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Paso Doble n°125 : OTAN, le retour de la momie

Publié le 16 mars 2009 par Toreador

A las cinco de la manana…

Gaullisme en cale sèche

Rude semaine pour les mânes du général de Gaulle. Le porte-avions qui porte son nom doit être immobilisé à nouveau pour plusieurs mois, et son lointain héritier idéologique veut réintégrer l’OTAN. C’est toute la stratégie de sécurité française qui rentre en révision !

En fait, pour tout vous dire, cette question du retour de la France dans l’OTAN est devenue la dernière polémique à la mode. L’anti-sarkozysme manichéen qui régit les esprits a précipité l’émergence d’une coalition pour le moins surprenante de néo-gaullistes, de centristes et de socialistes.

Bouh !

Bouh !

Dans ce bouillon d’inculture, les premiers sont hostiles au retour de la France dans l’OTAN, parce que quand même, c’est trahir le Général. Qu’importe que le monde ait changé : du haut de ces pyramides, cinquante années de gaullisme vous contemplent. Remarquez, ils auraient dû se féliciter que Sarkozy rétablisse l’ORTF !

Les autres y sont hostiles parce que c’est une marotte de Sarkozy, et que donc c’est forcément nauséabond et liberticide. Quand Sarkozy dit quelque chose, il est critiqué par 3 sortes de gens : ceux qui font la même chose, ceux qui dont l’inverse, et surtout, surtout, ceux qui ne font rien…

Nous passerons sur le caractère assez primitif de cette alliance de fortune. Comme le remarque très justement Quatremer, si Sarkozy trahit de Gaulle, Bayrou, lui, trahit Lecanuet et les socialistes, Mollet ! En effet, la décision du Général de Gaulle en 1966 avait provoqué l’ire des partis d’opposition. Ô Tempora, ô mores !  50 ans après, rien n’a changé.

De part et d’autre, on analyse essentiellement la question – finalement très marginale -  de la réintégration dans la structure intégrée, sans essayer d’élever la réflexion. On croit qu’on débat ici de notre statut « d’amis mais pas vassaux ». C’est complètement décalé : nous avons toujours été alliés des Etats-Unis.

En fait, on a fait de l’OTAN un sujet de dogme : pour les uns, point de salut en son sein. Pour l’autre, tout ce qui nous rapproche de l’Amérique est bon. Cherchez l’erreur. Un peu d’agnosticisme nous ferait du bien !

L’OTAN nous protège-t-elle ?

Back to basics. La question de la réintégration mérite d’être passée au tamis de ses implications géostratégiques : est-ce que l’Alliance Atlantique a toujours un intérêt ?

Rappelons que cette organisation fut fondée en octobre 1949 pour signifier la volonté des Etats-Unis de défendre l’Europe en cas d’agression communiste. Fait primordial, il s’agissait de la première alliance conclue par les Etats-Unis en temps de paix. Pour contourner les hésitations du Sénat Américain, on la présenta comme une organisation de sécurité collective régionale, et non une alliance  de légitime défense tournée vers le bloc soviétique. On inscrit également le principe que les décisions se prendraient à l’unanimité et que chacun garderait la maîtrise de sa riposte, en cas d’attaque.

Le feu nucléaire a en partie invalidé ce concept de légitime défense collective. Le principe de la destruction mutuelle assurée limitait terriblement les marges de manoeuvre.

In fine, la fin du bloc soviétique a complètement rendu inopérant la conception de l’OTAN comme plateforme de légitime défense collective (article 51 de la Charte des Nations-Unies). Lénine est momifié ? L’OTAN aussi !

L’OTAN, un concept revisité

Fait ironique : dans l’esprit de ses concepteurs, l’OTAN n’était que le prolongement d’une amitié transatlantique forgée dans les épreuves de la seconde guerre mondiale. la victoire sur le Communisme ne pourrait que sceller définitivement celle-ci. Or, à l’inverse, c’est le doute qui s’est emparé des esprits dans la décennie 90.

Par habitude et par perpétuation bureaucratique, mais aussi sans doute parce que les Etats-Unis ne voulaient pas d’un renouveau russe, on a maintenu sous perfusion l’OTAN. Pour justifier la conservation d’une organisation militaire excluant la Russie, on lui a changé les bandelettes et mis un peu de parfum d’embaumement pour cacher l’odeur de putréfaction.

On lui a ainsi  donné des missions radicalement différentes que celles pour lesquelles elle avait été fondée : maintien de la paix, gestion des crises, et même interventions hors de son périmètre géographique dans des conflits « offensifs ».

C’est de cette OTAN-là que nous parlons, une OTAN qui n’a plus rien à voir avec celle qui fonctionnait sous de Gaulle. Une OTAN que les Etats-Unis voudraient peut-être voir supplanter l’ONU dans son rôle d’outil de sécurité collective, vu que les Russes et les Chinois n’ont pas droit de regard sur ses décisions.

La momie ne plait plus au sarkophage ?

La question est donc de savoir quelle institution privilégier pour la sécurité de la France : l’ONU où nous disposons d’une rente de situation menacée ? l’Europe, qui est justement divisée à cause de l’OTAN ? l’OSCE, qui présenterait l’avantage de forger une alliance avec la Russie ?

Réintégrer la structure intégrée est une très bonne chose pour contrôler de l’intérieur la stratégie militaire de l »organisation. Mais la vraie question, non résolue, est de savoir s’il est de notre intérêt de concevoir notre sécurité comme adossée à celle des Etats-Unis, en sachant que ces dernières années, leur politique agressive a poussé les Russes dans les bras des Chinois.

Le maintien de l’OTAN a un coût : il pousse les Etats qui n’en sont pas membres à reconstituer des alliances militaires pour ne pas rester seuls face à l’organisation. La Chine et la Russie ont ainsi créé l’OSC, organisation de sécurité collective de Shangaï.

Militairement, l »intérêt de la France serait de faire exploser l’Alliance Atlantique, ce qui suppose de détacher les Britanniques des Américains. C’est uniquement à ce prix que les états d’Europe, orphelins, accepteront de se grouper pour envisager en commun leur sécurité. Aujourd’hui, nous avons un outil – le seul traité de sécurité collective permanent conclu sur territoire européen. Il s’agit du Traité de Bruxelles de 1948, qui a fondé l’Union de l’Europe Occidentale, laquelle a été progressivement cannibalisée par l’Union.

Le deuxième axe serait de rééquilibrer notre politique étrangère vers la Russie en essayant de faire émerger l’OSCE comme véritable organisation de sécurité collective euro-asiatique.

Mais en ces temps troublés, nous n’avons pas les moyens de nos ambitions… Alors soyons réalistes. Tout est affaire d’équilibre entre la protection et les menaces. En nous alliant avec les Etats-Unis, nous héritons à la fois de la meilleure police d’assurance de la planète, mais aussi de tous les adversaires de ces derniers. L’autre solution serait de rester seuls, avec moins d’ennemis. Problème : nous aurons des petits adversaires, mais aussi que nos petits poings pour les arrêter…

Lire aussi dans la Kiwisphère : Gaulliste libre.

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