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Il était 2.0 fois…

Publié le 08 février 2009 par Leverbal

Bien sûr, le web et les logiciels de publication de type wiki n’ont pas inventé l’écriture contributive telle qu’elle est pratiquée actuellement sur la toile. Le contributif a des ancêtres parmi les pratiques d’œuvres collectives ou composites. La différence ? Le rapport entre les participants.

Les surréalistes ont rendu célèbre la pratique du cadavres exquis, œuvre collective où les auteurs  participent comme à une partie de carte. Une des méthodes les plus proches de ce qui se pratique sur plusieurs wikiromans, et qui a débouché sur des romans complets édités en version papier, est celle du round-robin. Dans les deux cas, l’œuvre se constitue de manière “fermée” : les contributeurs sont connus à l’avance, ou bien choisis par l’initiateur de l’œuvre au fur et à mesure. C’est aussi la façon dont on procède pour une encyclopédie papier ou un magazine.

Centoneurs potentiels

Centoneurs potentiels

On peut aussi considérer les œuvres dites composites comme des créations dont l’auteur d’origine a permis  une constitution “ouverte”, même si, en définitive, c’est le second auteur qui matérialise cette ouverture. C’est le cas du centon (pratique plus vieille que l’imprimerie) ou du cut-up (pratique née de l’imprimerie !). Mais en général, ces œuvres composites n’impliquent que deux auteurs : celui de l’œuvre original, et celui de la “composition”, même si certains cut-up sont parfois réalisés comme des œuvres collectives.
Un cas intéressant, mêlant œuvre composite et collective, est celle des exercices de style publiés en recueil, dont sont friands les Oulipiens, comme le récent Je suis le ténébreux. Le plus souvent, la liste des participants est déterminée à l’avance, mais il arrive qu’un recueil puisse se faire a posteriori, sans concertation préalable, comme sur le site Fatrazie, pour Voyage divers. On est assez proche de l’œuvre contributive, même si l’ajout de nouvelles contributions à ce recueil en ligne ne dépend que du bon vouloir du webmaster de Fatrazie.

Ce qui différencie ces œuvres des œuvres wiki contributives, c’est donc bien le rapport entre les participants. Dans le premier cas, ceux-ci sont rassemblés par un initiateur (cadavre exquis), n’ont aucun contact entre eux  (centon) ou travaillent en parallèle (exercices de style). Dans le second, l’identité des participants ou le périmètre de leur intervention n’est pas fixé à l’avance, et ils peuvent échanger lors de la création de l’œuvre. D’où la possibilité d’explorer de nouvelles formes de créations.

On peut représenter sous forme graphique les différentes pratiques existantes selon la façon dont elles maillent les différentes contributions. En effet, une contribution peut être plus ou moins longue (du bout de phrase au chapitre), et chaque auteur peut contribuer une ou plusieurs fois à l’œuvre final.

Géographie des pratiques littéraires selon leur dimension contributive

Géographie des pratiques littéraires selon leur dimension contributive

Ce schéma est approximatif, mais il a le mérite de montrer quelque chose d’assez logique,  au fond : plus la longueur de chaque contribution augmente, et plus le nombre possible de contributions par auteur diminue. Les initiateurs de ces œuvres orientent leur élaboration en fonction des moyens dont ils disposent. Par exemple, écrire un roman à la manière d’un cadavre exquis, est-ce vraiment envisageable sans le web ?


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