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[Mini-série] Moses Jones [Bilan]

Publié le 05 mars 2009 par Heather

Cette review s'inscrit dans le cycle :


[Mini-série] Moses Jones [Bilan]

Dans le cadre de mon voyage télévisuel "A la découverte de Matt Smith", également intitulé "Apprenons à connaître le futur Doctor Who, 11ème du nom", BBC2 est venue apporter sa petite contribution à l'exercice au cours du mois de février. Il faut dire qu'étant donné la filmographie pas vraiment encore très étendue de l'acteur, même un rôle secondaire constitue en soi une expérience -même si Moses Jones n'est absolument pas une fiction centrée sur le personnage de Matt Smith, qui n'incarne que l'un des nombreux personnages secondaires dans la galerie des protagonistes de l'histoire.

Si dans cet affrontement hivernal entre deux mini-séries qualifiées -a priori du moins- de policières - Whitechapel et Moses Jones -, la première eut sans conteste ma préférence, il fallait quand même bien que je m'arrête le temps d'une brève note sur cette mini-série de BBC2. Et ce même si je reste avec cette review dans un domaine un peu confidentiel, car comme le dit si bien ma soeur, avec son tact habituel, qui, découvrant le sujet de la note en préparation, me gratifia d'un "mais il y a au moins quelqu'un, en France, qui sait que ça existe, ce truc ?". Et dire qu'à la suite, dans ce même mail, elle m'envoyait sa liste de desiderata en dernières séries japonaises (dont je suis sûre, les concernant, qu'elles n'arriveront jamais en France, elles !)...

[Mini-série] Moses Jones [Bilan]

Diffusée sur : BBC2 (Angleterre)
Du : 2 au 16 février 2009

Durée : 3 épisodes de 55 minutes.

C'est avec qui ?
Shaun Parkes (Harley Street), Wunmi Mosaku, Jude Akuwidike, Dennis Waterman (New Tricks) Matt Smith (Party Animals), Eamonn Walker (Oz), Indira Varma (Rome), Obi Abili, Christianne Oliveira, Tom Goodman-Hill (The Devil's Whore).

Ca parle de quoi ?
Le corps d'un homme est retrouvé mutilé dans la Tamise. L'enquête est confiée au DS Dan Twentyman. L'intrigue plongeant la police au sein de la communauté Ougandaise de Londres, le DI Moses Jones est rattaché à l'enquête, ses supérieurs espérant que ses origines pourront lui ouvrir certaines portes auprès d'immigrés Ougandais qui s'enferment dans la loi du silence. Confrontée à la peur et à la réticence de leurs interlocuteurs, la police s'intéresse de près à un nom qui revient souvent à leurs oreilles, un mystérieux Matthias.

[Mini-série] Moses Jones [Bilan]

Et alors, cette mini-série ?

Moses Jones n'est pas une mini-série policière au sens strict du terme, c'est-à-dire que son attrait principal ne réside pas tant dans l'enquête policière que nous suivons au cours des trois épisodes, que dans l'immersion au sein de la communauté Ougandaise de Londres ; un monde relativement inexploré dans le petit écran, dont le meurtre commis va permettre d'ouvrir les portes en déclenchant l'enquête policière.

Si les ficelles du scénario sont très classiques, Moses Jones va trouver son originalité et, surtout, une identité propre dans cette société qu'elle choisit de mettre en scène. Loin des lieux symbolisant habituellement la capitale britannique et sans cette atmosphère british caractéristique, c'est une autre face de Londres qui nous est présentée. Une face bien plus rarement mise en avant que la mini-série a le mérite de vouloir explorer. Ainsi, c'est dans une ambiance africaine que nous nous retrouvons immergés. Dans ce métissage des cultures, où le lien avec ses origines est cultivé, les protagonistes y caressent l'espoir de toucher un jour le Graal que constitue l'acquisition de papiers britanniques. Un véritable microcosme de leur pays d'origine s'est ainsi recréé dans ce quartier londonien. Mais de leur terre natale, les immigrés n'ont pas seulement emmené avec eux leurs souvenirs, leur musique et leurs traditions. Les tragédies du passé, les blessures et les rancoeurs, ont également traversé les mers, reproduisant en Angleterre, les mêmes crispations et oppositions, entre les mêmes protagonistes. Dans ce cadre communautaire où les oppositions se jouent dans un vase-clos et où se multiplient les non-dits et les références incompréhensibles aux intervenants extérieurs, c'est la mort de l'oncle d'une jeune prostituée Ougandaise qui va précipiter un engrenage de violence et mettre à jour bien des tensions. L'impossibilité d'échapper au poids de son passé, de ses origines, semble également être un thème de réflexion pour les scénaristes, chacun réagissant aux évènements en se repliant sur des réflexes qui conduisent à l'escalade.

