L'arbre a pain

  Il pousse comme de la mauvaise herbe. Il n'a besoin ni d'engrais, ni d'affection. Il résiste aux canicules, aux cyclones et aux inondations. Cet ardre tropical mérite toute notre attention.   Le tout jeune arbre à pain a les feuilles bien tendres. Elles sont pourtant boudées par les fourmis maniocs, sa sève doit manquer de goût, de raffinement. Une fois adulte, il est charpenté comme un camionneur avec un tronc qui résiste aux pires champignons. Ses larges feuilles aux doigts écartés servent d'ombres aux merles affamés qui jamais n'aventurent le bec sur les gros légumes à peau dure.   Ces dons du ciel... L'arbre à pain, nous donne depuis la nuit des temps son féculent qui rassasie si bien...   Notre manguier, prendra toute une année pour accoucher en juillet de ses "fruits sirop miel." Dans ce même laps de temps, l'arbre à pain mènera à terme quatre portées de lourds féculents.  Mais ce légume gratuit, mis à notre disposition, a mauvaise réputation car on l'associe à la précarité.  Pendant les guerres et les famines qui nous atteignaient indirectement, nos grands-parents en ont mangé à en être dégoutés : Fruit à pain au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner...   Malheureusement, une fois les disettes surmontées l'arbre à pain a été abandonné. Pas de reconnaissance... Ses chairs farineuses rassemblent trop de mauvais souvenirs et sous sa verte peau, il y a comme un goût d'ennui qui s'est transmis de génération en génération. Encore aujourd'hui, l'arbre à pain est toisé et son fruit détesté. Volage et ingrat nous lui préférons les pommes de terre, le riz et les pâtes, en fait tous ces produits que nous ne ferons jamais pousser.   Mais, la nature est bien faite, alors que la gracieuse sapotille, le capricieux letchi et l'abricot pays disparaissent, l'arbre à pain reste debout et fier. Il résiste au progrès, aux bâtiments, aux pollutions des pots d'échappement. Il est là, toujours chargé, seule la main de l'homme peut le faire tomber. Prenez garde à l'arbre à pain, c'est l'assurance que nous ne mourrons jamais de faim.   Proverbe du jour : Chanté ba on boukyèt, sé kaka i ka ba-w. (Chantez pour un âne, c'est des crottes qu'il vous donne) Pas de reconnaissance.