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X 2463 de Jean Bollack

Par Florence Trocmé

X 2463 (25 12 08)

Au sujet du sonnet “Le vierge...” de Mallarmé que j’ai commenté (“Un sonnet, une poétique - Mallarmé : “Le vierge, le vivace...”, dans Mémoire et oubli dans le lyrisme européen, Paris, Champion, 2008, p. 581-594, volume d’hommages offerts à J. Jackson), je lis la présentation contemporaine de la poétique de Valéry (et d’autres), parue peu avant la mort de Valéry (Louis Bolle, Fribourg 1944, p. 90-91) et j’y tombe sur une observation portant sur La jeune Parque que j’aurais pu ajouter à ma démonstration  ; elle concerne « le mouvement même du fameux sonnet ». La poésie est pure, rendue à sa plénitude (« avant même de comprendre le texte, nous sommes emportés par un mouvement puissant »). L’incantation verbale précède la compréhension : « la grande poésie peut agir sur nous, alors que nous négligeons le sens des mots ». Ainsi les mots du premier vers «  du sonnet suggèrent d’une façon inexplicable la signification du contenu ». L’auteur précise ce contenu : « la grâce d’un cou animal » – le cygne, « et l’élan vain des ailes ». Il se trompe en croyant disposer des éléments « infra-intellectuels » ; ils ne sont pas moins sémantiques que le reste. C’est simplement qu’il a préalablement tiré d’une lecture – sans doute erronée (voir la qualité de « vain ») – une impression du tout, assez vague pour qu’il puisse la retrouver ailleurs dans une simple sonorité. La faille est dans l’idée répandue alors (elle l’est toujours) que Bolle s’était faite de la composition, la cohérence (“consistence”), empruntée à Poe. La cohérence interne est prêtée à une “continuité” générale, englobant tous les aspects : « mélodique, idéelle, plastique, syntaxique ». C’est la relation entre ces éléments qui fait problème. À la base, elle est chez un Mallarmé sémantique et syntaxique, transférée à l’objet et déchiffrable. La composition n’est pas mystérieuse, communiquant une vérité secrète et insondable. Le “mystère” est le fruit de la composition intellectuelle. Si rien « n’y est laissé au hasard », c’est que l’opération est d’ordre intellectuel, s’inscrivant dans la texture du langage, qui l’est et ne l’est pas. « C’est beau parce que ça tient » (op. cit., p. 58). C’est qu’on l’a fait tenir. Si Valéry écrit que « la signification et l’usage ordinaire (des objets réels) sont négligés pour que n’en subsistent que l’ordre et les réactions mutuelles » (Variété, p. 237), il ne pense visiblement pas à la mise au jour de correspondances tirées d’arcanes obscures mais « à la faculté d’intelligence » (op. cit., p. 61) appliquée à une matière, et aux produits d’un savant exercice de mises en relation.

©Jean Bollack

Contribution de Tristan Hordé

Sur les X de Jean Bollack, lire ici

Ensemble des X de Jean Bollack


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