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Un PDG demande qu’on augmente ses impôts

Publié le 23 février 2009 par Clal
ou comment les Etats-Unis se rapprochent de la France


Un PDG américain plaide pour qu’au lieu de plafonner son salaire on augmente ses impôts du taux actuel d’un tiers a la 50%. Je répète : un PDG américain proéminent suggère qu’on augmente ses impôts sur le revenu. Certes le PDG de Netflix est en Californie, Etat libéral s’il en est aux Etats-Unis, mais quand même cela mérite qu’on s’y arrête.

C’est un signe des temps : dans le marasme actuel, les Etats-Unis repensent leur capitalisme, veulent retrouver leurs valeurs et sont en train de redéfinir le rôle et la place de l’Etat.

Signe des temps
 

Image courtoisie Tiffany Shlain

On a tous nos marottes, quelques idées fixes forgées au fil du temps, qui alimentent nos opinions sur toutes sortes de sujets.

Quant a moi, j’ai toujours cru au public-privé. Dans ma famille nous avions ces sempiternels débats entre mon père haut fonctionnaire représentant de l’intérêt général et ma mère cadre dans le secteur privé représentante de l’efficacité. Il n’y a pas besoin d’être un grand philosophe pour se dire que si l’intérêt général du secteur public pouvait être servi avec l’efficacité du secteur prive, ça serait la panacée.

partenariat prive public

Image courtoisie MetroNet IQ


J’ai vécu en France : grosse empreinte de l’Etat, beaucoup de sécurité, mais pal mal de lenteur pour arriver à quelque chose. Je vis maintenant aux Etats-Unis. C’est l’inverse : pas beaucoup d’Etat, pas beaucoup de sécurité, mais beaucoup de motivation pour arriver à quelque chose. Là non plus, il ne faut pas être un grand philosophe pour se dire que si la France pouvait être un peu plus comme les Etats-Unis et les Etats-Unis un peu plus comme la France, on s’en porterait tous beaucoup mieux.

France-Amerique, Statues de la liberte
 

Image courtoisie Wikipedia

J’ai grandi dans un pays féru de culture refusant d’admettre les dures réalités économiques, amoureux de débats idéologiques, grand hobby en soi, mais apportant peu de résultats concrets. A l’inverse aux Etats-Unis, dans la conversation courante, en dehors de quelques cercles éclairés, on ne parle pas de société, de culture, on se concentre sur soi, sur sa vie, sur ce qu’on peut accomplir. Qu’il serait bon d’arriver à un juste milieu. Aspirer à des idéaux, en parler, mais admettre les réalités telles qu’elles sont et concentrer ses énergies à obtenir des résultats plutôt qu’a débattre sans fin.

Dans le marasme de la crise, je me réjouis au moins que ce moment semble venu ou ce qui me trottait par la tête soit dans l’air du temps.

Ça fait quelque temps déjà que Sarkozy essaie d’inculquer à la France une culture du pragmatisme et des résultats (potion amère), ce en quoi nous ne faisons que rejoindre la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Allemagne. Changer de génération, passer de présidents passés 70 ans àdes présidents cinquantenaires ou même moins a du bon sans aucun doute.

La nouveauté cependant vient des Etats-Unis. Il n’est pas une semaine désormais où n’y paraisse un article expliquant comment les Etats-Unis vont devenir plus comme l’Europe : leur débat n’est plus « Etat ou pas Etat » ; avec la loi de stimulus économique, le débat est devenu quel Etat pour le maximum d’impact. Les Etats-Unis sont en pleine réflexion sur quel doit être le rôle et la place de l’Etat. Avec la crise de confiance dans le capitalisme, ils admettent que le secteur privé à lui seul ne peut décider de ce qui est bon pour la société. Cela commence à ressembler à « l’intérêt général ».

Je suis contente que les Etats-Unis y arrivent, car je me suis toujours demandé comment on pouvait avoir une société (à savoir une population d’individus interdépendants) sans jamais définir ce qui était important pour cette société et avoir un garant des priorités définies. Grace à la main invisible sans doute, réponse parfaite à toutes les questions. Leur théorie voulait que si chacun s’occupe de soi, alors tout va pour le mieux pour tout le monde. Alors que les Etats-Unis repensent le rôle de l’Etat et les fondements de leur capitalisme, c’est aussi leur individualisme forcené (ou son hypocrisie) qui s’en trouve revisité.

Interdependence
 

Image courtoisie Symbiotic Investments

Les Etats-Unis adoraient cracher sur la vieille Europe. Comme un adolescent qui appelle son père un vieux con, lui reprochant de ne pas essayer des choses nouvelles, de ne pas prendre de risques et de ne rien comprendre à rien. Serait-ce que les Etats-Unis sortent de l’adolescence ? Comme le jeune homme forcé d’admettre que son vieux con de père n’ avait pas forcement tort d’être prudent lui prenait en compte des considérations que l’adolescent ne voyait pas. De même les Etats-Unis mûrissent-ils peut-être, admettant que tout ne se résout pas de soi-même (la fameuse main invisible), que la croissance à tout va a des conséquences secondaires, genre réchauffement climatique, millions de personnes sans assurance santé, qu’on est bien forcé de prendre en compte au final (non pas par générosité mais parce que cela nous nuit personnellement comme un retour de boomerang) Pour ceux qui ont lu Steven Covey et les « 7 Habits of Highly Effective People », c’est comme si les Etats-Unis sautaient le pas de l’indépendance vers l’interdépendance.

Enfin ne nous détrompons pas, « socialisme » reste un gros mot, et devenir comme la France une menace. La chaine de télé Fox News, qui est franchement a droite, même pour les Etats-Unis, l’agite comme un épouvantail. L’échiquier politique américain semble se recentrer. Il est curieux combien nos échiquiers politiques respectifs étaient jusqu’ici déphasés. Notre droite est au mieux leur centre droit, et notre gauche n’existe pas vraiment aux Etats-Unis.


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