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Les approximations d'Eric Besson

Publié le 09 mars 2009 par Juan
Invité du Grand Journal de CANAL+ mercredi 4 mars, Eric Besson s'est efforcé de défendre ses missions de ministre de l'Identité Nationale et de l'immigration: une attitude calme et conciliante, avec toutes les précautions verbales nécessaires pour ne choquer personne. Nous lui avions conseillé de voir EDEN A L'OUEST de Costa Gavras, puis WELCOME, de Philippe Lioret. C'est chose faite.
La Fiction
Ces derniers temps, le ministre joue l'apaisement et la séduction.
La semaine passée, il rendait visite à des jeunes Afghans et Irakiens que l'on devinait sans-papiers près de la gare de l'Est à Paris, et annonçait la reconduite des fonds alloués par le gouvernement à l'association France Terre , soit 2,7 millions d'euros. Lundi 2 mars, il signait une circulaire aux préfets leur demandant de "promouvoir le "label Diversité" auprès des employeurs publics et privés de leurs départements"... Lundi soir, il faisait régulariser le boxeur afghan de Tourcoing, Sharif Hassanzade, devenu champion de France. Mercredi 4 mars sur CANAL+, Eric Besson réagissait donc au film WELCOME, de Philippe Lioret. Ce dernier raconte l'histoire d'un sans-papier irakien à qui un maître nageur (Vincent Lindon) apprend à nager. Le ministre de l'Identité National a jugé le film "beau", "émouvant", mais a contesté "la petite musique qui l'accompagne actuellement sur le fait que (...) la France aurait une législation qui ferait que vous et moi , si nous accueillons chez nous en hébergement d'urgence, de détresse, un clandestin, vous pourriez être mis en examen, poursuivi. (...) C'est faux ! " en philigrane dans le film : "personne en France depuis 1945 n'a jamais été condamné sur la seule base" de l'article L622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, visant les infractions d'aide directe ou d'indirecte à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers.

La réalité

Eric Besson a raison. Il a pesé ses mots. Les condamnations sont mêmes rares ou symboliques pour les simples citoyens qui résistent aux expulsions. Mais la réalité est loin d'être rose. Pour ceux qui s'opposent ou témoignent, les pressions policières et judiciaires sont excessivement fortes. Polices et justice de Sarkofrance cherchent à décourager les gêneurs. Exemples.
En février dernier, André Barthélemy, 72 ans, président de l'ONG Agir ensemble pour les droits de l'homme et membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), comparaissait devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour "incitation à la rébellion" et "entrave à la circulation d'un aéronef". Il s'était interposé pendant l'expulsion de deux personnes en avril 2008.
Mercredi 4 mars, un professeur de philosophie était convoqué au Tribunal de Grande Instance de Bobigny pour comparaître devant un procureur. Son délit ? Avoir posé trop de questions à des policiers accompagnant un expulsé. Il avait été débarqué du vol, en décembre dernier. Il est poursuivi pour "incitation à la rébellion" et "entrave à la circulation d'un aéronef" . 6 jours plus tard, Deux de ses collègues ont été arrêtés à leur sortie d'avion de retour de Kinshasa (République démocratique du Congo), et placés 6 heures en garde à vue.
Que coûte l'intervention lors d'une expulsion ou une reconduite aux frontières ? Pour le délit d'incitation à la rébellion, l'accusé risque au maximum deux mois de prison et 7 500 euros d'amende. Pour le chef d'accusation d'inciter à faire débarquer une escorte policière ainsi que l'étranger reconduit hors des frontières françaises, il encoure cinq ans et 18 000 euros d'amende. Ces peines maximales sont détaillées dans une notice d'information distribuée systématiquement depuis 2007 à tout passager qui monte dans un avion servant à une expulsion (source)

Jeudi 5 mars, une militante de Calais passait en jugement à la Cour d'appel de Douai: depuis 5 ans, elle a photographié toutes les interpellations de sans-papiers auxquelles elle a pu assister. C'est la 4ème fois qu'elle passait au tribunal. "Jugée car témoins des faits", raconte-t-elle sur Rue89.
Mon travail fut de récupérer les informations données par les réfugiés chaque jour, sur les heures et les lieux des interventions, le niveau de violence et de diffuser ces événements. Les informations données par les réfugiés me servaient à me tenir sur les lieux avant l'arrivée des CRS pour pouvoir protéger les premiers des violences qui survenaient parfois hors vue (gazage des abris et matraquage des réfugiés une fois interpellés…).Je trouvais que c'était un travail très utile pour les gens qui regardent et qui ne savent pas comment intervenir eux-mêmes; pour les réfugiés à qui je rendais une légalité indispensable à l'envie de monter une organisation militante.
Fin février, une bénévole de l'association calaisie SALAM, association d’aide aux migrants à Calais, qui acccompagnait 2 migrants dont un mineur à l'hôpital de Calais, a été arrêtée et placée en garde à vue. Le 18 mars, c'est au tour de Jean Claude Lenoir, vice-président de la même association, de passer devant la justice. Il est accusé d'"outrage" à CRS (cf. pétition de soutien sur http://www.associationsalam.org/). Comme il a déjà condamné pour outrage en 2005, il risque cette fois-ci jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Décourager les témoins, traquer les clandestins, la politique d'immigration est inchangée depuis l'arrivée d'Eric Besson.
Sur France 3 la semaine dernière, Eric Besson répétait le même argument. Manque de chance pour le ministre, Frédéric Taddéi avait préparé son coup, et lança un reportage sur Monique, une militante de Terre d'asile, qui passa 10 heures en garde à vue pour son aide apporter à des clandestins. La militante de 59 ans explique, à sa sortie, que son téléphone était mis sur écoute. Réponse du ministre: "D'abord, je trouve que votre reportage est surprenant."
Surprenant ?

Eric Besson : Flagrant Delit d'aide aux personnes
par politistution
Le ministère de l'Identité Nationale incite également toujours les différentes administrations de l'Etat à traquer les sans-papiers: Sécurité sociale, pôle emploi et inspection du travail sont mises ainsi à contribution. Et ces services ne traquent pas les passeurs mais bien les immigrés clandestins.
Samedi 7 mars, Eric Besson a perdu ses nerfs. Déstabilisé par la promotion du film, et des propos tenus par son réalisateur Philippe Lioret, le ministre de l'identité nationale s'est énervé: Philippe Lioret "a plus que franchi la ligne jaune lorsque dans une interview à La Voix du Nord, il dit "les clandestins de Calais sont l'équivalent des juifs en 43" : cette petite musique-là est absolument insupportable", a déclaré Eric Besson sur RTL. "Suggérer que la police française c'est la police de Vichy, que les Afghans sont traqués, qu'ils sont l'objet de rafles, etc., c'est insupportable".

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