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L’étrange histoire de Benjamin Button (2/4) : les petites tantes du Tennessee club

Publié le 25 février 2009 par Sheumas

   A propos du thème du vieillissement au coeur de "Benjamin Button", qu’on se souvienne d’abord du Tennessee Club. Dans le fond de ce bar perdu au milieu du désert, échoue toute une société. Celle des deux danseuses vieillissantes, et celle des trois vieilles tantes Rose, Flora, Violette et : elles sont les témoins d’une époque évanouie. Un peu à la manière de ces comtesses égarées de la Recherche du Temps perdu, elles nous parlent d’une époque qui n’existe plus, celle de la Louisiane des aristocrates et des planteurs de coton. Autant en emporte le vent !

   Ecoutons par exemple la voix conjuguée des trois tantes à la fin de la pièce :

(La tante Violette s’approche en tenant par la main ses deux sœurs, elle s’adresse à Mitch)

Violette : vous, vous êtes un homme élégant, monsieur.

Rose : pourtant, vous n’avez pas de nœud papillon ni de gilet en tissu !

Flora : il vous manque un parfum léger, un parfum léger qui se fonde aux frissons des touffes d’asphodèle.

(Elle entraîne à nouveau ses deux sœurs vers l’avant-scène. Elles se mettent à regarder en direction du public, tout au fond, comme si elles voyaient apparaître la propriété chérie)

Les touffes d’asphodèle et le vin dans les vignes. Là-bas sous le ciel rose !

Rose : les vendangeurs ont fini le travail… Maintenant, ils commencent à applaudir parce qu’il vont boire et s’amuser.

Violette : et les jeunes filles vont rêver sous les arbres en écoutant les rossignols.

Stella : (qui elle aussi s’est mise à regarder vers le fond, dans un soupir) vous êtes un homme idéal, Mitch ! un homme comme on en aurait besoin à la maison !

Violette : un homme à cheval, avec des éperons et des boutons de manchettes !

Rose : (excitation progressive qui envahit le discours des trois sœurs) un homme de classe qui descend de sa monture et qui vous fait le baise main.

Flora : un homme qui vous offre un bouquet de violettes ou de roses avant de vous adresser la parole !

Rose : il faut plein de fleurs dans une propriété !

Flora : et des arbres fruitiers qui bruissent et qui embaument !… Notre propriété de Géorgie a toujours été somptueuse !

Violette : il y a des jeunes filles qui courent partout et qui se tâchent les mains quand elles mangent des cerises ou des tartes à la fraise !

Rose : lorsqu’elles mettent des mirabelles et des abricots dans les paniers !

Flora : les filles cueillent surtout des bouquets de fleurs pour les offrir à leurs galants !

Violette : on leur ressemble, tu trouves pas ! On va mettre des robes blanches pour les déchirer dans les bosquets !

Rose : et des jupons blancs pour les tâcher avec du vin !

Flora : je me souviens, un beau matin, très tôt… j’ai déchiré ma jupe neuve pour monter dans les arbres !

Violette : moi aussi, je me souviens !… tout au fond du parc, sur un lit de mousse un jour d’orage, la pluie faisait des claquettes… Je me suis salie en m’allongeant sur la mousse. La terre sentait la chlorophylle et la cigarette… C’est bizarre, je fermais les yeux et quand je les ai rouverts, j’étais dans les bras du jardinier… (Cherchant soudain à s’innocenter sous le regard des autres) J’ai dû tomber, tout simplement !… Il est gentil, le jardinier, c’est un homme rustique, mais il est gentil…

Stella : (lassée de les entendre, s’adressant soudain brutalement à Mitch) il faudrait couper les arbres, arracher les plantes grimpantes, retourner la terre et ramasser les fruits. Acceptez de venir nous aider Mitch, je vous en implore… Je vous en implore au nom de Louise …

(Il ne dit rien, commence à s’en aller. Les trois sœurs continuent de délirer)

Violette : je me souviens… c’était soudain l’été dernier…Ou même avant l’été dernier !

Flora : ou encore avant !

Rose : il y a de cela en tout cas bien longtemps !

Violette : il était une fois un tramway nommé Desire !

Rose : un tramway qui serpentait dans les collines embuées !

Flora : un tramway au timbre frais comme un coup de cuillère en argent sur une coupe de cristal…

Violette : mais le tramway a dégringolé dans la colline au premier rayon du jour !

Rose : il a fait sa cavalcade dans les blés murs. Les ombrelles et les chapeaux de paille se sont envolés sur les épis et les moissons !

Flora : et le petit tramway rose a repris le chemin inverse, il est remonté dans les nuages.

Elles forment maintenant un groupe grelottant (...)

L’étrange histoire de Benjamin Button (2/4) : les petites tantes du Tennessee club

par Eric Bertrand publié dans : Théâtre au lycée communauté : Voyage et écriture
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