, avec l'une de ces étiquettes pour s'approprier le nouveau lopin-eldorado et masquer d'un tour de passe-passe tout ce qui rapporte les poésies numériques aux poésies expérimentales antérieures afin de se présenter comme le Christophe Colomb du nouveau continent. Certains n'ont d'ailleurs pas manqué de tenter l'OPA, mais je ne pense pas qu'ils y soient vraiment parvenus.

En outre, et là à la différence de la plupart des « courants » ou « groupes » antérieurs (le cas des « sonores » est à mettre à part, c'est celui qui se rapproche le plus de la situation actuelle) intervenait la question du medium, je veux dire que concrets, lettristes, visuels etc., ça restait dans le même support, le papier, tandis que, avec le numérique, un medium alternatif s’imposait. Ce qui est capital à mes yeux, certes (à preuve que je me suis intéressé au numérique dès les années 80 et y ai attiré DOC(K)S en 96-97, avec alire et Philippe Bootz), mais il y avait alors, et il y a toujours, grand risque que la dimension purement technologique n'éclipse tout le reste et qu'on n'en vienne à des fadaises où la question du medium (ou de ses variantes plus « technologiques ») n'éclipse la vraie question, celle de l'art ou de la poésie. Si même ces « étiquettes » peuvent avoir parfois une portée théorique, elles ne garantissent rien sur le plan poétique. Plus généralement, du point de vue logique, le fait qu'une chose soit dite appartenir à telle ou telle classe ne nous renseigne pas sur sa valeur artistique. Je connais beaucoup d'exemples de « poèmes numériques » qui sont à coup sûr « numériques » mais qui hélas n'ont aucune dimension poétique. Or, à mes yeux, un poète, c'est à l'impact poétique de ce qu'il fait qu'il doit songer, d'abord et toujours, ainsi qu’à la relation, très peu évidente certes, très biaisée, (c'est ce que je veux dire quand je parle de « poésie ») que sa démarche entretient avec la poésie, avec son histoire, avec tout ce qui précède.

De manière plus personnelle, je ne me dis jamais « je vais faire un truc numérique », je ressens quelque chose qui me semble relever de la poésie et ensuite ça prend une forme tantôt numérique, tantôt vidéo, tantôt livre, tantôt poésie visuelle ou performance. La poésie c'est le noyau commun de tout cela. Alors, tu me demanderas peut-être pourquoi je choisis telle ou telle forme (le medium est une forme) : là je serais gêné pour te répondre parce que ça dépend, ça dépend précisément de ce que je ressens et de l'objet qui me préoccupe, donc il faudrait prendre des exemples précis. Certains matins, ou certaines nuits, j’ai envie d’écrire, bêtement, avec un stylo et un bout de papier, et je ne m’en prive pas, je me régale ! - En tout cas, peut-être comprends-tu pourquoi il y a une autre phrase que j'ai très souvent utilisée dans des contextes et sous des « formes » on ne peut plus variées, « le poème est la somme de l'ensemble infini des formes à l'intérieur desquelles il se sent toujours également à l'étroit »...

Au fond ces deux phrases sont à peu près synonymes pour moi…

A. G : Tu as connu de très près René Char ; est-ce que ceci a influencé ta démarche ? Et plus généralement, quels sont les moments du passé qui ont eu (ou ont encore) une importance dans ton évolution et dans ta création ?

