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Le Bon Marché et le Printemps

Publié le 14 décembre 2008 par François Némo @ifbranding

Bande print. bon marché


Les Grands Magasins parisiens m’impressionnent. L’histoire, l’architecture, ces grandes sagas du début du siècle fondées sur la révolution technologique et l’innovation commerciales ont conservé au fil du temps un esprit et un rayonnement toujours aussi vivaces. Carrefours urbains, ils rythment la vie de notre capitale. Je m’attacherai à comparer ces deux « phénomènes » que sont le Bon Marché et le Printemps. Deux « cathédrales » de la mode parisienne. Deux « temples » du luxe et du haut de gamme. Deux « vitrines » du bon goût hexagonal. Deux « axes » de la sensibilité à la française dont le positionnement est d’abord contenu dans leurs situations géographiques respectives.

Rive gauche, à la limite du cinquième et du septième arrondissement, là où l’ostentation, particulièrement l’argent, est une terrifiante faute de goût, dans ce quartier feutré et secret de la grande bourgeoisie éclairée, le Bon Marché est d’abord en retrait. Ce sont les bribes d’une époque, le charme discret de la bourgeoisie, à la recherche du temps perdu, ce pourrait être Combray, Mme de Saint de Loup, une madeleine dans du thé, on y marche à pas feutrés. Rendez-vous à l’heure du goûter pour y savourer cette idée de la France dont raffolent une certaine catégorie d’étrangers aisés et dont le nom, malgré son apparente contradiction, est en parfaite adéquation avec l’esprit de la maison. On ne gaspille pas dans ces quartiers-là !

Mais à l’image de cette bourgeoisie éclairée qui caractérise le quartier, le Bon Marché est d’abord tourné vers la modernité. Il nous propose les meilleurs extraits de la tendance contemporaine, mode, mobilier... Un goût d’une grande sûreté où chaque pièce, chaque objet, trouve sa place naturellement. On aime à s’y promener, flâner, observer... Des gens peu éduqués ou conditionnés par une approche strictement marketing utiliseraient le terme de « concept store », pour le qualifier. Si ce n’est que l’idée est bien sûr dépassée. Lorsque qu’on s’appelle le Bon Marché, on invente ses propres mots, sa propre littérature… On parlera d’un magasin pour musarder, déambuler, comme dans la propriété d’un grand bourgeois, fortuné et raffiné.

La situation géographique du Printemps provoque tout simplement l’effet inverse. Gare Saint-Lazare, Grands Boulevards, Opéra, le cœur du trafic, c’est l’explosion ! Le nom en soi n’évoque-t-il pas déjà l’opulence, le dérèglement des sens. Au Printemps on est au cœur de la ville marchande et on s’affiche. Le haut de gamme est ici ostentatoire, pas trop, un peu, juste ce qu’il faut pour séduire les gens pressés, les classes moyennes du quartier, les étrangers, un bon dosage de paillettes et de clinquant. Le luxe, le vrai, ne trouve tout simplement pas sa place au sein d’une telle frénésie. Les très grandes marques y perdent de leur mystère et de leur saveur. C’est une question de culture, de nature, pas de produits, bien sûr. On ne force pas sa raison d’être. Et celle du Printemps est bien claire. Un nouveau luxe populaire. On serait tenté d’évoquer Zola, n’y a-t-il pas quelque chose dans cet esprit-là. Sans la misère. Le ventre de Paris.

Quelques accrocs pourtant dans ce bel ordonnancement. La boutique noire au Printemps qui frise quand même le vulgaire… et le site Internet qui est particulièrement indigent. Le logotype du Bon Marché, héritage direct de la sécheresse des années quatre-vingt, qui suggère plutôt un magasin de type Habitat. Quant au site Internet il est pauvre, lent et sans esprit. La presse interne est quant à elle troublante par son manque « d’inspiration », pas de vrai contenu, un éditorial convenu et mal écrit. On y sent comme un manque d’investissement. Les grands bourgeois négligeraient-ils leurs gens de maison ? Cette face cachée de l’histoire qui conditionne pourtant la réussite d’une marque. Le pari du management n’est-il pas en effet gagné lorsque les salariés deviennent les premiers défenseurs de la marque, ses meilleurs représentants. N’est-ce pas à travers eux que se construit la relation client…

Bien qu’ils s’illustrent par deux esprits presque opposés, ces deux magasins débordent de vie et sont tout autant réjouissants. En terme de branding, l’exercice est de bien mené. Une modernité dans les deux cas, parfaitement vécue, qui s’appuie sur les racines de la marque. Une évolution contenue dans la propre histoire de l’entreprise, cohérente et sans véritable rupture…


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