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Vinyan de Fabrice du Welz

Par Geouf

Vinyan de Fabrice du WelzRésumé : Janet et Paul Behlmer (Emmanuelle Béart et Rufus Sewell)  ont perdu leur fils Josh dans le Tsunami qui a ravagé l’Asie. Six mois après cette perte tragique, Janet croit voir son fils sur une vidéo filmée dans un village birman touché par la catastrophe. Persuadée que son fils est encore en vie, elle convainc son mari de partir pour un périlleux voyage…

Sorti à peu près à la même époque que MartyrsVinyan a lui aussi eu du mal à trouver son public. Il faut dire qu’une fois encore la distribution plus que limitée du film sur le territoire français n’a pas aidé. De plus, le film a très mal été vendu, non seulement par une bande-annonce à côté de la plaque, mais aussi par la presse spécialisée (Mad Movies et sa couverture gore dégueu sur le film a dû tromper pas mal de monde). Pourtant ce second essai cinématographique de Fabrice du Welz (après l’excellent Calvaire) était très loin de mériter une telle indifférence…

A vrai dire, ce qui a dû surprendre beaucoup de monde, c’est que du Welz s’aventure avec Vinyan là où on ne l’attendait pas. Car non, Vinyan n’est pas un film de cannibales à la Deodato, ni un film de fantômes flippant. Vinyan est un drame teinté de fantastique, une plongée déchirante dans l’esprit d’une mère incapable de faire son deuil. Ceux qui s’attendent à une débauche de tripaille en seront donc pour leur frais, puisque le film n’est que très rarement gore, et surtout qu’il a un rythme très lent. Comme le réalisateur le précise dans l’introduction du DVD du film, Vinyan se veut un film réaliste (du moins dans sa première partie), petit à petit contaminé par le fantastique. Tout le début du métrage est donc filmé caméra à l’épaule, le montage nerveux, proche du documentaire renforçant l’impression de réalité. On a réellement la sensation que l’équipe est allée en ThaÏlande, a tourné dans des quartiers un peu louches. Les personnes ayant apprécié Calvaire ne seront pas surpris outre mesure par cette façon de filmer, la patte de du Welz étant présente à chaque plan.

Vinyan de Fabrice du Welz

Mais c’est surtout dans sa seconde partie que le film prend réellement aux tripes, lorsque le couple part à la recherche de leur fils. Impossible en effet de ne pas comprendre ces parents effondrés qui s’accrochent à la moindre lueur d’espoir. La caméra de du Welz scrute avec une infinie tendresse l’âme de ses deux protagonistes principaux, leur arrachant des émotions brutes de décoffrages. Emmanuelle Béart n’a jamais été aussi belle et fragile, et elle trouve certainement ici le rôle de sa vie. Grâce à un jeu à fleur de peau, d’autant plus nuancé qu’elle n’a que peu de dialogues, la belle entraîne progressivement dans sa spirale de folie qui va la pousser jusqu’au point de non retour. Il faut la voir, le regard hagard, se précipiter sur cet enfant étranger qu’on lui présente comme étant le sien, tentant de se persuader qu’en effet, il s’agit de son fils… Une scène très dure psychologiquement et presque effrayante, mais d’une beauté terrible. A ses côtés, Rufus Sewell est lui aussi parfait et prouve que Dark City n’était pas un accident. Il compose aussi un personnage tout en nuances de mari perdu tentant de maintenir à flots son couple mais finissant par n’être qu’un témoin impuissant exclu de l’esprit de celle qu’il aime.

Vinyan de Fabrice du Welz

Si Vinyan use d’un rythme lent, c’est pour mieux piéger le spectateur, le faire pénétrer petit à petit dans la bulle mentale de Janet, sans possibilité de retour en arrière. Et une fois le voyage entamé, celui-ci s’avère très perturbant. Mais du Welz a l’intelligence de ne jamais user d’artifices grossiers. On est plutôt en présence d’une « inquiétante étrangeté », un sentiment diffus de malaise à la vue par exemple de ces enfants silencieux aux regards hostiles, ou du détachement froid d’Emmanuelle Béart. Et comme dans Calvaire, le réalisateur alterne avec maestria entre des scènes d’une beauté poétique (la scène des ballons incandescents) avec d’autres plus dérangeantes (la crispante scène du riz, qui rappelle la scène du bar de Calvaire). Et au bout du voyage il y a ce final magnifique, à la fois apaisé et désespéré, qui n’est pas sans rappeler celui de L’Orphelinat, qui lui aussi traitait de la perte d’un enfant.

Avec Vinyan, du Welz confirme son statut de réalisateur à suivre, en proposant une expérience sensorielle dans laquelle l’immersion dans l’esprit de son héroïne est totale et dont on ne revient pas indemne…

Note : 8/10


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