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Le Québec selon Suzon

Publié le 18 mai 2009 par Theclelescinqt

Le Québec selon Suzon

Ces derniers temps, deux nouvelles rubriques sur ce blog : "Ils n'ont pas (encore) de blog mais ils m'ont moi", pour inviter d'autres à écrire ici leurs points de vue sur les thèmes qui sont chers à ce blog, mêmes avis que moi ou non, et "Géographiques parents", à base notamment d'interviews de parents autour du monde. Alors avis aux parents de partout - même d'autres régions françaises !- qui aimeraient être interviewés au sujet de la parentalité et autour de leur lieu de vie géographique : vous m'intéressez! Un petit mail et je vous envoie une interview personnalisée.

Aujourd'hui c'est la charmante Suzon, en direct du Québec, qui s'y colle, et nous offre un merveilleux témoignage détaillé de sa vie quotidienne au Québec. Je ne lui ai pas demandé sa liste de courses, mais presque! Merci Suzon!

Suzon, tu es canadienne, québécoise, vivant à Montréal. Peux-tu nous décrire ton quotidien et celui de tes enfants? As-tu déjà vécu à l'étranger? Au fait, nous qui nous sommes rencontrées via blogosphère, comment as-tu commencé à bloguer?

Je suis Suzon, québécoise d'ascendance française. Notre ancêtre est arrivé en Amérique vers le milieu 17e. Je sais qu'il venait de la Normandie et que c'était un... marchand. Ça fait donc plus de trois siècles que ma famille est établie ici alors je suis véritablement une québécoise "pure laine".

Le Québec selon Suzon

Le Québec selon Suzon

Je vis dans une petite municipalité (vous dites "commune") dans la partie nord-est de la région de Montréal. C'est la banlieue éloignée. En fait, c'est un village qui était autrefois très rural qui s'est fait rattraper par la ville. Le quartier dans lequel j'habite est tout nouveau. Le reste de la municipalité, dont le noyau villageois, est plus ancien. Alors au-delà de mon village, c'est l'agriculture. J'adore vivre ici. J'ai tout ce dont j'ai besoin quotidiennement: il y a le supermarché, la pharmacie, des banques, des services, etc. Et j'ai même un petit marché avec fruits et légumes, boucherie, pain frais, fromage, poissonnier à distance de marche de chez moi ce qui est très pratique.Souvent, dans les banlieues nord-américaines, il faut prendre l'auto pour tout ! Mais pas dans mon village. C'est un très beau cadre de vie.

On habite dans une maison unifamiliale sur deux étages. Ici, on appelle ça un cottage. Elle est située au fond d'un croissant alors c'est très tranquille.  Il y a une piste cyclable tout à côté alors les enfants, j'en ai deux, Laurence 11 ans et Hugo, presque 10 ans, sautent sur leur bicyclette et peuvent aller faire de belles balades en toute sécurité. J'aime bien y aller aussi en patins.

Je n'ai jamais vécu à l'étranger. Et je n'ai voyagé qu'en Amérique. J'aimerais bien un jour aller voir la France et l'Italie. En attendant je lis vos blogs et j'aime bien vous entendre parler ! C'est une des choses que j'apprécie d'ailleurs le plus dans la blogosphère : pouvoir communiquer avec les cousines Françaises. En apprendre un peu plus sur votre réalité puis partager un peu la mienne. J'ai commencé à bloguer au mois de janvier de cette année et j'ai eu la piqûre. C'est ma copine Lili, elle-même assez portée sur la chose informatique, qui m'a encouragé à le faire. Elle vit à Vancouver, à trois fuseaux horaires de moi, alors disons que l'Internet est notre seule façon de garder contact ! Elle avait déjà trois blogs sur Wordpress alors quand je me suis finalement décidée, je suis allée du côté de ce fournisseur. Et là, une fois mon blog ouvert, j'ai parcouru les listes de blogs en français et suis tombée sur celui de Véro de Bordeaux, que j'aime beaucoup, puis à partir de sa blogoliste, sur le tien ! Il y a beaucoup de choses qui sont différentes entre la France et le Québec, nos cultures sont très différentes, ça se voit quand on lit nos blogs, mais il y a quand même un vaste espace commun de maman et de femme entre nous.

Je vais te décrire un jour de semaine type dans ma petite famille (à deux noms, car petite note, au Québec, les femmes ne prennent pas le nom de leur mari lors du mariage). Mais là attention ! Car il ne faut pas que vous pensiez que toutes les familles vivent ainsi au Québec. Ce n'est pas du tout le cas. Alors voici. Je me lève très tôt (4h45) pour aller travailler au centre-ville de Montréal. Le service de transport en commun est inadéquat dans ma banlieue éloignée alors j'utilise mon automobile. En partant si tôt, j'évite la congestion routière et j'arrive au bureau en 45 minutes. Je débute donc ma journée de travail à 6 heures du matin. Je peux le faire car j'ai deux patrons tout aussi early birds que moi alors ils n'y voient pas d'inconvénient.

Je suis analyste de marché. L'entreprise pour laquelle je travaille se spécialise dans les analyses de localisation. Nous aidons les chaînes de détaillants à se localiser, à rationaliser leur réseau de succursales, etc. Mon travail est donc devant l'ordinateur: je rédige des rapports, je travaille sur des fichiers excel. Au bureau, la tenue vestimentaire est très "casual", on peut même venir en jeans si le coeur nous en dit. C'est comme cela dans beaucoup de petites entreprises. Dans les plus grandes organisations, le jeans est souvent interdit mais on exige très rarement le veston-cravate au Québec. Sauf si on est cadre très supérieur, alors, ça va de soi.

Au Québec, l'employeur ne fournit pas le repas aux employés. Je dis cela car je sais qu'en France, plusieurs entreprises le font. Nous avons deux Français du sud de la France qui travaillent dans notre équipe et ils ont été très étonnés de voir les gens arriver au boulot avec leur "lunch", leur repas du midi dans un petit sac isolant (on en a de tous les styles et de toutes les couleurs). Aujourd'hui, ils sont habitués et ils apportent leur repas eux aussi (car aller au restaurant à tous les midis coûte trop cher). On échange des recettes et on découvre leurs plats; ils découvrent les nôtres.

La pause-repas dure une heure, généralement de midi à 13 heures (là aussi, les Français ont dû s'adapter, hé,hé). À midi, j'ai déjà six heures de complétées dans ma journée de travail qui en compte 7,5. Alors vers 14h30, je peux partir ! (La semaine de travail "standard" ici est 37 heures et demi. La journée de travail s'échelonne généralement entre 8h30-9h30 le matin et 17h00-18h00 le soir). Je reprends ma voiture et file vers ma banlieue éloignée pour prendre les enfants à la sortie de l'école, soit à 16h00. Ensuite, on s'en va à la maison, je fais le souper (votre dîner) et on mange très tôt (entre 17h00 et 18h00). Après quoi je fais la vaisselle (ou plutôt je mets tout dans le lave-vaisselle) et j'aide les enfants avec leurs leçons-devoirs. Ensuite, soit vers 19h30, les enfants vont jouer et moi, j'ouvre l'ordinateur pour ma séance quotidienne sur la blogosphère.

Mon mari n'arrive pas avant 20h00 et même 21h00. Il est cadre supérieur dans une entreprise de construction. Il quitte la maison vers 7h45 pour aller déposer les enfants à l'école le matin. Alors il arrive au bureau relativement tard et, parce qu'il est un peu workaholic, il finit rarement avant 20h00 le soir.

Rassurez-vous, durant le week-end, on se reprend ! On mange plus tard et c'est beaucoup plus relax !

Le modèle des familles avec deux parents qui travaillent est souvent ainsi au Québec, l'un des deux parents dépose les enfants à l'école ou à la garderie le matin et l'autre parent prend les enfants le soir. On se partage les choses. Et les patrons respectent généralement ces impératifs.

Que peux-tu nous dire ce que tu penses de l'éducation que tu as reçue (et dans quelle région?), et de l'éducation "à la canadienne" de manière générale, alors que tu es mariée et maman de deux enfants ?  Qu'est-ce qui te semble vraiment caractéristique de la vie parentale au Canada, par rapport à la France ou aux pays que tu connais?

