La vigne livre ses secrets à des chercheurs européens: Des génomes ancestraux qui peuvent révolution

L’Europe gourmande par William PETITJEAN pour RELATIO : "Je suis la vraie vigne" aurait dit le Christ… Nous ne pensions pas commencer cette rubrique sur l’Europe gourmande par la vigne. Mais l’actualité commande. Elle est scientifique, en l’espèce. Une découverte franco-italienne révélée sur internet perce des secrets millénaires des jardins de Dionisos et Bacchus et peut entraîner de vraies révolutions dans la culture de cette plante divine et dans la fabrication du vin, ce breuvage authentiquement culturel.

Une meilleure identification des gènes de résistance aux organismes phytopathogènes va permettre de mieux lutter contre les chiens du diable, les aux ravageurs de plants la vigne. La carte du tendre génétique de la vigne ouvre des voies nouvelles à une amélioration des variétés existantes, à une meilleure qualité des porte-greffe et à la création de nouveaux cépages.

Les faits d’abord : Des chercheurs publics franco-italiens regroupant le Génoscope d'Évry, le CNRS, l'Inra et des universitaires italiens ont publié sur le site de Nature, une première mondiale : une carte haute définition de la séquence génétique complète de la vigne (Vitis vinifera). C'est la quatrième plante après la petite moutarde sauvage Arabidopsis, le riz et le peuplier, dont on établit la « carte du vivant ».

C'est une « vieille plante », indiquent les chercheurs dans leur préambule. Elle n'a pas été modifiée par l'évolution récente, et l'on y découvre des gènes ancestraux et une organisation génomique typique des plantes florales.

Dans le passé de la vigne il y a eu « triplication », autrement dit : trois génomes ancestraux cohabitent au sein des 38 chromosomes (19 paires) de la plante actuelle. Vous suivez ? Je me contente de reprendre ici des infos que je déguste sans en connaître tous les ingrédients. Gastronomie et œnologie sont aussi des disciplines du savoir. Comme l’agriculture, d’ailleurs, donc la viticulture.

Je vous renvoie à l’article du figaro et au site Nature, si vous voulez en savoir davantage sur cette machine cellulaire très complexe…

J’ai été content d’apprendre que la vigne, comme l'homme, est un eucaryote : ses cellules ont un noyau, une machinerie cellulaire complexe, et un long génome. « Espèce d’eucaryote », n’a rien d’une insulte… La vigne, comme l’homme : du coup, je comprends mieux la charge symbolique, mystique, mythologique de la vigne qui est toujours du « Seigneur ».

« Une caractéristique frappante de la vigne est la présence de grandes familles de gènes liés aux enzymes et aux huiles essentielles qui donnent in fine ses caractéristiques organoleptiques au vin », disent les experts en soulignant qu’il « y en a deux fois plus que dans les autres plantes ».

Parenthèse médicale : « les stilbene synthases, des enzymes commandant la production du resveratrol, bénéfique pour la santé cardio-vasculaire des consommateurs modérés de vin, sont produites par 43 gènes identifiés dans Vitis vinifera. »

Parenthèse gustative : « Les terpenoïdes, composants majeurs des résines, des huiles essentielles et des arômes peuvent compter sur 89 gènes fonctionnels alors que le riz ou le peuplier n'en ont qu'entre 30 et 40 ». D’où bientôt un décryptage génétique de tous ses arômes qui transforment toute vraie dégustation en grand voyage…

Mais la génétique n’explique sans doute pas tout (encore) : l’influence des sols et du ciel, par exemple, ou des tours de main du viticulteur, cet artiste, ou des interactions entre la qualité des crus et « l’art de faire » de tous les artisans de la vinification, de la conservation, du transport, et de l’affinage final de ces produits qui sont des œuvres…

Tout n’est pas dans le cépage. Tout n’est pas dans la grappe. Tout n'est pas dans le terroir.Tout n’est pas dans le tonneau, dans la bouteille et dans le verre. Mais tout est dans tout. Dans le vin, rien n’est vain. Et dans ce sang de vie, plus que partout ailleurs, le diable se cache dans les détails…

La vigne et le vin occuperont évidemment une grande place dans cette « Europe gourmande ». L'histoire de la vigne et du vin ne se confond-elle pas avec l'histoire de l’homme. La Bible fait remonter la culture de la vigne à Noé, qui « fut le premier agriculteur. Il planta une vigne et il en but le vin. » Et la plus vieille œuvre littéraire connue, un récit babylonien vieux de 4000 ans, parle déjà du vin. De ce vin qui est du monde entier mais qui, en Europe, occupe une place qu’il n’aura jamais ailleurs…où des Européens l’ont implanté et imposé.

De l’euro-centrisme, du patriotisme européen déplacé ? Un peu, oui. Avec modération. Mais l’Européen fier de l’être que je suis n’oublie pas ce qu’il doit, au fond de son verre, à la Mésopotamie (pauvre Irak !), à l’Egypte, au Caucase (ah !les vignes de Georgie !), aux Grecs, aux Phéniciens (pauvre Liban !), aux …bacchanales (mais oui) aux Romains, aux moines du Moyen-Age…

Saviez-vous que le grand-père de l’Europe du vin n’est autre que Charlemagne ? En l’an 800, il avait pris une ordonnance stipulant : « Que nos intendants se chargent de nos vignes qui relèvent de leur ministère, et les fassent bien travailler, qu’ils mettent le vin dans une bonne vaisselle et qu’ils prennent toutes les précautions pour qu’il ne soit gâté d’aucune manière. » Souci de qualité déjà … « Je ne connais de sérieux ici bas que la culture de la vigne », écrivait Monsieur de Voltaire. « Le jus de la vigne clarifie l’esprit et l’entendement », constatait François Rabelais.

William PETITJEAN