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Rachid Boudjedra : Timimoun

Par Gangoueus @lareus
Rachid Boudjedra :  TimimounCette semaine, c’est en Algérie que je me suis proposé de déposer mes mallettes. Je me suis assis à la table de Rachid Boudjedra et je me suis laissé guider par ce brillant narrateur.
Timimoun est un long monologue intérieur. Le personnage central est un guide touristique qui transporte ces passagers d’Alger à Timimoun dans le désert au cours d’un long périple à bord d’Extravagance. Ce dernier est un vieux tacot qu’il a équipé d’un moteur neuf et puissant. Il fait ce travail depuis une dizaine d’années, mais en levant son regard dans le rétroviseur, ce jour, il tombe sur le regard de Sarah, une jeune femme de 20 ans qui fait partie de ses passagers…
En écrivant ce commentaire, l’idée du démon de midi qui frappe souvent à la quarantaine me vient à l'esprit pour illustrer le thème de ce roman. Une période où l’individu mâle se pose de nombreuses questions sur le sens de sa vie, ses joies, ses regrets surtout. Ce regard porté par Sarah sur notre personnage va déclencher une vaste introspection faite de flash-back sur son adolescence à Constantine, ses rapports familiaux délicats avec un père industriel distant qui l’a déshérité, un frère dont la disparition s’apparente à un suicide, la construction de sa personnalité, sa profonde solitude… Pourtant, cette idée du démon de midi est inexacte, notre homme n'étant pas en couple, loin de là.
Rachid Boudjedra traduit les questionnements d’un personnage qui porte un regard très sombre sur lui-même, qui s’oublie dans la vodka et confronte ses démons intérieurs par ces traversées répétitives dans le désert, allant jusqu'à Timimoun . Mais sa plus grande désillusion reste son rapport calamiteux aux femmes que fait rejaillir la rencontre de Sarah, qui le déstabilise et fait naître en lui une multitude de pulsions longtemps tues…
Le roman évolue entre le passé du narrateur à Constantine et son présent sur les routes algériennes avec en toile de fond, un terrorisme meurtrier qui frappe à tout instant. En dépit de quelques petites longueurs et une fin qui m’a laissée sur ma faim, j’ai apprécié ce texte qui m’a donné envie d’explorer un peu plus le travail de cet intellectuel algérien.
A propos de Sarah :
Sarah, c'est peut-être son nom, était donc peu disert. Peu bavarde. Peu communicative. Comme absente. Passive. Impassible. Indolente. Comme si elle n'adhérait à rien. Même pas affectée. Plutôt perverse. Les gens autour d'elle nageaient dans le magma médiocre de leur désir consistant à ne rien rater de ce Sahara dont les mirages et les légendes les avaient comme dopés, drogués , rendus malades.
Elle, était vraiment dedans. De plain-pied. A chaque halte, à chaque visite, elle devenait plus transparente, magnétique, exorbitante. Ses yeux changeaient de couleur. D'un bleu à l'autre. Du plus délavé au plus noir. D'un violet à l'autre. Du plus clair au plus foncé. Elle attirait tout à elle : les gens, les ruines, les ksour, les casbahs, les oasis et même les chats qui se prélassaient dans les jardins des hôtels où nous passions, parfois, la nuit. Mais elle gardait ses distances.
Folio, page 22
Pourquoi elle et pourquoi maintenant? Pourquoi c'est à quarante ans que cette drôle de maladie qu'est l'amour me tombe dessus? Au moment où je ne m'y attendais pas. J'avais l'impression d'avoir terminé ma vie, le jour où j'ai acheté ce vieux car à genève. J'avais en fait décidé de m'enterrer dans le Sahara. tant qu'à faire! Il valait mieux mourir dans ce désert qui m'a toujours fasciné parce que méchant, dur et invivable plutôt que dans une de ces villes atrophiées, surpeuplées et agressives. Le désert est mon mode de suicide.

Folio, page 50
Bonne lecture,
Rachid Boudjedra, Timimoun
Edition Denoël , Collection Folio, 1ère parution 1997, 147 pagesCopyright Photo - Flitesd
Rachid Boudjedra :  Timimoun

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