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Rémunérations des patrons : Un décret-poisson d'avril...

Publié le 31 mars 2009 par Letombe
Rémunérations des patrons : Un décret-poisson d'avril...
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Décréter pour ne rien dire. Le décret sur la rémunération des patrons a été publié au Journal Officiel : techniquement, il ne sert à rien et concrètement, il préconise des mesures qui ne changent rien. Pour reprendre les termes de Nicolas Sarkozy, les patrons "malhonnêtes" pourront continuer à s'accorder des primes grassouillettes aux frais de la princesse.


Parachutes dorés chez Valeo, stock-options à la Société Générale, bonus en rafales chez Natixis et Cheuvreux (Crédit Agricole)... La polémique faisait rage sur la rémunération des grands patrons. Les membres de la majorité s'étaient reconvertis pour l'occasion en héros altermondialistes. Le code de bonne conduite du MEDEF "ne marche pas", constataient les ténors de la majorité, Eric Woerth en tête. François Fillon dénonçait ceux qui "mettent en péril l'ensemble de notre système économique et social". Jean-François Copé annonçait une loi impitoyable dans les deux mois.

Haro sur les patrons malhonnêtes !


Et Nicolas Sarkozy concluait ce feu d'artifice par un bouquet final impressionnant : "il ne doit plus y avoir de parachutes dorés. Il ne doit plus y avoir de bonus, d'actions gratuites ou de stock-options dans une entreprise qui reçoit une aide de l'Etat ou qui met en oeuvre un plan social d'ampleur ou qui recourt massivement au chômage partiel", car dans ces cas là, précisait le chef de l'Etat, les entreprises recourent aussi "aux fonds publics" qu'il ne serait pas "honnête d'utiliser à autre chose qu'au redressement d'une entreprise".

On allait voir ce qu'on allait voir... et on a vu !


Le décret n°2009-348 du 30 mars 2009 a été publié ce matin au Journal Officiel. Il n'a en réalité guère plus de valeur qu'un simple courriel, sans accusé de réception. D'entrée, l'article 1 précise que les mesures édictées ne pourront être valables qu'amendées aux conventions déjà signées avec les seules entreprises aidées. Il ne s'agit donc que de conseils qu'il faudra graver ensuite dans le marbre d'un contrat. Hormis les six banques et les deux constructeurs automobiles PSA et Renault, aucune autre entreprise n'est concernée. Le premier ministre s'en remettant sur ce point aux "sages" du MEDEF, ceux qui n'ont "ni le désir, ni l'envie", dixit Laurence Parisot, d'aller plus loin que ce qui existe déjà... et qui "ne marche pas" !

Les avenants aux conventions devront en outre interdire aux entreprises concernées d'accorder des stock-options et actions gratuites à leurs dirigeants jusqu'au 31 décembre 2010 (Article 2). Par contre, rien ne leur interdit de lever les options déjà acquises et les bonus, retraites chapeau, parachutes dorés, primes de bienvenue... restent autorisées "en fonction de critères de performance quantitatifs et qualitatif préétablis et qui ne sont pas liés au cours de bourse". Ces petites douceurs devront être annulées "si la situation de l'entreprise la conduit à procéder à des licenciements de forte ampleur". Aussi intéressant qu'imprécis.

L'article 4 est du même tonneau, demandant au ministre chargé de l'économie de veiller "à ce que les entreprises publiques [cotées] respectent des règles et principes de gouvernance d'un haut niveau d'exigence éthique". Idem pour le fonds stratégique d'investissement (Article 6). Et enfin, les indemnités de départ ne sauront excéder deux années de salaire (Article 5)... soit exactement ce que préconise le MEDEF depuis une dizaine d'années, et ce qui correspond - pur hasard - à ce que s'accordent les grands patrons français sur le départ. Ce niveau de primes constitue d'ailleurs un record en Europe, et presque le double de ce que touchent les grands patrons américains. Le MEDEF n'aurait pas fait mieux !

"L'inutilité totale, degré suprême du luxe" (Barjavel)


La banane de Sarkozy s'est sans doute ramollie à la lecture du décret. François Fillon n'en fait qu'à sa tête... un camouflet pour le président. Exit les préconisations du chef de l'Etat concernant les entreprises "qui recourent au chômage partiel" ou "qui mettent en oeuvre un plan social". Celles-ci pourront donc continuer de recourir aux "fonds publics", de façon malhonnête... si l'on suit le raisonnement du président.

En résumé, Thierry Morin peut se laisser porter au gré du vent, solidement harnaché à son parachute doré de 3,2 millions d'euros, et tant pis s'il laisse sa société Valeo dans le rouge, obligée de faire appel à l'aide de l'Etat. Natixis et Cheuvreux, filiales de banques "aidées", peuvent continuer à distribuer des dizaines de millions d'euros de bonus (70 millions pour Natixis et 50 pour Cheuvreux). Du côté de la Société Générale, on avait déjà renoncé aux stock-options, ça tombe bien, mais pas aux retraites-chapeau qui représentent un pactole de 33 millions d'euros pour les 6 dirigeants principaux de la société (1 million d'euros annuels pour Daniel Bouton) !

Poisson d'avril


Conclusion : un décret qui ne sert à rien (puisque ce sont les conventions qui comptent) préconise des mesures qui ne changent rien (puisque les dirigeants concernés avaient d'ores et déjà renoncé à leurs stock-options). Une sorte de poisson d'avril primo-ministériel...

Ci-dessous un petit rappel, issu d'une étude de 2007 de Camille Landais, chercheur à l'école d’Economie de Paris. Les courbes représentent l'évolution des revenus entre 1998 et 2006, avec de bas en haut, les revenus des 10% des Français les moins riches, puis ceux des 10% les plus riches, puis ceux des 5% les plus riches, puis 1%, puis 0.1%, puis 0.01%... Mais, finalement, on s'en fout ?

Rémunérations des patrons : Un décret-poisson d'avril...

 par Napakatbra Les mots ont un sens"




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