Ph. C : Étant né à Isle sur Sorgues, ayant grandi à un jet de pierre de la maison de René Char, aux Busclats, j’ai effectivement eu la chance de le rencontrer et de le connaître, j’allais souvent chez lui, c’était un homme qui savait accueillir, avec une très grande générosité… Et puis j’ai décidé d’écrire un livre sur lui, sur sa poésie et là les échanges sont devenus encore plus précis. Il a lu ce livre tandis que je l’écrivais et nous avons parlé de pas mal de choses, certaines très anecdotiques, d’autres liées à la poésie. Le livre a été publié chez les Éditeurs Evidant quelques mois après la mort de René Char, il s’appelle René Char, Traces. Il y avait deux ou trois choses qui me concernaient très directement chez René Char, d’autres auxquelles j’étais moins sensible, le versant prophétique ou mystique par exemple. Ce qui me concernait était tout d’abord la relation à l’ordre du visible en général, à la peinture en particulier et aux peintres, comme Braque, ou De Staël... Je ne parle pas seulement ici des textes de René Char qui sont explicitement liés à ce genre de choses, préfaces pour des catalogues etc.… Il en va d’un rapport plus profond, du fait que nombre de poèmes de Char sont conçus « comme des tableaux » ou bien même, et plus, que Char a été l’un des très rares « écrivains » à dépasser le signifiant verbal pur pour s’intéresser à son inscription, comme je dis, matérique, du coup à emprunter des chemins très proches de ceux que la poésie visuelle a développés. C’est un aspect qui n’est pas évident parce que tout simplement l’édition standard l’a effacé. Tout bonnement. Si tu lis La Nuit Talismanique dans la Pléiade tu te rends compte que toutes les dimensions visuelles en ont été exclues : il faut se reporter à l’édition Skira pour prendre conscience de ce qui a été perdu, « perte » qui ne concerne pas que « la Nuit… », tant s’en faut. Une autre chose qui me concernait était la relation de la poésie et de la vie. Char ne les jamais séparées, et pour de bon. L’engagement physique dans la Résistance n’est pas un détail. Sa poésie est une poésie d’action et réciproquement ses actions sont toujours des actions poétiques. C’est comme cela qu’il faut entendre, d’après moi le très beau texte qu’il a écrit concernant Arthur Rimbaud, dont il fait en quelque sorte l’archétype du « performer » (« Tu as bien fait de partir Arthur Rimbaud… ») - Bref, Char ça n’est pas un formaliste, pas quelqu’un qui fabrique de petites ou grandes machines bâties sur des structures abstraites plus ou moins gratuites : « Le poète a toutes les rues de la vie oublieuse pour cracher le petit sang dont il ne meurt pas… » - Cela induit une troisième chose, très importante également pour moi, le type d’écriture pratiquée par Char, une écriture de la discontinuité, ce qui se voit dans les métaphores qui lui sont chères, de l’archipel, de la poussière, de l’essaim, de la pulvérisation. Les poèmes ne sont pas éléments, ils sont fragments, ils communiquent par en dessous, cet en dessous qui est comme une Atlantide immergée dont seuls quelques sommets touchent au visible. Ces trois aspects me concernaient et me concernent encore, je les ai retraduits à ma manière, le premier par mes pratiques dans l’ordre de la poésie visuelle ou des arts plastiques, le second dans la performance, le troisième de façon plus complexe, en m’imaginant que les divers medias pouvaient eux aussi être pensés sur le même modèle de l’archipel, du réseau, du rhizome….ou pour faire moins « mode » de la taupinière !

A. G. : Tu pratique une poésie qui très souvent est réalisée sous forme de performances ; des poètes, souvent liés au seul texte sur la page, se méfient de cette forme de présentation à laquelle ils reprochent le côté théâtral. Qu’apporte de spécifique au public ce type de performances, d’après toi ?

Ph. C. : J’ai commencé à faire des performances à partir des années 80. Sans entrer dans le débat théorique de « ce que c’est qu’une performance », débat qui nous entraînerait très très loin hélas, les « motifs principaux qui m’ont conduit dans ce chemin étaient, outre ce que j’ai déjà indiqué dans la réponse à ta question précédente, la volonté de sortir le poème « hors de la page » et plus encore de resituer la poésie dans l’espace public, dans la Cité. C’est la question de la place du livre dans une société désormais dominée par la sphère des médias audio visuels qui ici est en cause. Le livre a été un vecteur majeur, il a cessé de l’être, il n’a certes pas perdu toute fonction mais il ne peut plus faire l’objet d’un culte fétichiste et d’une sacralisation métaphysique comme il en est allé pendant quelques siècles. Faire un livre « classique », désormais, c’est un choix, parmi bien d’autres possibilités. Il s’agit que ce choix soit justifié, c’est tout. Quant à la performance, il me semblait (et il me semble toujours) qu’elle était infiniment plus accordée au mode de fonctionnement de la communication contemporaine : elle est de l’ordre du mouvement, pas du monument. Elle travaille la temporalité, elle ne se dresse pas contre elle. Elle est l’exemple même d’une pratique démystifiante et désacralisante. Théâtrale dis-tu ? – Alors certes pas ! – Pour moi la « théâtralité » est aux antipodes de la performance. Et là je ne parle pas de l’absence - ou pas - d’une partition, de l’improvisation ou de toutes ces choses, je parle du fond : la théâtralité, au mauvais sens du terme, consiste en la sacralisation et en la mystification qui sont exactement ce que la performance vise à déconstruire. Tous les performers sont nus et leur nudité métaphorique ou réelle n’a rien de théâtral, elle signifie au contraire une pauvreté, le refus du masque et de la mise en scène. Maintenant, note bien que je ne suis pas en train de parler ici de ce que l’on peut faire (et que l’on fait) aujourd’hui dans le domaine du théâtre. La performance, à cet égard non seulement est « intermedia » mais de plus constitue comme une visée générale dans le champ global de l’art, c’est pourquoi tu la retrouves partout, en musique (Cage), en danse (Simone Forti, Cunningham…), dans les arts plastiques (Acconci) et même au théâtre où certains l’ont mise en œuvre (Je pense à Beck, bien sûr) et où d’autres ont tenté de la recycler, avec plus ou moins de bonheur et d’honnêteté, là je pense à Jan Fabre… En tout cas, pour en revenir à la lettre de ta question, ce que la performance apporte au public d ‘aujourd’hui c’est avant tout une autre définition de l’art, une définition absolument laïque et radicalement démocratique.