[Mini-série] Moses Jones [Bilan]

Ce cadre communautaire et l'exposé des forces le régulant permettent d'introduire la seconde grande thématique, malheureusement beaucoup moins bien maîtrisée sur le fond : celle de la définition de son identité par le rapport à ses origines. Si la mère de Moses Jones est arrivée d'Ouganda, ce dernier a toujours été londonien et n'a aucune réelle connexion avec le pays de ses parents, quoiqu'en pensent ses supérieurs au sein de la police qui l'assignent d'office à cette affaire en raison de ce passé, afin d'assister le DS déjà en train d'enquêter. Le cadavre atrocement mutilé et recousu retrouvé encastré dans une valise et jeté dans la Tamise, va servir avant tout de catalyseur aux évènements. Il est notre voie d'introduction dans la communauté ; il est également l'évènement qui va perturber l'équilibre fragile qui y règne. Les scénaristes nous donnent à certains moments l'impression de vouloir instrumentaliser cette affaire comme un moyen pour Moses Jones de se reconnecter avec des origines oubliées. Mais leurs priorités souffrent d'une inconstance chronique, doublée d'une maladresse un peu confuse. Ils ne parviennent ainsi pas à mêler tous les genres vers lesquels ils semblent vouloir tendre, trop ambitieux ou trop incertains sur l'orientation choisie pour la mini-série. En alternant ainsi les approches, qu'elle soit plutôt policière ou plutôt sociologique, sans trouver une réelle homogénéité, la qualité d'ensemble s'en ressent fortement. Irrégulière, la fiction alterne entre des scènes très bien écrites, caractérisant bien l'ambiance particulière de la série, et des scènes beaucoup plus rapides qui donnent l'impression désagréable d'être bâclées. De cette progression en dents de scie ressort une certaine frustration et une perte de rythme dommageable pour l'intérêt du téléspectateur. Le potentiel du concept étant pleinement perçu, mais les hésitations chroniques des scénaristes l'empêchant d'être pleinement apprécié et exploité.

[Mini-série] Moses Jones [Bilan]

Si l'intensité de la mini-série se révèle donc inégale sur le fond, en revanche, le casting est très homogène et globalement solide. Je garde quand même certaines réserves concernant l'interprétation du héros, Shaun Parkes, qui, s'il négocie bien certaines scènes, manque vraiment de présence dans d'autres. Dans la galerie des personnages secondaires, Wunmi Mosaku, qui incarne Joy, la prostituée dont l'oncle a été tué, est celle qui accapare véritablement l'écran, s'imposant progressivement comme un des atouts de la mini-série ; son personnage prenant de l'importance au fil des épisodes, elle nous en livre une interprétation convaincante. D'un point de vue plus sentimental, cela fait également plaisir de croiser diverses têtes connues du sériephile, tel Eamonn Walker dont se souvient tout fan de Oz, ou encore Indira Varma (Rome). Enfin, évidemment, puisque cette mini-série entre le cycle "A la découverte de Matt Smith", un petit mot sur ses quelques scènes dans lesquelles il assure une dynamique répartie face à Moses Jones. Son personnage n'est pas vraiment développé, mais il joue dans un registre plus grave que les autres rôles dans lesquels j'ai pu le voir. En tout cas, il parvient bien à mettre en valeur le dualisme dont son personnage fait preuve, suivant qu'il parle avec Moses Jones, ou avec son supérieur hiérarchique -il est beaucoup plus mesuré et neutre avec ce dernier ; ce qui prouve que l'acteur est capable de jouer sur plusieurs registres en les enchaînant sans sourciller. Reste qu'à l'écran, j'ai eu l'impression d'être désormais habituée à Matt Smith, aux intonations particulières de son accent, et à ses mimiques récurrentes. Mes efforts de préparation psychologique ne seraient donc pas vains !

[Mini-série] Moses Jones [Bilan]

Bilan : Moses Jones est avant tout une mini-série d'ambiance qui a le mérite de nous plonger dans un Londres que l'on n'a pas l'habitude de voir mis en scène. Souhaitant manifestement s'interroger sur la question du rapport à leurs origines des immigrés, ainsi que sur les logiques régissant la reconstitution d'un microcosme communautaire, la mini-série n'atteint jamais véritablement son but, en raison d'une écriture trop inconstante. Les scénaristes ne semblent jamais avoir véritablement tranché l'orientation de leur mini-série, mêlant ces thématiques identitaires avec le fil rouge de l'enquête, de façon parfois un peu maladroite et pas vraiment homogène. Il manque quelque chose au scénario pour créer ce liant qui permettrait d'exploiter le potentiel que l'on entre-aperçoit par moments.

En somme, Moses Jones est une mini-série qui pourra intéresser ceux qui veulent découvrir une face moins touristique de Londres, ainsi que ceux qui s'intéressent à des essais de réflexion sur les dynamiques régulant une communauté sur laquelle pèse le poids d'un passé sanglant. Mais l'écriture inégale des scénaristes laissera un sentiment d'inachevé auquel il faut se préparer, comme s'ils n'avaient été en mesure d'aller  véritablement au bout de leurs idées, de leur concept.

[Mini-série] Moses Jones [Bilan]

En vidéo, une petite présentation de la série à travers les explications de Shaun Parkes et Matt Smith :

Lectures complémentaires - A lire sur le sujet dans la blogosphère sériephile :
- La review d'ensemble sur Critictoo.


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