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La dernière maison sur la gauche

Par Rob Gordon
LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHEEn 1972, un petit malin du nom de Wes Craven sortait La dernière maison sur la gauche, son premier long-métrage. Le revoir aujourd'hui grâce à l'excellente édition de chez Wild Side est un plaisir sans cesse renouvelé : on y voit comment, en une heure vingt, Craven est devenu le père de toute une génération de cinéastes ô combien différents, de Rob Zombie à Michael Haneke. Sa Dernière maison était en effet une sorte de tragi-comédie gore aux accents réalistes dans lequel quatre personnes un peu frappadingues (dont une madame) séquestraient deux jeunes filles, avant de les violer, de les tuer et d'aller dormir (coïncidence) chez les parents de l'une d'entre elles. S'il n'y avait ce sujet, le film aurait pu passer pour un manifeste hippie, avec son éloge de la nature, sa musique guillerette et sa façon de mépriser les parents et de railler les forces de l'ordre. Un vrai délice.
Alors, quand un réalisateur grec est engagé sur la base de son premier (et certes très bon) film titré Hardcore pour réaliser le remake du film de Craven, il y a de quoi grincer les dents, le ton employé il y a une trentaine d'années ne collant décidément plus à notre époque. Mais Dennis Iliadis l'a bien compris : reprenant simplement la base de départ, La dernière maison sur la gauche se réapproprie totalement cette histoire, la racontant comme un fait divers totalement réaliste, avec son lot de détails et son obsession de la crédibilité. On est cette fois plus proche de Haneke que de Zombie, mais dans un aspect plus hollywoodien (sans le sens péjoratif : c'est juste qu'il s'agit tout de même d'un divertissement, ce que n'était pas Funny games). Le résultat est bigrement réussi : du haut de sa mise en scène ample et ne cherchant jamais l'effet horrifique (ce n'est pas un slasher), Iliadis transcende la glauquerie de la situation de départ et livre un film inconfortable et parfaitement crédible, qui ne subit aucune baisse de régime et maintient la tension jusqu'au générique final.
Le film pose très vite (dès l'introduction, en fait) une règle essentielle : il n'y aura pas de règles, ni de concessions. N'importe quel personnage peut être rudoyé, violenté ou pire, et ce de la façon la plus dégueulasse qui soit. Le prégénérique est totalement renversant car il nous montre que les vilains de cette histoire n'ont aucune morale et se régalent de faire le mal pour le mal. Aucune négociation ou intimidation n'est donc possible : seule la mort pourra éventuellement les arrêter. D'où une impression de danger permanent et d'insécurité totale. De façon assez miraculeuse, le film évite lieux communs et clichés pour nous plonger toujours plus profondément dans ce qui est avant tout un drame humain. Seule la dernière scène pourra éventuellement faire tiquer ; en tout cas, tout ce qui précède est irréprochable et terrifiant, en partie grâce à des acteurs passionnants. À commencer par les interprètes des parents, Monica Potter et Tony Goldwyn (vous savez, le méchant bellâtre de Ghost), qui créent une identification immédiate chez le spectateur. On n'est pas sûr d'avoir envie de revoir ça tout de suite, mais La dernière maison sur la gauche s'impose en tout cas comme l'un des remakes les plus essentiels qui soient, et sans doute comme un futur grand classique qui marque l'avènement d'un jeune prodige.
8/10

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