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Kidnapper son boss – bossnapping

Publié le 26 avril 2009 par Clal

Cela fait deux fois déjà qu’en tant que consultante, je me retrouve sur des projets où le premier site mondial à fermer est celui situé en France. Les chiffres sont formels : ce site coûte beaucoup plus par employé pour un travail qui peut désormais être fait à moindre coût ailleurs (lorsque la langue française est nécessaire songez Maroc ou Roumanie).

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Les sirènes de l'Offshoring par Sowmya Ram


Ironie du sort ; fermer le site français est aussi la proposition la plus chère (indemnités de licenciement, plan de reclassement, etc.) – ce qui a d’ailleurs gardé le site ouvert jusqu’ici.

Cela dit, les chiffres en ce moment sont si mauvais de toute façon que pourquoi ne pas boire la tasse maintenant, fermer le site français, et avaler la pilule amère des coûts associés à la fermeture. Cela passera relativement inaperçu ces temps-ci.

Certes. Cependant, aux coûts élevés d’une fermeture de site, s’ajoute désormais les difficultés opérationnelles de le faire. En un mois 3 responsables de sites ont été détenus par les employés dans leur bureau suite à l’annonce de licenciements.

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Kidnapper son boss ou "bossnapping" - Photo crédit AFP


Ils ne sont détenus qu’un ou deux jours, jusqu’à ce que le siège social, où qu’il soit, accepte d’augmenter les indemnités de licenciement. Tout se passe cordialement. La police n’intervient pas tant que cela reste entre gens de bonnes mœurs. Les hommes politiques, particulièrement ceux de droite, condamnent, mais en paroles seulement. S’ils faisaient intervenir la police ; ce ne seraient que plus de conflits sociaux, chose à éviter à tout prix en ce moment.

Je suis frappée par la différence avec laquelle les milliers de licenciements se passent en ce moment aux US; et les licenciements en France.

Ici, aux Etats-Unis, les licenciements se passent du jour au lendemain : on vous remet votre pink slip, et vous emballez vos affaires le jour-même. Il y a bien deux semaines de préavis qui sont payées, mais aucun employeur ne souhaite vous voir pendant votre préavis. Quelle influence risqueriez-vous d’avoir sur vos collègues ? Les gens acceptent leur licenciement sans protester. Cela fait partie des aléas et de toutes façons ils retrouveront quelque chose d’autre bientôt. Au pire, ils déménageront quelque part, réduiront leurs revenus, mais en quelques mois maximum, ils seront repartis. Il le faut bien, car les quelques allocations qu'ils peuvent toucher ne couvrent pas les frais pour vivre (encore moins pour nourrir une famille).

Pinkslip philadelphia

"Pink slip" ou "feuille rose", car le formulaire de "notice of termination"est imprimé sur papier rose - Illustration crédit Philadelphia Reflection.com


En France à l’opposé, le licenciement n’est pas un aléa aussi fâcheux soit-il, c’est le désespoir. Les gens ne trouvent pas d’autre job, ne quittent pas là où ils vivent pour peut-être en trouver un autre. Dans le désespoir, il n’y a rien à perdre, d’où des actes extrêmes tel qu’enfermer son patron.

De plus, là où les Américains sont individualistes, c'est-à-dire chacun pour soi à s’en sortir ; les Français sont collectifs, ensemble contre cette autorité distante qui a décidé de la fermeture. Le seul sur lequel on puisse mettre la main est le chef du site. Les vrais décideurs sont quelque part au loin. Au final, les ex-employés obtiennent la seule chose à laquelle ils puissent prétendre, une meilleure indemnité de licenciement.

Les chefs de site sont comme moi partagés : ils connaissent les chiffres, savent que le site est moins rentable que désiré, et en même temps comprennent le désespoir de ces employés qu’ils connaissent.

Je ne sais pas où est la solution. Les Américains sont peut-être plus débrouillards, mais leur situation n’est pas à envier avec tant d’incertitude.


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