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high - glandeurs

Publié le 23 février 2009 par Collectifnrv
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En ce moment, il y a un sujet, qui a pourtant toute son actualité et que l'on s'est toujours bien gardé de traiter, tant il est problématique et qu'il ne va pas de soi pour tout le monde, c'est-à-dire, la "majorité" de nos contemporains. Il s'agit du mensonge permanent, et largement soutenu, tous bords confondus, de l'idéologie du travail. Problématique, parce qu'il est difficile de nier les vertus du travail - tant sur le plan de l'épanouissement personnel, que sur le plan de l'organisation sociale - et qu'il y a une urgence à dénoncer l'instrumentalisation sournoise de cette notion noble, à des finalités absconses, et véritablement nocives.


Si on suit l'idéologie dominante, il faut avoir un travail pour participer à la vie collective (consommer, payer ses impôts ; voter ?!!!). Celui qui est "hors travail", est d'emblée "hors-norme", et en conséquence, il est "disqualifié" ; non pas vraiment sans qualification pour travailler (puisque, aujourd'hui avec les euphémismes de la novlangue, un travail "qualifié" signifie exactement le contraire de ce qu'il devrait vouloir dire), mais qui ne dispose d'aucune autorité pour avoir un mot à dire dans l'espace public. On préférera mieux écouter un demeuré notoire, "fraîchement" accompagné, qui débite à satiété des âneries à longueur de journées, avec toutes les caméras et les micros du monde sous le nez, face à des contradicteurs de pacotilles, plutôt qu'un indigent avec une expérience et une sensibilité, mais dépourvu de "gloire" ou de "qualités". On ne cherchera même pas à savoir en quoi le premier a une autorité, et on considérera l'autre comme un pestiféré.


C'est pourquoi on veut prôner les mérites de la glande : on n'a désormais aucune raison de devoir rougir parce que l'on "glande... autant que les autres travaillent" ! Car glander, est une activité peut-être même plus difficile que le travail. Parce qu'à un moment, le travail ne consiste plus qu'à effectuer des tâches répétitives. Alors que pour la glande, ce qui est difficile, c'est que, d'une part, c'est très mal vu "socialement" (sauf par ceux qui goûtent savoureusement les joies de l'oisiveté), et que, d'autre part, ce n'est pas "aidé" socialement ; que la société permet peu, voire très mal de glander. Déjà, ce n'est pas rémunéré. Mais, aussi quand on voit ne serait-ce que l'organisation des bibliothèques municipales - réglée suivant le rythme... des travailleurs ! - ça en devient presque une gymnastique. Et puis, à un autre degré, on refuse même de reconnaître que produire en glandant, sans contrepartie financière est beaucoup plus généreux que travailler pour un salaire (que l'on épargne, ou qui permet de rembourser son crédit... immobilier !!!).


Le plus grave (quand on fait abstraction des industries de saccage et de pollution de l'environnement), ce sont les gens qui se satisfont de travailler, en se donnant des airs d'importance du seul fait qu'ils ont un travail, qui se permettent de dénigrer ceux qui n'en ont pas (les exclus). Ils s'autorisent à juger (mais du haut de quoi ? de leur travail ? de leur salaire ? de leur appartenance à un groupe soi-disant politique ?) la situation - choisie ou subie - de ceux qui n'ont pas intégré le monde du travail. Ils font les beaux, alors qu'en fait, ce sont des veaux et des vendus. Des gens qui se satisfont des maigres connaissances qu'ils ont, se repaissent de leur incompétence, de leur ignorance, même, et, qui ne cherchent plus à se questionner, et encore moins à questionner le monde qui les environne, qui ne cesse de les manipuler (même ceux qui croient tenir des ficelles), tant leur place (salariée) leur assure un certain confort matériel. Ce sont des gens qui sont tellement assurés de garder leurs places, qui ne reculent devant aucune compromission, et qui parfois n'hésitent même pas à aller au devant d'elles, qu'ils se permettent du haut de leur forfanterie de rouler des mécaniques et de juger les autres, qui eux - peut-être péniblement - font au moins l'effort de s'interroger, de chercher à comprendre, questionner, voire attaquer le système dominant : celui qui assure aux soumis une place confortable (un salaire, un profit) dans la circulation de l'argent et de la marchandise. On le voit très bien avec l'arrogance des politicards plus ou moins véreux - qu'on "augmente", sans égard aucun pour les plus démunis.


Ces travailleurs, auto-satisfaits, donc, ils ne s'étaient jamais posé de questions auparavant parce qu'ils ont toujours obéi à ceux qui prenaient les décisions, qu'ils émanassent même d'incapables notoires. Et du jour au lendemain, alors qu'ils sont acculés (oui-oui : "acculés") à n'avoir de choix que d'être autonomes, il viennent pleurer ; ils ne savent plus que faire, quand tout le monde les a largués. Et, ils s'étonnent à la fin que, dans leur dénuement, plus personne ne daigne leur porter secours...

Ainsi, lorsque qu'ils tombent de l'échelle sociale, alors qu'ils ont peiné si durement à grimper, ils en viennent à pleurer dans les jupes des aides sociales ou viennent s'agripper aux basques du premier venu, et de ceux qu'ils ont auparavant crânement dénigrés. Ils se prennent de le mur de la réalité, de la violence économique, et du mépris carnassier des cyniques de tous poils. Ils se rendent compte - parfois très tard à cinquante ans, et parfois jamais - de l'illusion du système dominant qui les a couvés, du paraître social : qu'ils ont toujours vécu avec des œillères, que le monde dans lequel ils ont toujours baigné n'était qu'un monde d'apparences et de veulerie, s'étonnant des trahisons subites de leurs plus proches confidents ; qu'ils n'avaient vécu qu'avec des flagorneurs et des pleutres.


D'autant plus qu'en ce moment, avec ce qu'ils appellent la "crise", qui n'en est pas une, et qui n'est qu'un alibi "conceptuel" (en fait, un fourre-tout pour le prêt-à-penser-automatique) pour licencier à tire-larigot. Car le capitalisme ne s'embarrasse pas du nombre, c'est une course au profit. Point barre. Les plus "installés" jubilent de la déconfiture des autres, sans imaginer un seul instant que l'étau puisse sur resserrer sur eux, peut-être plus vite qu'ils ne le croient, ou croyant que si d'autres incapables puissent être protégés par des parachutes dorés, ils le seront également. Selon qu'ils puissent être éventuellement une menace aux agissements des prédateurs, selon leurs arguments, ils parient sur un avenir radieux.

Et quand la fin approche, on regrette de n'avoir pas assez médité l'affirmation de Marcuse, dans L'Homme unidimensionnel, lorsqu'il écrit que "le travailleur et le patron sont complices"...

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par Albin Didon


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