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Onfray et « Le Pardon Royal »

Publié le 23 avril 2009 par Lozsoc
Ségolène Royal au Sénégal

Ségolène Royal au Sénégal

Dans le numéro 33 de Siné Hebdo, le sophiste Michel Onfray vient de se livrer à un parallèle assez audacieux, que l’on pourrait même trouver assez incongru :

« Dernière crétinerie en date : la demande de pardon à Dakar pour une faute que [Ségolène Royal] n’a pas commise ! Il lui faudrait arrêter de lire BHL (son autre mentor avec Régis Debray…) et livre Le Pardon et Pardonner ? de Jankélévitch… Dans ces deux magnifiques textes, le philosophe explique les conditions du pardon : d’abord, il faut que l’offenseur en fasse la demande ; il faut que l’offensé, et lui seul, l’accorde. De l’impossibilité pour les offensés des camps d’extermination à pouvoir pardonner, de l’absence aussi, évidemment, de demande de pardon des offenseurs nazis, Jankélévitch concluait au caractère impardonnable de la Shoah, donc à son imprescriptibilité. »

Et Onfray d’en conclure doctement, toujours en se référant à Jankélévitch, qu’« on ne saurait pardonner l’offense faite par un tiers », Ségolène Royal n’étant en l’occurrence « ni l’offensée ni l’offenseuse (sic) ».

Cette charge vigoureuse poursuit un objectif : cantonner, pour ne pas dire réduire, Ségolène Royal au rôle de l’illuminée de service, de surcroit suffisamment cruche et inculte pour ne pas avoir longuement médité l’œuvre de Jankélévitch avant d’utiliser le concept de « pardon » dans sa prise de parole à Dakar. Comme si Royal avait imaginé un seul instant, par la seule force des regrets exprimés, porter atteinte à l’imprescriptibilité des horreurs dont a pu souffrir l’Afrique en se substituant à l’offenseur (Sarkozy) et l’offensé (le peuple africain).

Michel Onfray

Michel Onfray

On voit bien que le problème des sophistes comme Michel Onfray réside dans leur fascination excessive pour les mots et les extrapolations. Rompus à un art de penser purement verbal, souvent dans une intention manipulatrice, ils oublient souvent de mettre les concepts qu’ils manient à de plus justes proportions et à les contextualiser.

Ségolène Royal n’a pas fait de la philosophie à Dakar. Elle n’a pas davantage songé à prendre le contre-pied de Vladimir Jankélévitch (puisqu’elle est supposée lire BHL et Debray…). Sur la terre de ce Sénégal où elle est née, Ségolène Royal a tout simplement posé un acte politique que Michel Onfray s’est évidemment bien gardé de relever pour ne pas accentuer le grotesque de son raisonnement.

Plus prosaïquement, cet acte politique lui a permis de réaffirmer son positionnement tant vis-à-vis de la politique diplomatique actuelle de la France que vis-à-vis du débat franco-français. Il lui a permis de réaffirmer solennellement que la France républicaine n’est pas celle du racisme, de la xénophobie, de l’intolérance ou encore de l’exploitation de l’homme par l’homme. Il lui a permis d’affirmer son statut d’opposante crédible au sarkozisme, comme en témoigne la virulence des critiques injurieuses qu’elle a essuyée de la part des roquets de l’UMP.

Les déclarations de Ségolène Royal ont également une dimension tactique, puisqu’elles viennent à contretemps du discours prononcé par le Président de la République. Disons les choses comme elles sont : tandis que tous les yeux étaient rivés sur les récents déplacements de Nicolas Sarkozy sur le continent africain, Ségolène Royal a pris par surprise l’ensemble du microsme politico-médiatique, en rappelant des propos que le Président Sarkozy espérait faire tomber dans l’oubli.

Peu importe donc la querelle « sémantico-philosophique » sur la notion de pardon. Elle est, à notre avis, du même acabit que celle concernant le « aimez-vous les uns les autres » ironique que Royal a utilisé l’année dernière. La connotation religieuse, qui semble préoccuper Onfray, est accessoire. L’essentiel est à rechercher dans l’alternative politique que souhaite représenter Ségolène Royal. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle réussit plutôt brillamment dans ce délicat exercice. Paradoxalement, le titre de l’article d’Onfray – « Le Pardon Royal » – semble même lui reconnaître implicitement un certain panache.


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