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Débats autour des méthodes d'évaluation du pouvoir d'achat

Publié le 08 septembre 2007 par Cabinetal

Le débat est animé sur l'évolution du pouvoir d'achat, entre d'une part l'INSEE et d'autre part l'Institut National de la Consommation, l'INC. Le premier annonce une augmentation de 3,2 %, l'autre affiche une croissance inférieure à 1 %. L'écart est sensible ... Rappelons que le pouvoir d'achat, c'est trivialement ce que l'on peut acquérir en biens et services avec une somme donnée ou avec un revenu. Pour les statisticiens, le pouvoir d'achat se mesure à partir du « Revenu Disponible Brut » (RDB), c'est à dire ce qui reste aux ménages de leurs revenus du travail ou du patrimoine (dividendes, intérêts ou loyers reçus ...) après paiement des impôts et cotisations sociales mais après perceptions des prestations. Si ce RDB augmente plus vite que l'inflation – la hausse des prix -, il y a croissance du pouvoir d'achat. La mesure la plus exacte est celle de l'évolution du pouvoir d'achat par ménage, qui donne une idée de l'élévation du niveau de vie. Cette définition qui peut sembler claire n'exclut cependant pas de solides désaccords sur les éléments à prendre en considération dans le calcul. Je vous propose donc de comprendre les positions de l'INSEE et le l'INC à partir de l'exemple de 2 familles.

En 1997, Madame et Monsieur Blog-Ancien achètent une maison au prix de 150 000 € Comme ils n'ont pas d'épargne disponible, ils empruntent l'intégralité de la somme à leur banque, au taux de 7 %. Ils vont ainsi rembourser 1 162 € par mois pendant 20 ans.

En 2007, Madame et Monsieur Blog-Jeune leur achètent cette maison. Elle vaut maintenant 300 000 €, également empruntés sur 20 ans au taux de 4 %. Ils vont rembourser 1 818 € par mois pendant 20 ans.

Posons que les revenus des 2 familles sont absolument identiques, et considérons qu'il n'y a pas eu d'inflation, ce qui nous permet de comparer les valeurs à 10 ans d'intervalle. Comment est-il possible que dans cet exemple l'INSEE puisse dire que le pouvoir d'achat du couple de 2007 est plus important que celui du couple de 1997, alors que l'INC affirmerait exactement le contraire ?

La raison tient à l'approche méthodologique retenue.

Démontons ainsi le raisonnement de l'INSEE. Lorsque la famille Blog-Jeune achète sa maison, elle devient propriétaire d'un bien valant 300 000 €. Elle reste à devoir cependant 300 000 € à la banque. Sa fortune personnelle, ce qu'on appelle aussi sa situation nette, est donc nulle : si elle vend le bien, il y a juste de quoi rembourser l'emprunt. Cependant, avec le temps la famille Blog va amortir ce dernier. Faisons le point au bout de 5 ans. Elle est toujours propriétaire d'un bien valant 300 000 €. Mais comme le prêt bancaire s'est réduit, elle ne doit plus que 267 000 €. Sa fortune personnelle s'est donc accrue de 32 000 €. Autrement dit, la part de l'échéance mensuelle du prêt bancaire, celle qui rembourse le capital, n'est pas une charge mais une épargne qui contribue à la constitution du patrimoine de la famille Blog-Jeune, et qui donc n'affecte pas le pouvoir d'achat (la famille en reste « propriétaire »). L'INSEE a ainsi une vision patrimoniale. Seul l'intérêt de l'emprunt constitue une charge, puisqu'il est « à fond perdu ». Or, le prix de ces intérêts, qui est le taux, a diminué entre 2007 et 1997. Par définition, si les prix baissent, alors que le revenu reste constant, alors le pouvoir d'achat croît. On remarquera simplement que la famille Blog-Ancien a bénéficié d'une conjoncture de marché favorable, puisque sa maison achetée 150 000 € en vaut 300 000 € 10 ans plus tard. C'est une « plus value (potentielle jusqu'à la vente) », qui n'affecte pas le revenu issu de la production habituellement mesuré.

L'Institut National de la Consommation ne partage pas cette approche. Il relève que (par hypothèse) la famille Blog-Jeune doit consacrer une part plus importante de ses ressources que la famille Blog-Ancien pour devenir propriétaire de son logement, et donc, à revenu identique pour chaque couple, dispose de moins de moyens pour d'autres dépenses. Il conclura donc à la réduction du pouvoir d'achat. Cette vision est bien davantage budgétaire : la famille de 2007 a un budget « plus contraint » que la famille de 1997. Ne considérant le logement que sous sa seule fonction « service », il n'y a pas de prise en compte de la constitution de patrimoine.

Les 2 approches sont certes défendables, avec leurs points faibles. Celle de l'INSEE privilégie la vision patrimoniale en mettant en avant que si l'on consomme moins, on épargne plus, mais sans clairement faire ressortir que le logement de 1997 rend exactement le même service que le logement de 2007 (la hausse du prix n'est pas due à l'amélioration de la qualité) ; encore, peut on remarquer que l'INSEE prend en compte les « loyers fictifs » des propriétaires versés à eux mêmes, et on peut penser à l'existence d'un lien entre ce poste et celui de la valeur de l'immobilier, répercuté dans la mesure de l'inflation. L'approche de l'INC met l'accent sur le fait qu'en 2007, « toute chose égale par ailleurs », on dépensera moins hors logement en raison du poids grandissant des échéances de prêt reflétant le coût croissant de l'immobilier. En revanche, il néglige la constitution du patrimoine. A cet égard, l'INC commet une erreur méthodologique. Si l'achat immobilier (ou plus exactement l'amortissement du prêt qui à permis l'achat) est considéré comme une charge, il faut en vertu du parallélisme des formes inclure dans les revenus les flux monétaires issus de la cession d'un bien immobilier ou ceux reçus par voie successorale, ce qui n'est pas fait. Ainsi, dans l'exemple cité, la famille Blog-Ancien qui a vendu sa maison dispose, après remboursement du reliquat du prêt, d'un capital de 175 000 € dont la méthode retenue par l'INC fait totalement abstraction.

Faut-il en conclure pour autant que « finalement, les chiffres, on leur fait dire ce qu'on veut » ? Non ! Nous sommes dans le domaine de l'anamorphose. La perception que nous pouvons ressentir se modifie avec l'angle sous lequel nous observons le phénomène. Il y a bien ainsi sujet à de multiples débats.


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