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Minute claire

Par Deathpoe

Je me suis dit à ce moment-là que j'étais la pire des merdes, en la voyant l'autre soir totalement effondrée, alors que je n'avais que quelques mots à lui offrir, mais certainement pas assez pour la remettre d'aplomb. Aucune promesse disant que tout irait bien, aucune certitude, et mon seul geste de survie était encore une fois d'allumer une clope. Je peux me regarder dans la glace et me dire qu'il y a une quantité de potentiel gâché dans les excès. Me dire aussi que si je perds tout du jour au lendemain, ce ne pourra être que de ma faute. De toutes manières, on ne peut s'en prendre qu'à soi-même, uniquement.
L'autre jour la kinésiologue se trouvait sur les hauteurs d'un petit patelin, là où il n'y a que du soleil et des oiseaux, sans aucune pollution, fuite en dehors de la ville, extra-matérielle. Voilà tout ce que j'avais trouvé pour réduire à néant mes démons, ou tout au moins les pointer du doigt en leur ricanant au nez, avant de leur promettre que j'allais leurs casser les dents. Aller voir quelqu'un qui me paraissait d'avance être une sorcière vaudou. Simplement en me touchant, elle est capable de dire que je suis rempli à ras-bord, d'angoisses et d'addictions. "Je sens bien que vous ne vous supportez plus comme vous êtes, vous en avez marre de tout ça, l'alcool, la codéine."
Genre, on ne pourrait pas s'en douter. Comme si ça m'amusait de devoir fuir son regard à chaque fois que je sors une bouteille de whisky à peine achetée. Et toujours je trouve une excuse. "Ca ne va pas trop en ce moment. Promis après celle-là j'arrête. Oh mais c'est juste comme ça. De toutes manières je fais ce que je veux."
Au lieu d'admettre tout bonnement que je ne suis devenu qu'un pauvre alcoolique, à vingt ans. Je me servais un autre verre en n'oubliant rien, seulement l'angoisse qui s'endormait sous les glaçons, bien en-dessous des cendres des cigarettes enchaînées. Et je repense à toutes ces fois où elle m'a supplié de lui parler, de lui dire ce qu'il n'allait pas. Incapable. J'étais incapable d'exprimer mes tourbillons à la seule personne qui devait savoir. Se terrer dans le silence en étant persuadé qu'il n'y a aucun problème.
Au fond, je m'en veux. Cette culpabilité qui me faisait jadis défaut est en train de resserrer ses doigts sur mes paupières. Si je pouvais remonter le temps d'une année, je pense que je lui dirais de s'enfuir, de me fuir, car pour rien au monde elle ne mériterait d'avoir à subir mes sautes d'humeurs, mon alcoolisme et mes sarcasmes, ma violence parfois. Je lui affirmerai qu'elle vaut bien mieux que tout ça. Il me faudrait alors me priver des mois les plus fabuleux, simples et sincères de mon existence, mais elle aurait au moins échappé à tout ça. Jusqu'à cet enfoiré de première qui me disait cet après-midi "Tu trouves pas que t'y vas un peu fort?"
Et puis je me sens transformé depuis mon passage chez la kinésiologue. Le whisky a beaucoup moins d'attrait, et tout m'apparaît plus clairement, dépoussiéré, comme si j'avais enlevé la buée qui recouvrait le miroir. Alors je n'ai plus qu'une idée fixe, une dernière obsession qui sera le revirement que l'on attendait tant: mettre fin à tout ça et lui rendre les honneurs et les précieuses secondes qui lui sont dus. Il en va d'une promesse tenue d'avance.


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