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Subprime loans : quels impacts systémiques de la crise ?

Publié le 24 août 2007 par Sia Conseil

Au début de l’été, les craintes étaient alimentées par une potentielle surchauffe en Chine ou plus largement au sein des BRIC. Or c’est dans la première puissance économique et financière que la crise a débuté. Si la crise des « subprime loans » aux Etats-Unis est une

réalité, le déchainement médiatique se fait le relais d’anticipations négatives qui ne pourront être réellement confirmées que sur le moyen terme.

Les prêts subprime sont des prêts hypothécaires accordés à des contreparties particulièrement risquées, surnommées satiriquement « NINJA » (No Income, No Job or Asset). Ces prêts sont garantis par le bien qu’ils ont permis d’acquérir et versent des intérêts très élevés qui peuvent dépasser 10%.

Les difficultés que rencontrent les 2 millions d’emprunteurs aux Etats-Unis aujourd’hui et la crise qui en résulte sont le fruit de deux facteurs :

  1. des manquements en terme d’évaluation des risques emprunteurs
  2. un recours important à la titrisation

Origine de la crise : un manquement en terme d’évaluation des risques emprunteurs

Les montages ont été mis en place sur la base de deux hypothèses fortes :

  • les taux d’intérêts sont durablement bas pendant la durée du financement qui excède 25 ans dans la plupart des cas,
  • le montant prêté est calculé en fonction d’une croissance régulière de la valeur future de l’actif financé.

Le financement mis en place suit donc une logique d’évaluation de risque de marché (la valorisation de l’actif financé) et non une logique d’évaluation de risque de crédit (l’évaluation du risque de défaut de l’emprunteur) comme il est d’usage, notamment avec la mise en place de réformes réglementaires de solvabilité comme Bâle II. Hors le contexte réglementaire aux Etats-Unis ne va pas encore en ce sens, puisque ce sont uniquement 20 grandes banques actives internationalement qui se conformeront à Bâle II. Les autres établissements de crédit seront soumis à un cadre allégé (dit Basel IA), dont la mise en application est prévue pour 2009 (2007 en Europe).

Depuis quelques mois les deux hypothèses énoncées ci-dessus ne sont plus vérifiées :

  • la baisse du marché immobilier diminue la valeur du bien hypothéqué qui devient inférieure à la dette
  • la hausse des taux rend la charge de la dette trop lourde pour une population fragile.

Par ailleurs, ces crédits ont été commercialisés avec une première période de 2 ou 3 ans avec un taux fixe préférentiel. Les crédits émis en 2004 et 2005 (époque de plus fort octroi) arrivent donc au terme de cette période et doivent être refixés en 2007 provoquant une vague de défauts.
Si le mécanisme se produit à grande échelle, c’est l’établissement financier dans son ensemble qui est menacé.

Propagation de la crise : un recours important à la titrisation

Afin d’optimiser leur consommation de fonds propres, les banques ayant octroyé ces crédits ont titrisé tout ou partie de leur subprime loans principalement sous forme de CDO ou de RMBS (cf. article « Titrisation : évolution d’un marché en mutation »), et ce, avec la bénédiction de la plupart des agences de notation (cf. article « des notes au cœur des systèmes financiers »).
Les rendements offerts ont séduit tous les investisseurs : les hedges funds mais également les Asset Managers plus conventionnels. Les fonds qui rencontrent aujourd’hui des difficultés sont surtout des fonds monétaires dynamiques, qui ont pu offrir des rendements supérieurs à EURIBOR + 20bp, et non pas les fonds alternatifs plus sophistiqués.

Les défauts augmentant sur les subprimes, la valeur des dérivés de crédit diminue fortement. Les gérants sont alors dans l’incapacité de calculer la valeur de leur fond, notamment faute d’échange sur ces instruments. Ils suspendent alors la cotation, provoquant la panique des investisseurs. Ceux-ci souhaitent alors tous revendre leur part, ce qui oblige les gérants à fermer temporairement les fonds en attendant des jours meilleurs.

Les fonds touchés qui n’ont pas fermé ont du chercher des liquidités pour faire face aux retraits, ils ont alors vendus les seuls actifs liquides, les actions entrainant la baisse des marchés action.

Enfin, certaines banques très exposées à travers leurs fonds (notamment les banques allemandes Sachsen LB, IKB, BBW, etc.) doivent combler leurs pertes et introduisent ainsi la suspicion sur tout le secteur ce qui provoque des tensions sur le marché interbancaire.

Correction

Au-delà de la survie des fonds impliqués, la correction de la crise des subprime loans aux Etats-Unis nécessitera « the finest tuning » afin de ne pas tomber de charybde en scylla :

  • Une intervention massive en faveur des emprunteurs qui renfloueraient les Banques empêcherait les forces de rappel de jouer leur rôle et la crise recommencera cycliquement  dans quelques années.
  • A l’inverse, une intervention insuffisante - mais permettant d’apurer le secteur financier en éliminant les contentieux - aurait un impact majeur sur l’économie américaine, sur le secteur de l’immobilier (dans une ville ou 20% des prêts sont subprime, un effondrement des prix contaminerait l’ensemble des emprunteurs), mais également sur la consommation, principale moteur de la croissance.

Conclusion

Les conséquences de cette crise seront dramatiques pour les centaines de milliers d’emprunteurs américains qui se retrouveront en situation de faillite personnelle. L’impact devrait également être très important sur l’économie américaine, entrainant probablement une récession. L’impact direct sur l’économie mondiale reste encore à appréhender, les difficultés rencontrées portant sur trois domaines.

(i) Tout d’abord la gestion d’actifs où les systèmes de dérivés de crédit jouent leur rôle en répartissant les risques. Ce sont alors les investisseurs qui porteront la plus grande partie des pertes.

(ii) Ensuite les problèmes actuels sur la liquidité à court terme ne devraient pas perdurer, les Banques Centrales jouant leur rôle de prêteur en dernier ressort, et les investisseurs redécouvrant le charme des placements court terme interbancaires à Euribor + 5bp.

(iii) Enfin l’activité de crédit connaît le début d’un « flight to quality » qui ne peut être que sain, tous les observateurs ayant dénoncé depuis plusieurs mois les excès, notamment au niveau des fonds d’investissement dont la croissance devrait se ralentir. Il faut quand même rappeler que les spreads constatés actuellement sont encore bien inférieurs à ce qu’ils étaient en 2000 – 2001.

Quoi qu’il en soit il faut s’attendre, en Europe continentale, à ce que les pouvoirs publics profitent de la crise pour réclamer un supplément de transparence sur l’Asset Management. Cependant, ces métiers sont devenus tellement techniques qu’il semble difficile de les rendre accessibles aux non initiés afin de mesurer les risques réellement encourus par les fonds…

Sia Conseil


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