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"Un été sans fin", de Françoise Hàn (lecture de Marie-Claire Bancquart)

Publié le 20 mars 2009 par Florence Trocmé

Han

Françoise Hàn, qui, elle-même poète, porte aux autres poètes l'attention que l'on connaît, vient de publier Un été sans fin aux éditions Jacques Brémond. Un beau recueil de format long, dédié "à Claude/ au-delà du 9 décembre 2006", qui contient onze poèmes de déploration, très émouvants, très retenus dans une douleur cependant explicite:

il n'y a plus d'attente
il n'y a plus de minuit
il n'y aura plus de point du jour.

Oui, l'énigme d'une telle disparition est de celles que l'on ne peut résoudre. Elle est

ce point
sans coordonnées
ni l'équation ni le poème
ne peuvent le situer
dans aucune région
du visible ou de l'invisible

Mais ce qui frappe aussi le lecteur, c'est que contrairement à la plupart des poèmes de deuil, celui-ci donne d'emblée une large place à la lumière. Le titre lui-même, Un été sans fin, contient une double entente de la perte et de l'éclat; d'abord comparée, pour la femme en proie à la douleur, à la lumière venue des étoiles éteintes ; mais aussi cette femme entend son rôle de poète comme une transmission généreuse aux autres de ce que fut, vivante, cette lumière :

je m'adresse à ceux qui aimeront
bien plus tard quand les jours
seront devenus plus longs
pour qu'ils recommencent notre histoire
sous un autre soleil

Si la "fissure" est "implacable", si "l'écart" entre hier et aujourd'hui est irrémédiable, il n'en reste pas moins qu'écrire celui qui désormais ne peut entendre aucun langage, c'est tout de même

l'écrire pour que la page se couvre du soleil
de sa présence
matin midi et soirs
de sa présence
pierres blanches
à chaque ligne en allée vers
l'inachevé du poème

un futur sans poids

Ce n'est pas le ton habituel du thrène: c'est une très belle idée de la communication positive par le poème, qui creuse des "failles dans le mur orbe / de la mort". Le poème,  qui à la fin se transforme en idéogrammes  surmontant les brumes, mûrit peu à peu en lui une clarté. On aimera tout particulièrement le poème qui l'évoque à ce stade, sous le titre "Géode":

Trois flocons de neige
trois gouttes de temps
enfermés dans une pierre

le souvenir est une géode
à ne pas fracasser

que le poète soit ce caillou
au cœur duquel cristallise
un peu de lumière adolescente.

Contribution de Marie-Claire Bancquart

Françoise Hàn
Un été sans fin
Editions Jacques Brémond, 2008


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