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Bully, c’est pas vraiment Bouli

Publié le 17 mars 2009 par Magda

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Bijou Phillips dans “Bully” de Larry Clark

Vous vous souvenez de Bouli? Ce petit bonhomme de neige au pif aviné, qui faisait le bonheur des gens de ma génération, au début des années 1990, sur Antenne 2? Bouli est tout rond, tout mignon, blanc et rouge, et mène une vie de patachon dans l’Antarctique (Bibifoc n’est pas loin), dont les titres des épisodes sont tout à fait représentatifs : Bouli mange des glaces, Le pingouin qui tousse, L’art de l’igloo ou encore Un ami gros comme ça.

Tout ça pour en venir à Bully de Larry Clark, mes amis lecteurs, vous devez vous dire que votre Magda a trop fumé la banquise.

Vous allez aussi me dire que pour quelqu’un qui se croit cinéphile comme moi, découvrir Larry Clark à l’âge de 28 ans est un peu retardataire. Je connaissais ses photos, pas son oeuvre cinématographique. Enthousiasmée par Ken Park, j’ai maté Bully et j’ai pris une belle claque de cinéma. Aïe, ça fait du bien! Oui, Bully claque, gifle, fesse, malmène, caresse et jette contre le mur.

Réalisé en 2001 par Clark, ce film raconte l’histoire d’une bande de teenagers zonant en Floride, et tuant le temps à échaufauder un plan meurtrier, justement. Clark réalise là une peinture sociale évidemment, mais avec une brosse plutôt légère. Le trait n’est jamais forcé. Ce n’est pas pour rien que l’auteur de ce film a commencé sa carrière comme photographe - et quel photographe ! - dans les années 70. J’ai rarement vu un film aussi bien tourné. Jamais un plan ne s’attarde sur lui-même, jamais un mouvement de caméra ne semble attendu ou convenu. Même le gros plan (dont je déteste l’abus) est employé avec une virtuosité rare, dévoilant ce que les personnages tentent de dérober au regard du spectateur. Clark joue à cache-cache avec ses protagonistes et dans ce jeu à la fois puéril et extrêmement violent, le spectateur reste haletant, embarqué par un objectif en mouvement continuel.

Au dynamisme extraordinaire de l’image, s’ajoute le dynamisme des dialogues, là aussi soigneusement percutants.

Tu sors avec Ali? demande la tante à son neveu obèse.

Non, je suis trop gros, réponds le gamin.

Tu as toujours eu du bon sens, réponds la tante sans aucune ironie.

Quant à la bande d’adolescents qui interprètent cette jeunesse meurtrie, droguée aux amphétamines et au joint, au volant des bagnoles de leurs parents… on ne peut que les applaudir des deux mains, tant leur naturel, leur humour et leur talent crève l’écran. Que ce soit Michael Pitt en ahuri hilarant, ou Bijou Phillips en émouvante obsédée sexuelle.

Bully est une tragédie, dans le sens où Larry Clark ne cherche pas à expliquer pourquoi la jeunesse américaine se laisse bouffer par l’atmosphère de violence et de frustration qui la contamine quotidiennement. La mort est inévitable. Saturation de flingues en libre circulation, de drogues, d’attitudes compassées et politically correct, obsession du winner, trouille mortelle d’être un loser? On ne sait pas. C’est comme ça. Clark donne juste à voir ce qu’il voit, et c’est finalement ainsi, bien calé dans son fauteuil, que le spectateur français ou d’ailleurs peut prendre conscience d’une vérité insupportable : cela aurait pu se passer n’importe où. Bully est simplement le témoin des instincts débridés de l’adolescent et de l’Homme en général.

Et c’est aussi un chef-d’œuvre.

Désolée pour toi, Bouli.


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