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Une rame automatique est-ce que ça vaut un musée ? ou Grand-Paris et petits médias, suite

Publié le 03 mai 2009 par Jean-Paul Chapon

grand-pari-4.1241373423.jpg Si l’on voulait prouver par l’absurde l’utilité du discours de Nicolas Sarkozy sur le Grand-Paris, il fallait regarder Ça se dispute sur Itélé samedi soir. Que l’on soit d’accord ou non avec les propositions annoncées par le président urbaniste, là n’est pas la question. Mais en écoutant cette courte séquence de débat on a pu voir à quel point il y a urgence à traiter sérieusement la question du Grand-Paris, à savoir celle d’une métropole de 11 millions d’habitants, et que les médias sont loin (et c’est un euphémisme) d’être à la hauteur du débat. A se demander même s’ils y comprennent vraiment quelque chose, à quelques exceptions près que j’ai déjà saluées ici ;-)

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Une rame automatique est-ce que ça vaut un musée ?” c’est par cette question que Victor Robert, animateur plus inspiré à l’ordinaire introduit le sujet, après avoir rappelé que Pompidou et Mitterrand avaient eux laissé un musée, alors que Sarkozy ne laisserait qu’une ligne de métro… Les réponses sont du même niveau. Nicolas Domenach de Marianne explique qu’il y a beaucoup de choses dans le discours, mais s’arrête sur le Havre, port du Grand-Paris, comme le voulait déjà Napoléon fait remarquer Eric Zemmour, et embraye sur la mégalomanie des présidents. Eric Zemmour du Figaro accorde un satisfecit au projet de métro rapide jusqu’à Roissy, « c’est très très bien », rappelant son émerveillement dans une capitale(sic) comme Hong-Kong où on va de l’aéroport au centre ville en 30 minutes, puis finit en attaquant Sarkozy qui « lui aussi se met du côté des modernes comme Delanoë » et veut construire des tours dans Paris, « scandaleux » alors que les parisiens se sont prononcé contre. Bref, l’un comme l’autre ne retiennent pas grand chose du Grand-Paris version Sarkozy, si ce n’est qu’en fait de rupture, tous les présidents rêvent de laisser leur marque architecturale. Fermez le ban…

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Question : ce sont ces journalistes qui devraient aider le public à se faire une idée sur la vie politique, sociale, économique ou culturelle du pays, et au passage sur le Grand-Paris ? Une fois de plus Grand-Paris et petits médias. Et la nullité de ces commentaires finit même par donner justice à la mise en scène qui entourait le discours de Sarkozy qui semble s’être pris d’affection pour la Cité de l’architecture et du patrimoine. Retenir uniquement une ligne de métro, même de 130 km qui rappelons-le est la longueur moyenne des lignes de RER actuelles, c’est un peu léger même lorsque l’on aime bien manier l’ironie. Ne pas être capable de voir que ces 130 km de métro, traversant les 8 « pôles d’excellence » répartis autour de Paris, ce n’est pas une ligne de métro de plus, même automatique, mais c’est une volonté de structurer la métropole en prenant en compte sa réalité, au-delà de l’étroite ceinture du périphérique. Faute de voir cet enjeu majeur, ils auraient pu voir le jeu politique qui entoure cette affaire, c’est leur registre habituel, et analyser le bras de fer autour du Grand-Paris et de la région, dans la perspective des régionales, la reconstitution d’un axe tacite entre Sarkozy et Delanoë. Mais non, on en reste à la psychanalyse du président, avec en prime une vision étroite, parisienne au mauvais sens du terme, mais tellement répandue dans les médias. Car il n’y avait là ni « mégalomanie », ni même « marque architecturale ». Juste la volonté légitime de relancer, enfin, l’aménagement d’une métropole laissée sans projet et sans vision depuis maintenant plus de 40 ans.

