Magazine Cinéma

De la virginité du spectateur

Par Mgallot

Etrange expérience...

Delta.jpg
9 mai, journée de l'Europe. 27 films de 27 pays projeté à l'occasion. Va pour un film hongrois: "Delta" de Kornél Mundruczo. Sélection officielle Cannes 2008. Prix de la critique internationale, voilà qui est prometteur.

Dans le petit livret présentant le film, avant d'aller à la séance, je lis le synopsis suivant:"De retour pour l'enterrement de son père après avoir été chassé par sa mère vingt ans auparavant, un homme rencontre sa soeur pour la première fois. Tombant amoureux l'un de l'autre, tous deux découvrent que leur père a été tué par la mère et par son amant et décident de le venger."

Un genre d'Orestie hongroise. Pourquoi pas...

Dès le début, je regarde la mère d'un oeil torve. Elle cache bien son secret, la bougresse. Son amant, lui, a bien la gueule d'un sale type. J'attends que soit révélé leur forfait. Que le fils et la fille comprennent qui a tué le père. En vain.

Rien ne se passe comme prévu:

- Le fils est bel et bien de retour après une longue absence, mais rien ne dit que sa mère l'ait renvoyé "vingt ans auparavant".

- Le père n'est pas encore mort quand le fils revient. L'enterrement n'a lieu que bien après son retour.

- Le fils et la fille construisent une maison ensemble. Leur relation est proche, ambiguë, mais rien n'indique de manière certaine qu'ils soient "amoureux l'un de l'autre" (j'attends le moment où on va les voir s'embrasser torridement: rien).

- Enfin, et surtout, il n'est nullement question de meurtre du père par la mère et son amant.

Sortie de séance. Je me frotte les yeux, je relis le synopsis. D'autres spectateurs en font autant, aussi héberlués que moi. Le synopsis était erroné. A croire que son rédacteur s'est fait raconter l'histoire par un pote bourré qui lui a fait croire qu'il l'avait vu (le synopsis est d'ailleurs repris sur Télérama).

Etrange expérience, qui m'a permis de mesurer à quel point mes attentes de spectatrice sont modelées par le synopsis. Je ne regrette pas d'être allée voir "Delta", c'est un film singulier, âpre, un film taiseux, qui rappelle un peu "Le retour" du Géorgien Andreï Zviaguintsev. La sérénité des paysages aquatiques contraste avec la cruauté muette des humains, qui sont autant d'énigmes. Mais j'ai vu le film de travers, à cause de l'idée que je m'en étais faite à l'avance. C'est un peu dommage.

Il faudrait toujours voir les films vierges de tout synopsis. Se laisser surprendre. Comme dans la vie.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mgallot 60 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines