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Le Petit Nicolas.

Par Mélina Loupia
En même pas deux mois, cet enfant a été rétrogradé. Pourtant, il n’a pas fauté. De grand primaire, il est passé petit 6ème. Pourtant, il est aussi grand que Jérémy. Alors que Jérémy, cette année, c’est un grand 3ème, mais probablement l’un des plus petits de sa génération. Pourtant, depuis qu’il est petit 6ème, tout le monde lui serine « Bon, maintenant, t’es un grand hein, le collège, c’est vraiment du sérieux, fini le primaire à effectif réduit, terminée la classe unique ! »   Gérer tout d’entrée de jeu. Le monde, les copains pas forcément sympas, les nouvelles têtes pas forcément remplies de bonnes intentions. Les grands  de 3ème. La grande cour de récré. Le grand gymnase. La grande cantine. Les grandes classes. Les grands escaliers. Les grands bus. Les grands trajets. Les grands devoirs.   Et mon petit Nicolas.   Quand il rentre à la maison, le peu de force dont il dispose après avoir accompli toutes ces grandes choses, il l’utilise dans la régression. À la maison, enfin, le temps d’une soirée et d’une nuit, il redevient petit.   Tout petit.   Alors mon tout petit Nicolas, après le goûter, il va dans sa chambre et il ramène sa vieille caisse de Légos. Il la traîne avec ses petits bras jusque dans le salon, et s’assied par terre, à mes pieds. Et il construit de petits jouets. Dans ces petits jeux, il ne voit pas qu’il a la faculté d’une grande concentration. Quand il a tout démonté, il ne range pas. C’est réservé aux grands, ça. Non, il repart à sa chambre et revient avec une pile de feuilles de dessin et sa pochette de feutres. Il se fait de la place sur la table basse, en face de moi et il griffonne. Il rature, raye, déchire, trace un trait pas droit, froisse la grande feuille de ses petites mains, s’énerve et gaspille de l’énergie, du papier et de l’encre. Les personnages dessinés ne dépassent pas le graphisme du stade anal. Le soir, à table, il mange avec ses doigts parfois, une main soutenant la tête et l’autre dans l’assiette. La fatigue est grande, et hier, il avait encore le goût du yaourt dans la bouche quand il s’est mis à ronfler dans son grand lit.   Mon petit Nicolas est cuit de fatigue. Le rythme imposé et brutal de la rentrée au collège est difficile à assimiler. Pour le moment, il ne le gère pas. Pourtant, il y a 20 minutes, je l’ai entendu refouler des sanglots sous son lit. Ramassé en position fœtale, il tentait d’échapper à mon instinct auditif. Je lui ai demandé s’il avait un petit souci. « Non, j’ai un grand problème. J’ai perdu mon argent. -Tu as pris ton portefeuille au collège ? -Non, je ne prends jamais d’argent au collège. -Bon alors ton argent est dans la maison, c’est pas grave, en plus t’en as pas besoin. -Si. -Pourquoi ? -Pour te rembourser mon sac de sport et mon survêtement. -Tu les as perdus ? -Non, oubliés dans le grand bus ou le grand hall du collège, je sais plus, hier, quand je suis sorti du cours d’arts plastiques, je pensais tellement au travail que je me rappelle plus si j’ai oublié mon sac au collège ou dans le bus. -Dans l’un comme dans l’autre, je pense que tu ne le retrouveras jamais ton sac. -Alors c’est pour ça que je veux te le rembourser, j’aurais pas dû l’oublier. »   J’ai tenté de consoler mon petit Nicolas. J’ai serré dans mes bras son petit torse et ses petits bras se sont enroulés autour du mien. Son petit cœur a battu la chamade un moment puis à l’unisson avec le mien. La grande tristesse a laissé la place au petit chagrin. Le grand sourire a chassé le petit minois abattu. Mon petit bébé venait de comprendre que dans la vie, tout le monde n’était pas forcément si candide et honnête que lui, même à 11 ans. Mon tout petit bout était en train de prendre conscience qu’il évoluait désormais dans un univers de grands dans lequel il allait devoir grandir plus vite que prévu. Mon petit bonhomme avait pris une décision de grand en voulant me dédommager de sa petite étourderie.   Mon petit Nicolas devenait grand.

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