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Et si Eric Zemmour aime les métros qui vont des aéroports au centre ville en à peine 30 minutes, le tracé de ce ligne structurante, qui mélange des portions de grande couronne au sud-ouest et nord-est et de petite couronne au sud-est et nord-ouest, pourra lui rappeler qu’entre les aéroports et les hyper centres, il y quelque chose, qui s’appelle la ville. Et pourquoi ne pas rappeler à nouveau la phrase de Sarkozy : « le Grand-Paris cessera d’être une agglomération pour devenir une ville quand on ne parlera plus de banlieues. » Quant à l’accusation de « modernisme », étonnant péché, le cadre dans lequel a été prononcé ce discours devrait rappeler à notre journaliste qui aime tant le patrimoine, pourvu qu’il soit un peu vieux, que chacun des bâtiments dont on peut voir moulages ou maquettes à la Cité de l’Architectures, qu’ils soient romans ou gothiques, renaissance, baroques ou classiques, haussmaniens ou industriels, art nouveau et art déco, high-tech ou post-moderne, tous ont un point commun, celui d’avoir été modernes et nouveaux à leur époque, et d’avoir dessiné et construit le patrimoine français.

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Alors oui, Victor Robert, construire un réseau de transports à l’échelle d’une métropole, ça vaut un musée. Et oui, Eric Zemmour, les cathédrales gothiques ont aussi été des prouesses d’innovation technique et de modernité, et nos ancêtres ne craignaient ni la hauteur ni l’audace pour exprimer leur génie. Et oui, Nicolas Domenach, il faut rouvrir un dictionnaire de temps en temps pour faire la différence entre mégalomanie et volontarisme (qui aurait cru que je défendrais un jour Sarkzoy sur Paris est sa banlieue ;-)

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Et pour éviter de rester aussi obtus que nos trois compères et au contraire s’ouvrir l’esprit sur un horizon métropolitain, il faut aller voir l’exposition consacrée aux dix scénarios proposés par les équipes d’architectes pour ce Grand-Paris. D’abord pour voir des cartes, qui rendent à la métropole sa véritable dimension. Pas uniquement celle du petit Paris que l’on dessine comme un rond sur une base aplatie, traversé par la courbe d’une rivière qui n’a ni d’amont ni d’aval, et ne semble servir qu’à séparer la rive droite de la rive gauche. Il faut revoir la Seine, la Marne et l’Oise et les autres rivières réintégrées dans la ville. Il faut voir la population de la ville cartographiée avec des carrés représentant 18 grandes villes d’Europe pour en comprendre l’échelle.

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Pour voir aussi la réflexion sur l’organisation de la ville, les transports, les gares, les nouvelles centralités. Pour voir que laisser sa marque architecturale, ce n’est pas forcément un grand geste architectural, mais optimiser l’existant. « Ce qui serait extraordinaire serait d’améliorer l’ordinaire » (Groupe Descartes), une approche retenue à peu près par tous, comme Jean Nouvel qui propose d’arrêter les démolitions des grands ensembles et de transformer radicalement l’existant par addition, extension, diversification. Voir aussi les réflexions sur la mixité sociale et le dézonage, mais aussi sur l’intégration de l’agriculture urbaine, ou les réflexion sur la densité. Bref, aller voir l’exposition du grand pari de l’agglomération parisienne pour s’approprier le débat sur la Ville, et préparer la suite, le débat sur la gouvernance, qui pourrait bien ressurgir très vite, bien avant « nos successeurs » comme annoncé par Nicolas Sarkozy mercredi dernier, « il a le droit d’avoir de l’humour » commente Christian Blanc, son secrétaire d’Etat au développement de la région-capitale dans le JDD aujourd’hui. Les autres acteurs du débat sur le Grand-Paris devraient sans doute méditer sans attendre ce trait d’humour, mais c’est une autre histoire…

à suivre évidemment…

Les photos ont été prises mercredi 29 avril lors de l’inauguration de l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Les deux dernières illustrations sont extraites du Spécial Grand-Paris du Moniteur. Carte du groupe Descartes, et thématique quartier,cité,grands ensembles de Jean Nouvel.

A signaler, le Moniteur a publié un livre présentant les travaux des dix équipes, “Le grand pari(s) - Consulation internationale sur l’avenir de la métropole parisienne. Indispensable et très beau.

Jean-Paul Chapon


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