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Trop à l’Ouest

Publié le 23 février 2009 par Magda

edenouest

Riccardo Scamarcio dans “Eden à l’Ouest” de Costa-Gavras.

Ce n’est pas parce que Costa-Gavras est Grec (j’aime bien les Grecs), ni parce qu’il parle de l’immigration clandestine dans son dernier film (j’aime bien les vrais sujets) ni parce qu’il a choisi un des acteurs les plus séduisants que j’aie vus depuis longtemps (j’aime bien les yeux verts), que je vais épargner Eden à l’Ouest. Notre ami Costa-Gavras s’est bien planté avec cette histoire co-écrite avec Jean-Claude Grumberg. Les deux malfaiteurs ne manquent pourtant pas de talent. Amen, du premier, est un bon film, puissant par son scénario aussi bien que par son esthétique et son message. Le second est l’auteur de pièces de théâtres saugrenues qui, sans être géniales, sont agréablement originales.

Eden à l’Ouest retrace le voyage clandestin d’un immigré dont on ne sait pas les origines, qui rêve de rentrer au Lido, à Paris, pour y assister un magicien célèbre. C’est donc un road-movie en loucedé. Le jeune homme va de rencontre en rencontre, et son parcours chaotique, d’une plage méditerranéenne à la capitale française, est le prétexte d’une série de rebondissements cocasses. Sur le papier, ça a l’air vachement bien ; sur l’écran, c’est d’un kitsch inénarrable. Costa-Gavras et Grumberg se contentent d’énumérer des poncifs sur l’immigration clandestine, l’espoir d’un travail honorable et d’une reconnaissance à l’étranger, les SDF et leurs tentes au bord du Canal Saint-Martin… Voilà un scénario qui exploite une situation politique et sociale médiatisée, pour en faire une sorte de docu-fiction pas très bien écrit et sur-mis en scène. Les dialogues sonnent incroyablement faux, depuis la bourgeoise qui se prend d’affection pour le beau clandé qui fait la manche (Annie Duperey en grande dame caricaturale), aux clodos qui tentent de “dialoguer” avec les flics dans une reconstitution ridicule des événements de la période “Don Quichotte”. Les situations idiotes s’alignent : club de naturistes où le gérant gay tombe sous le charme de notre héros, flics qui se déploient par dizaines dans les rues de la moindre ville (pour un peu, on aurait l’impression que l’Europe est une dictature fédérale), camionneurs allemands homosexuels (décidément) débarqués du Tyrol… Costa-Gavras n’a plus faim, il n’a plus froid, il n’a plus vraiment la niaque. Tant mieux pour lui. Le problème, c’est que ça se sent. Tout le film a une allure condescendante et démago qui sent vilainement l’embourgeoisement.

Quant à la mise en scène, elle est plate, en dépit de quelques moment sympathiques, grâce à des acteurs sympathiques. Costa-Gavras a tenté de faire du cinéma dans le cinéma en remplissant son cadre d’autre cadreurs, d’équipes de tournages et de perches à micro hérissées par dizaines. Outrance bizarrement narcissique qui sent l’hommage foireux à la Nouvelle Vague. Que le réalisateur ait voulu éviter la lourdeur d’une approche plus documentaire, cela est honorable. Mais traiter un tel sujet sur le mode de la légèreté requiert énormément de fantaisie et d’audace, dans les dialogues comme dans les situations. Un poil d’ironie mordante, du recul, et l’affaire était dans le sac. Au lieu de ça, c’est simplement bien-pensant, et terriblement manichéen : bel immigré clandé contre méchants flics, pureté du coeur des pauvres face à la sécheresse des riches.

J’ai quand même deux bons points à distribuer à Eden à l’Ouest. Le premier revient à Riccardo Scamarcio, un acteur italien doué, au charme absolument renversant, qui fait clairement passer la pilule. Le second revient à nos auteurs, Costa-Gavras et Grumberg, pour avoir osé parler sur grand écran, et avec une vraie volonté de s’adresser au grand public, du problème de l’immigration en Europe. Il était assez jouissif d’entendre la jolie dame assise à côté de moi avec son brushing - Barbie, s’écrier “ah punaise de mince ! ” au moment où la police va coincer le jeune homme. Pas sûr qu’au moment de glisser son bulletin de vote dans l’urne aux dernières présidentielles, elle ait eu conscience de ce qu’impliquait son geste en terme de politique d’asile dans notre pays. Alors, si Costa-Gavras peut faire fléchir, ne serait que deux heures, l’opinion du Français moyen… je lui tire tout simplement mon chapeau.


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