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le laboratoire de la crise

Publié le 24 février 2009 par Polluxe

le laboratoire de la criseLa crise économique est l'occasion de multiples commentaires, réflexions et propositions, les idées fusent, les lignes bougent, les langues se délient. Des sujets jusque là un peu oubliés dans la compétition internationale et la course à la croissance reviennent sur le devant de la scène. On entend parler partage des profits, paradis fiscaux, secret bancaire, rémunérations des dirigeants... L'économie est à l'ordre du jour et on apprend plein de choses (surtout moi qui suis une truffe). Ainsi dimanche soir il y a eu sur la Chaîne parlementaire une émission très intéressante qui aurait pu s'appeler la crise pour les nuls : " Bulles, krachs et rebonds ". On y expliquait de façon claire la situation - pas très éloignée de la blague sur le sujet au demeurant - et Elie Cohen a conclu par une phrase que j'ai trouvé lucide (je cite de mémoire, donc à peu près) : " il va falloir trouver des solutions durables à ces crises car sinon les opinions publiques pourraient remettre en cause les trois piliers du système : libéralisation, innovation financière et globalisation "... Et les idées ne manquent pas.

Sur le partage des profits et la règle des trois tiers qui déplait au MEDEF et dont les fondements sont contestables, J-F Couvrat rappelle utilement que l'intérêt des salariés est du coté de l'augmentation des salaires et que cette suggestion, en apparence généreuse, pourrait être à double tranchant :

" Le Président et ceux qui le conseillent se seraient-ils fourvoyés en lançant une idée séduisante à l'énoncé mais inepte à l'analyse ? Il est prudent d'envisager une autre hypothèse. Ne s'agit-il pas d'augmenter la part des profits reversée aux salariés, au détriment des salaires ?
Il est très avantageux, pour une entreprise, de reverser des profits aux salariés plutôt que d'augmenter leurs salaires, car les profits ainsi distribués n'acquittent pas les cotisations sociales. Les bénéficiaires ont ainsi l'illusion d'y gagner. Or le déficit de la Sécurité sociale se creuse. On le montre alors du doigt pour justifier une réduction des dépenses, c'est-à-dire une moindre protection sociale. "

Sur les rémunérations des dirigeants, des propositions jusqu'ici impensables voient le jour. Aux Etats-Unis par exemple, Obama a décidé de plafonner à 500 000 dollars les salaires des dirigeants des entreprises aidées par l'État. Ça parait logique. Dans un article d' Alternatives Economiques Thomas Piketty, qui juge cette mesure inadéquate, préfère la solution fiscale ; il propose de revenir à la progressivité de l'impôt (suppression du " bouclier fiscal ") et à une taxation forte des très hauts revenus (ceux qui se comptent en millions d'euros). Ses arguments sont intéressants :

" C'est ainsi qu'entre 1932 et 1980 [aux Etats-Unis], le taux marginal d'imposition applicable aux plus hauts revenus a été supérieur à 80%, en moyenne. Pendant un demi-siècle. Et cela ne se passe pas en Union soviétique, mais aux Etats-Unis d'Amérique ! La leçon de cette histoire est que ce niveau d'imposition marginale n'a pas tué le capitalisme, ni mis au pas les droits de l'homme. Une leçon bonne à rappeler dans un moment où l'on nous explique, pour justifier le bouclier fiscal, que c'est un droit de l'homme fondamental de ne pas payer plus de 50% d'impôts quand on perçoit des bonus de plusieurs millions d'euros. Eh bien, on a fait tout autrement durant un demi-siècle sans que le capitalisme et la démocratie s'en soient moins bien portés pour autant. Bien au contraire.
[...] Observons tout d'abord que la justification des très hautes rémunérations par l'efficacité économique vient d'en prendre un sérieux coup, dès lors que ces rémunérations sont un des moteurs à l'origine de la crise présente. L'asymétrie totale des modes de rémunération des managers et des traders du point de vue de la prise de risque a été un puissant pousse-au-crime. Le système est tel que quand vous vous engagez dans des opérations à haut risque et que ça marche, vous gagnez des millions, voire des dizaines de millions d'euros. Et quand ça ne marche pas, non seulement vous ne perdez rien, mais c'est l'entreprise qui paye, à travers la masse de ses salariés, ou pire, ce sont les contribuables qui sont mis à contribution. Pas besoin d'aller plus loin pour comprendre l'origine des comportements insensés observés dans la finance ces dernières années.
L'argument massue avancé par les défenseurs d'une faible fiscalité sur les très hautes rémunérations est qu'il faut récompenser les gens qui font vraiment fortune grâce à leur travail. Or, ces working rich sont-ils plus efficaces ? Aucune étude ne permet d'étayer cette idée. De nombreuses études montrent au contraire qu'au-delà d'un certain niveau, les rémunérations des dirigeants ne sont guère corrélées aux résultats de leur action. Par exemple, quand les profits des entreprises résultent de facteurs exogènes, et notamment à des mouvements des prix dans lesquels les dirigeants n'ont aucune responsabilité (variations des cours de telle ou telle matière première, variations des taux de change), cela vient tout autant justifier les gros bonus...
[La crise actuelle est] une démonstration grandeur nature du caractère inefficace des bonus en tout genre et du fait que cette explosion des hautes rémunérations relève tout bêtement d'une captation pure et simple de la richesse par le groupe dirigeant.

Je vous le disais, les idées fusent...


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