Le parcours scolaire pour un petit Québécois commence à cinq ans. D'abord une année de maternelle, durant laquelle il apprend à se socialiser, à compter et à écrire son nom (ça vous donne une idée), après laquelle il fait six ans de primaire. Ensuite, il y a les études secondaires durant cinq ans. Cela se passe dans de grandes écoles publiques (des polyvalentes) ou dans des écoles privées (des collèges). Les enfants doivent compléter leurs études secondaires selon la loi. Mais on observe de plus en plus de décrocheurs depuis quelques années. Des garçons surtout qui, "lâchent l'école" en secondaire 3 ou 4 parce qu'ils sont en situation d'échec.

Notre système d'éducation est d'ailleurs en crise. Le ministère de l'éducation a imposé une réforme il y a quelques années et, franchement, c'est un fiasco. Je ne voudrais pas entrer dans les détails. Je vais seulement vous donner quelques exemples. Selon la réforme, les enfants ne sont plus évalués en fonction des connaisssances qu'ils ont acquises mais plutôt en fonction des compétences qu'ils ont développées. Quant à savoir ce qu'est une compétence, your guess is as good as mine ! Sur les bulletins, on ne voit plus de moyenne du groupe. Chaque enfant est évalué en fonction de lui-même. Au départ, cette philosophie se voulait un remède à l'hyper-compétition qui faisait en sorte que plusieurs enfants se sentaient toujours derrière les autres. On espéraient donc ainsi éradiquer l'échec scolaire et le décrochage. Sauf que, voyez-vous, le décrochage n'a jamais été aussi élevé maintenant que cette réforme est en place. Les parents hurlent haut et fort. On peut donc parler d'échec de la réforme. Mais c'est pas si facile de revenir en arrière. Les nouveaux enseignants ont été formés pour appliquer le nouveau programme. Le matériel didactique est aussi en fonction de cette réforme. Il faudra donc attendre quelques années avant que tout redevienne comme avant.

Devant toute cette problématique, Claude et moi avons décidé d'envoyer nos enfants dans le privé. Là, les programmes sont plus traditionnels. Ça nous coûte cher (3500$ par enfant par année soit environ 2200 euros) mais on ne veut pas que nos enfants fassent les frais de cette lubie ministérielle. On veut leur donner le plus de chances possibles de réussir alors on se sacrifie un peu pour leur éducation.

Après les études de niveau secondaire, les jeunes peuvent, s'ils le veulent, aller au Cégep pour deux ou trois  ans. S'ils pensent aller à l'université, il n'y restent que deux ans pour des études relativement générales. S'ils ne veulent pas aller à l'université, ils choisissent un parcours de trois ans, qui débouche sur un diplôme technique (hygiéniste dentaire, policier, infirmière, technique administrative, technique en architecture, etc.). 

Que te manque-t-il dans ton pays, ta région ou ta ville en tant que parent ? Ou au contraire que sais-tu avoir ici que d'autres pays ne pourraient t'offrir?

En fait, à lire vos blogs, j'ai l'impression que la vie de parent est nettement plus facile au Québec qu'en France. Primo, lorsqu'une femme accouche ici, elle a droit à un an de congé. L'employeur ne peut pas la congédier lorsqu'elle revient au boulot après un an. Il y a une fille que je connais qui s'était fait congédier au retour de son congé de maternité. Elle a déposé une plainte au tribunal administratif qui s'occupe de ces dossiers des normes du travail et, évidemment, elle a gagné. Elle aurait pu retourner à son emploi mais a choisi de prendre le réglement en dollars car elle ne pouvait plus les sentir (je la comprends!).

La femme qui prend un an de congé a droit à un revenu (70% de son salaire durant un certain nombre de semaines puis 55% pour le reste). Mais ce qui est bien depuis quelques années c'est que le père peut aussi prendre une partie de ce congé (avec des conditions de prestations similaires). Les semaines qu'ils prennent sont retranchées cependant du congé de la maman. C'est ainsi qu'au bureau, les nouveaux papas ont pris un ou deux mois de congé chacun !  Ils ont bien apprécié. Les patrons n'ont rien à dire. C'est la loi. Personne ne perd son job. C'est la responsabilité des entreprise de trouver les remplaçants, au besoin, pour la durée des absences des papas ou des mamans.

