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De la lutte des classes entre patrons

Publié le 17 avril 2009 par Careagit
Connaissez-vous Malakine ? C’est un blogueur, un de mes préférés. Parfois, le bonhomme est un peu intenable à toujours balader sa plume entre les lignes politiques traditionnelles. Souvent, sa page est un lieu de réflexions, passionnantes. Je ne sais pas ce que fait Malakine dans la vie, ce qui est sûr, c’est qu’il sait pointer justement les disfonctionnements de nos sociétés le temps d’un billet.
Cette fois-ci, il réagit à deux articles de Frédéric Lordon (Le paradoxe de la part salariale – 25 Février 2009) et Jean Peyrelevade (Du partage de la richesse – 31 Mars 2009). La question est passionnante, il s’agit là de parler des différences de statut entre les grands patrons des grands groupes mondiaux et les autres patrons, des structures plus petites dont personne ne parle vraiment. Ce sujet peut paraître futile à certains, il me semble pourtant au carrefour de plusieurs phénomènes sociaux pèle mêle, la crise de confiance envers le capitalisme, les dérives économiques et financières les plus scandaleuses, les séquestrations de patrons, les soulèvements sociaux mais aussi, bien sûr, les éventuelles conséquences sur la vie politique en terme de redéfinition des « classes sociales » et de leurs comportements.
Ces questions, je me les pose aussi, depuis quelques mois maintenant. Réflexion renforcée par le « succès » tout relatif (à la lecture en tout cas) de mon précédent billet sur la crise du risque ou encore par les interventions médiatiques diverses des petits patrons, autant offusqués, si ce n’est plus, que le citoyen lambda, par la tournure de cette crise.
Ma réflexion n’est pas encore posée, je l’élabore petit à petit ici, à partir d’articles, de chiffres ou de billets comme celui de Malakine, de vos réactions, aussi.
Entrons donc dans le vif du sujet. Ces articles, tournent tous autour d’une thèse résumée par Malakine comme « l’exploitation du petit capital par le grand » où comment désigner les pressions des grands groupes sur les petites entreprises. Selon ces divers auteurs, cette pression se traduit principalement par une coupe constante sur les coûts, donc sur les marges, et in fine, sur les salaires. Je ne vais pas décliner plus longtemps ces théories. Car aussi pertinentes qu’elles soient, il me semble qu’elles ne couvrent qu’une dimension d’un problème qui en compte en fait trois.
Le constat est clair. Il existe aujourd’hui deux classes patronales. La frontière se découpe donc en trois dimensions. La première, c’est la dimension du pouvoir. Effectivement, je persiste à croire que nous nous dirigeons de plus en plus vers une « exploitation du petit capital par le grand capital », la course effrénée à la rentabilité est en effet déclinée sur l’ensemble de la pyramide qui plie sous le poids de ses clients. Sur ce point là, les articles relevés et cités chez Malakine sont très pertinents.
La seconde dimension se noue à l’échelle planétaire, elle réside dans la capacité des « patrons » et de leurs entreprises, à surpasser les cadres légaux nationaux parvenant ainsi à jouer avec ces derniers pour ici disposer de la meilleure aide publique, là payer moins de charges ou d’impôts. Sur un même marché peuvent donc « combattre », deux structures de différentes tailles, ne respectant pas les mêmes règles du jeu. Dans ce contexte, peut-on encore parler de libéralisme économique ? De marché pur et parfait au sens d’Adam Smith ? Pourquoi parle t-on encore de libéralisme ?
La troisième et dernière dimension de ma théorie bancale réside dans les différents rapports au risque. Vous commencez à le comprendre, je m’inquiète chaque jour un peu plus, de ce nouveau système ayant placé les plus grosses structures de ce monde au dessus de toutes notions de responsabilités tout en « laissant mourir » les moins lourds. Le « too big to fail » qui remplace l’équilibre risque – profit. N’est ce pas là la nouvelle déviance ?
Revenons à nos moutons. Vis-à-vis de la notion de risque, le décalage entre « petits patrons » et « grands patrons » et encore plus criant. Lorsque les uns engagent responsabilité, capitaux et même parfois vie privée (cautionnement de biens personnels notamment) dans la balance, d’autres se « protègent » (notion toute relative puisque le statut n’est que peu protecteur) derrière des dispositions légales spécifiques dans lequel le statut perd toute notion de risque (au sens risque personnel profond). Le mauvais gestionnaire subit tout au plus un licenciement, dont le contre coup psychologique et financier sera confortablement alourdi par un parachute doré que ledit licencié aura négocié lors de la signature du contrat.
En abordant ce sujet, je ne peux m’empêcher de le lier avec un article lu récemment chez le Ségo fanatique Dagrouik qui faisait état d’un sondage que je me permets de reproduire ici.
D’après ce sondage, 61% des entrepreneurs interrogés se considéraient « directement touché par la crise », pour 92% d’entre eux, le souci était plus un problème de demande que de financement et, nous tapons en plein sur le sujet qui nous concerne aujourd’hui, ils étaient près de 76% à faire état d’une situation plus que tendue dans les négociations de prix entre professionnels. La suite vient corroborer presque parfaitement ma petite théorie bancale. Environ 53% des entreprises avaient un avis défavorable sur le capitalisme, 57% étaient réservés sur l’économie de marché et près de 85% déclaraient une opinion négative à propos des marchés financiers.
Lisez bien, les trois dimensions dont je parle sont traduites dans ce sondage. La pression des fournisseurs d’abord (76%), le rejet d’un système finalement peu compétitif dans certains cas (53% puis 57%) et enfin le rejet des grandes structures et de leur étendard le plus brillant, la bourse (85%).
Ce billet aurait très bien pu être écrit par un anti-système des plus virulents. Qu’importe. Dans son tome 2 de « De la démocratie en Amérique », Alexis de Tocqueville regrettait que les démocraties annihilent la réflexion personnelle au profit de courants globaux auxquels les citoyens se rattachent. Il faut se forcer et essayer de raisonner avec ses propres armes. Je m’y atèle.

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