A. G. : Et DOC(K)S ? Quelle est sa place dans ton parcours ?

Ph. C. : Pas négligeable ! – J’ai rencontré Julien Blaine avant qu’il ne fonde DOC(K)S, en 76, et je dois dire que cette rencontre a constitué pour moi une chance considérable : Julien était porteur d’une culture de la poésie contemporaine dont j’étais très ignorant à l’époque. Mail art, poésie concrète, poésie visuelle, tout ceci je l’ai découvert à ce moment, et avec l’impression de toucher une terre nouvelle car les pratiques que j’avais déjà et qui me paraissaient singulières, tout à coup se trouvaient situées dans un ensemble bien plus vaste et bien plus ancien. Par la suite j’ai donc assisté à la naissance de DOC(K)S et ce fut un second choc, cette fois géographique, un décentrement violent. Très naïvement je me figurais que la poésie qui m’intéressait était une chose « européenne » et à travers DOC(K)S, je constatais que c’était exactement l’inverse, qu’il se passait des choses fantastiques à l’autre bout du monde… Au même moment, j’avais rencontré des gens de Tel Quel et, s’il n’y avait pas eu DOC(K)S, je crois que j’aurais pu m’embarquer dans cette galère. D’ailleurs, dans la période dont je parle, Tel Quel a commencé à tenir des propos qui, en apparence, se rapprochaient beaucoup de ceux que les concrets puis DOC(K)S avaient promus, les Brésiliens de Noigandres par exemple. Ceci ditTel Quelétait un groupe de parisiens, ou même pire, un groupe de parisianistes assez salonnards. DOC(K)S, au contraire, marquait une coupure absolue. A partir de cette date, toujours est-il que j’ai commencé à contribuer très régulièrement à DOC(K)S. Au point que, lorsque Julien a décidé de laisser tomber, en 1990 et pour des raisons qu’il serait vain d’exposer ici, il nous a proposé (à Jean Torregrosa et à moi-même, c’est-à-dire Akenaton que nous avions créé ensemble en 1986) de reprendre le flambeau. Là commence une autre période, très différente de la première. Collaborer à DOC(K)S est une chose, faire DOC(K)S en est une autre. Je ne parle pas des aspects pratiques, du travail que cela représente, non, je parle des chemins à suivre, des domaines à explorer, et aussi des aspects créatifs, de la réflexion sur l’aspect graphique, sur l’objet et sa construction, car DOC(K)S n’est pas une revue comme les autres, c’est une sorte d’objet créatif de second rang. C’est cela qu’il a fallu prendre en compte et en charge dans cette période. Pour en arriver à la conclusion, (vers 94-95) que si DOC(K)S aujourd’hui gardait un sens expérimental vivant, ça ne pouvait être qu’en prenant un cap nouveau, celui de l’exploration des liens entre le livre et les nouveaux médias, vidéo, ordinateur, web…C’est ce qui nous a conduits à publier en 96-97 le numéro que tu connais, qui s’appelle SOFT_DOC(K)S, numéro réalisé en commun avec Philippe Bootz et Alire (disons surtout Tibor Papp !) et qui, (c’était une première mondiale absolue et une prouesse technique (pour des poètes !) prouesse dont je continue à être assez fier), comportait un CD ROM MAC / PC de poésie animée par ordinateur. Depuis lors nous n’avons jamais abandonné ce choix, celui au fond, d’approfondir pratiquement et théoriquement la question, que j’estime aujourd’hui fondamentale, des relations de l’écrit imprimé en général et de la poésie « écrite » en particulier avec la sphère des nouveaux medias.

A. G. : Les générations actuelles font de moins en moins de séparation entre les formes abordées ; le sonore et le visuel se lient souvent dans leurs pratiques et le numérique s’y ajoute parfois aussi. C’est comme si ta pratique de « la poésie sans épithète » avait eu l’écho historique mérité. Que penses-tu de cette situation actuelle ?