On a eu des échos dans nos médias du cas de votre ministre Rachida Dati qui est retournée travailler cinq jours après sa césarienne ! Ouf, on a fait les gros yeux ici ! Presqu'impensable qu'une femme se sente obligée de retourner travailler si tôt de peur de perdre son poste ! En même temps, il y avait deux discours ici: cartaines faisaient les gros yeux alors que d'autres disaient qu'au fond, chaque femme devrait avoir le choix de retourner au travail quand bon lui semble sans être "mal vue". Oui, bah, c'est un peu vrai mais, en autant qu'elle ne retourne pas seulement parce qu'elle a peur de perdre sa place.

Ensuite, quand la femme retourne travailler, nous avons un système de garderies, les CPE (centres de la petite enfance). Ça coûte 7$ (4,50 euros) par jour par enfant. Tout est encadré par le gouvernement: qualité des installations, programmes et activités, alimentation, etc. Il y a quelques régions qui connaissent des pénuries de "places" mais globalement, ce système est génial et facilite énormément la vie des nouveaux parents. Les parents peuvent choisir entre des garderies de grande taille, avec plusieurs éducatrices et des horaires plus étendus, ou des garderies en milieu familial. Dans les deux cas, c'est subventionné et ça ne coûte de 7$ par enfant par jour.

Qu'est-ce qui serait très mal vu au Canada  en terme de parentalité ou d'éducation? Qu'aurais-tu du mal à supporter ou à accepter ailleurs?

Au Québec, les corrections physiques sont très très mal vues. On voit donc très rarement un parent donner une tape sur les fesses ou "brasser" un enfant, du moins en public. Évidemment, les enseignants n'ont pas le droit de toucher aux enfants. J'ai l'impression (fausse?) que la fessée est beaucoup mieux tolérée en France et que le rapport d'autorité entre l'adulte et l'enfant est plus tranché.

Quel est ton petit monde du travail "d'origine" (avant les enfants, quoi) et comment concilies-tu vie privée et vie professionnelle? (études, et où, métier, expérience professionnelle, situation actuelle, projet, envies professionnelles ou le contraire,... Et au Canada, comment font souvent les femmes, les parents je veux dire, pour s'organiser?

La conciliation travail-famille a été difficile pour moi jusqu'à très récemment: j'ai décidé de réduire ma semaine de travail de cinq à quatre jours. Car même si les hommes qui effectuent des tâches ménagères ne sont pas mal vus au Québec, ils restent peu nombreux à se responsabiliser sur ce plan. En d'autres termes, la plupart des hommes acceptent d'aider leur blonde (on dit blonde ici pour épouse, conjointe, amie de coeur, même si elle est brunette) dans les tâches ménagères, c'est encore la femme qui, ultimement, en a la responsabilité. Alors la plupart des femmes qui travaillent

vivent le problème de la double tâche: travail à l'extérieur et la majorité des tâches à la maison également. Alors avec un travail sur seulement 4 jours, j'arrive à tout faire et sans me ruiner la santé. Toute la famille y gagne.

Pourrais-tu nous faire partager quelque chose de là-bas? Par exemple, quels sont les prénoms à la mode en ce moment au Québec, cite-nous une ou deux personnalités de là-bas, quel est le sujet actuel dont on y parle le plus, quelle image a la France en ce moment dans ce pays, qu'est-ce qui serait pour toi emblématique de ce pays ou ta ville, un film, un plat, une chanson, un monument, un paysage, ...?

Chez-nous, les prénoms à la mode sont Léa, Florence et Rosalie pour les filles et Thomas, William, Gabriel et Samuel pour les garçons. Avec les nouveaux programmes de congé de parentalité qui s'étendent sur un an, on assiste à un petit baby-boom au Québec. Alors qu'il y a dix ans, les familles avec deux enfants étaient très largement majoritaires, aujourd'hui, on voir de plus en plus de familles avec trois et quatre enfants. On voit des poussettes partout ! Mais tu sais Thècle, on ne peut pas les ouvrir dans les autobus chez nous non plus. Il faut les replier ;-)

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