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Julien, Lettres, Les Belles lettres

Par Irigoyen
Julien, Lettres, Les Belles lettres

Julien, Lettres, Les Belles lettres

Les uns aiment les chevaux, d'autres les oiseaux, d'autres les bêtes fauves ; moi, dès mon enfance, je me suis épris d'un désir passionné de posséder des livres. Il serait donc étrange que je les voie avec indifférence accaparés par des humains pour qui l'or ne suffit pas à assouvir un insatiable amour de la richesse, mais qui, sans scrupule, songent à nous les soustraire aussi.

L'auteur de ces phrases s'appelle Flavius Claudius Julianus ... il vécut au quatrième siècle de notre ère et mourut à l'âge de 31 ans, emportant dans la tombe son titre d'empereur romain qui fut le sien pendant presque deux ans ...

Alors qu'une pétition circule sur internet visant « à redonner au président Sarkozy le goût à la littérature », découvrir les écrits d'un homme politique évoquant son « désir passionné de posséder des livres » a de quoi surprendre et accentuer un peu plus le clivage entre les responsables passés et présents ...

Loin de moi l'idée de dire que c'était mieux avant ... reconnaissons toutefois que rares sont les plus hauts personnages de l'état à se référer à des choses écrites, François Mitterrand étant peut-être une exception en la matière ... mais revenons à Julien ...

Le lecteur qui comme moi découvre ses lettres se frotte les yeux ... comment ne pas être émerveillé par un homme tellement épris de justice, ayant tellement à cœur de laisser davantage de liberté aux citoyens – surtout religieuse – tout en exerçant son autorité sur l'empire ? Ne serait-ce pas là la preuve évidente que philosophie et exercice du pouvoir serait totalement compatibles ?

(...) Quant à moi, je le jure par l'auteur et le Sauveur de tous mes biens si je souhaite vivre, c'est afin d'être de quelque utilité pour vous. Et quand je dis « vous », j'entends les vrais philosophes.

Julien mériterait donc le titre de Philosophe d'autant qu'à cet amour de la sagesse s'ajouterait la prise de conscience d'un destin commun avec ses semblables ...

Tout homme est pour l'homme un parent, soit que, comme quelques uns le prétendent, nous provenions tous d'un seul père et d'une seule mère, soit que les dieux nous aient appelés à l'existence de quelque autre façon, tous ensemble, en produisant en même temps que le monde et dès le principe, non pas un couple isolé mais beaucoup d'hommes et de femmes à la fois.

Seulement voilà, les apparences sont parfois trompeuses ... car Julien est aussi l'homme qui après avoir accordé plus de liberté religieuse aux juifs va limiter celle des chrétiens et tenter de réformer le paganisme dans un sens plus moral ...

Les prêtres doivent non seulement s'abstenir de toute action impure, de toute pratique licencieuse, mais aussi se garder de proférer ou d'écouter des propos indécents. Il nous faut donc bannir toute plaisanterie grossière et toute conversation obscène.

Les phrases qui suivent montrent toute l'ambivalence de l'homme sur la question ... car prôner une plus grande liberté religieuse peut s'avérer dangereux si le groupe de croyants y voit là une occasion de renforcer son propre pouvoir ... dès lors, qu'importe aux yeux de Julien si la religion est affaire publique ou privée, du moment qu'elle ne débouche pas sur la création d'un état dans l'état ... n'est-ce pas cette inquiétude légitime qui a conduit directement à l'idée de laïcité ?

Il faut prier souvent les dieux, en particulier en public ; de préférence trois fois le jour, sinon, à tout le moins matin et soir. Car un prêtre ne peut décemment passer un jour ou une nuit sans un hommage aux dieux. Or le matin est le commencement du jour, le soir, le commencement de la nuit, et il est juste de réserver aux dieux les prémices de ces deux espaces de temps lorsque nous ne sommes pas dans l'exercice de nos fonctions sacerdotales. Car, lorsque nous demeurons dans les temples, il faut observer tout ce que prescrit la loi de nos pères, sans vouloir faire ni plus ni moins.

Pas toujours faciles à lire pour un lecteur lambda comme moi  connaissant peu le contexte de cette époque et devant donc se replonger préalablement dans l'histoire, ces lettres obligent le lecteur à faire oeuvre de prudence face à des discours qui pourraient apparaître consensuels ...

Toute analogie avec une période plus contemporaine n'est, bien sûr, nullement fortuite ...


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