Ph. C. : Si la situation était véritablement ou seulement ce que tu décris, je n’aurais qu’à m’en réjouir. Il est tout à fait exact que nombre des poètes, des jeunes ou pas tout à fait mais encore, œuvrent dans le cadre que tu viens d’évoquer, auquel je rajouterais d’ailleurs la performance. Philippe Boisnard, HP Process, Joaquim Montessuis, David Christoffel sont des exemples tout à fait convaincants à mes yeux. Et il y en a beaucoup d’autres. Qui plus est, les formes d’écriture au sens classique, je veux dire celles qui s’en tiennent au livre et à l’imprimé, sont dans bien des cas, (j’aurais tendance à dire dans tous les cas intéressants), plus ou moins profondément marquées par la dimension intermedia et par le numérique, là je pense à Christophe Tarkos, à Charles Pennequin, à Jean-Michel Espitallier. Rajoute que ce phénomène ne se limite pas à la sphère de la poésie : on assiste au même brouillage dans les autres domaines, musique et danse. Pourtant, sans cracher dans la soupe, j’émets plusieurs réserves. La première est que ce changement, de surcroît greffé sur la révolution des circuits de diffusion que constitue le web, n’empêche nullement le (petit) monde littéraire de faire comme si de rien n’était. Un peu comme pour les avant gardes du début du xxe et contre toute évidence, on relègue aux marges, comme des « curiosités » ou des extravagances, ce qui constitue le centre véritable de la création actuelle. Le fétichisme du livre et toute la mythologie qui l’entoure demeurent dominants. Les instruments (quand il ne s’agit pas de la volonté…) d’analyse critique des démarches dont nous parlons font largement défaut. Pour ne prendre qu’un exemple, DOC(K)S a régulièrement suscité des recensions critiques, ça et là. Mais jamais, jamais il n’y a eu une ligne d’écrite à propos des CD et DVD qui l’accompagnent, alors que nous ne cessons de dire qu’il ne s’agit pas d’un gadget « joint au livre », comme dans PIF le Chien, mais que c’est l’ensemble (plus le site web) qui constitue l’objet, bref que DOC(K)S, c’est un dispositif tripolaire. La seconde réserve concerne les travaux eux-mêmes., dont beaucoup, hélas, me semblent assez superficiels, correspondant plus à une mode qu’à l’exigence d’une démarche créative. La poésie est sans épithète, certes, encore faut-il que la poésie soit au rendez vous et qu’il ne s’agisse pas seulement d’exercices dans lesquels on joue plus ou moins bien des nouveaux outils. Et même quand on en joue très bien, quand on est très fort techniquement, en programmation par exemple, ça ne suffit pas. C’est pareil pour la performance : tous les étudiants sortant des Beaux Arts font des performances aujourd’hui mais je n’ai guère l’impression ni qu’ils aient vraiment réfléchi sur ce qu’est la performance, ni même qu’ils en connaissent l’histoire, qu’ils soient à même de situer leur démarche, de construire un trajet en liaison avec une intention poétique. D’ailleurs, deux ou trois ans plus tard, le nombre de ceux qui continuent diminue considérablement. Récemment, nous étions Jean et moi en Allemagne et nous parlions de tout cela avec Boris Nielsony qui nous disait que c’était exactement la même chose chez lui et que lui, qui intervient dans les Beaux arts comme « professeur de performance » (oui, ça existe !) n’arrête pas de répéter à ses étudiants que, avant tout, c’est une chose qui demande du souffle, ce qu’il appelle « the long breath », un travail sur le long terme, un cheminement. Beaucoup croient que parce que c’est éphémère et plus ou moins improvisé c’est facile, on peut faire à peu près n’importe quoi, alors que c’est très exactement le contraire. Même chose pour le numérique, la vidéo, le web et tout ce que l’on veut. Il s’agit de prendre ces choses au sérieux, avec « the long breath »…

A. G. : Quels sont tes projets actuels de poésie ?

Ph. C. : J’en ai plusieurs en chantier. Trop. Ces mois-ci, du côté de la programmation j’ai pas mal travaillé dans le domaine de la 3D, dans celui des réseaux et dans celui des voix synthétiques (il y a un poème lié à ce travail dans le CD rom du dernier numéro de DOC(K)S et il y en a un autre, un extrait, en ligne (1). Je continue également ma série des « live vidéo performances » qui est en ligne sous le nom de « Fondu_au_Noir »(2) (ou j’improvise, plus ou moins, devant la web cam. J’ai aussi le projet des « Images Lentes »(3), qui me tient à cœur, comme une sorte d’utopie. Et puis, figure-toi que je réfléchis également à un livre de poèmes, avec des textes, dont Fondu_au_Noir me fournirait la matière. Bon, à part ça une exposition Akenaton à Marseille, le prochain numéro de DOC(K)S, à propos des Nouvelles Asies (4) et des performances un peu partout, en Grèce, en Chine…A chaque jour suffit sa peine. Certains de ces projets n’aboutiront pas ou seront balayés par d’autres, la poésie ça se planifie assez mal…

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Contribution d’Alexandre Gherban


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