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"Ici l'armée des enfoirés" ou comment le vrai visage du charity business montre son nez...

Publié le 19 mai 2009 par Gchocteau

Vous le savez, je n'aime pas le charity-business ! Cette mode qui veut que les ONG prennent de plus en plus de place sur le terrain de la solidarité, qui à mes yeux, relèverait d'une solidarité mécanique via les pouvoirs publics et l'impôts. Or, la charité repose sur une notion individuelle, volontaire et religieuse de l'aide apportée, nous ne sommes pas dans le soutien et l'effort pour que l'autre s'en sorte, ni dans la réparation des dégâts des décisions collectives par le collectif, nous sommes dans une volonté de sauver son âme.

L'une des déviations du charity-business est toute cette mode de mettre l'artiste au service d'une cause. De Adriana Karembeu pour la Croix Rouge à Angelina Joli pour l'UNICEF, les stars donnent un peu de leur temps et de leur notoriété pour récolter de l'argent. Qu'elles donnent du temps et de la notoriété, c'est plutôt pas mal, mais si on s'arrête aux paillettes, car bien souvent, l'investissement sans la réflexion sur le sens fait que la situation perdure, sans remettre en cause les grands équilibres économiques, financiers et du pouvoir. C'est pour cette dernière raison que des investissements médiatiques plus "sensibles" ne trouvent pas autant d'écho : Richard Gere pour le Tibet, Sean Penn contre la guerre en Irak pour ne prendre que deux exemples. Certes, ils sont connus pour leur combat, mais ont eu à subir des revers dans leur métier pour les positions qu'ils ont prises. Dès lors qu'on quitte le consensus mou, on s'attire les foudres des puissants.

En France, nous avons aussi nos stars engagées. Pourrait on remettre en cause l'investissement de Coluche pour les Restos du Coeur ? Pourrait on remettre en cause les Restos du Coeur ? Pourrait on remettre en cause Augustin Legrand pour les Enfants de Don Quichotte ? Ou pourrait on remettre en cause l'Abbé Pierre ? Mère Thérèsa ? Non, revendications justes (Je ne les remets pas en cause), mais moyens propres et consensuels.

Monseigneur Gaillot ? Jean Baptiste Eyrault ? Nan, ils dérangent, ils s'attaquent aux racines... On peut mettre Augustin Legrand aussi, quand il a installé les tentes du canal St Martin. Eux, ils dérangent, ils ne sont pas politiquement corrects, tout en restant tout à fait honnêtes et responsables. Oui, mais ils dénonçent...

A donner la place aux organisations caritatives, l'Etat laisse insidieusement s'installer une concurrence entre elles. Et cette concurrence les fait glisser dans le "toujours plus". Il faut vendre de mieux en mieux le produit, le marketer le plus possible, pour que les masses l'achètent. Même si nous restons sur un aspect d'utilité social, voire très social, nous sommes bien sur un marché, celui du caritatif. Un élément de réflexion ?

Sylvie Brunel, dirigeante, d'Action internationale contre la faim (AICF), puis cadre dirigeante de l'association a dénoncé en 2000 les dérives des grandes associations humanitaires qui sont « devenues des business soucieux de parts de marché ». « Les donneurs de leçons, dit-elle encore, sont tombés dans les défauts qu'ils dénoncent : la bureaucratie, le niveau élevé des rémunérations. » Sont ainsi visés les salaires élevés que s'attribuent les dirigeants et les cadres permanents de ces grandes associations qui vivent grâce aux dons des particuliers. Wikipedia

D'ailleurs, à ce titre, on peut observer l'intrusion des Enfants de Don Quichotte sur le terrain de la défense des sans abris. En terme marketing, ils ont fait un coup, reprenant sur leur terrain Médecins sans Frontières ou Médecins du Monde, mais en plus médiatique. Joli coup marketing qui les ont fait passé au journal de 20 heures !

La concurrence entre associations, sujet tabou dans l'économie sociale et solidaire, mais réalité quotidiennement approuvée... Dès lors que l'argent est en jeu, l'utilité sociale et l'éthique n'empêchent pas la concurrence. Pourquoi ? Parce que pour récolter de l'argent, beaucoup d'argent, il faut des professionnels, du marketing, de la communication et donc de l'argent. Et donc des salariés. Et à partir du moment où l'on a des salariés, il faut les payer (Si si !) surtout si ils ont des compétences. Et l'argent appelle l'argent. De ce tableau noir, bien entendu qu'il existe des collaborations, des passerelles, des partenariats, et que tout le monde ne se massacre pas la tronche à coup de battes de base ball. Toutefois, nier ces éléments serait naïf.

Et côté marketing gagnant, les "Enfoirés" sont les champions olympiques. Je ne remettrai pas une couche sur ce que je viens de développer, vous comprendrez aisément que je ne cautionne pas, que je n'aime pas, que je ne soutiens pas.

Leur dernier coup est pour moi, le summum ! Ils ont repris la chanson "You're in the army now" de Status Quo. Grand classique des années 80, on peut apprécier le choix. Tout en s'interrogeant sur la pertinence, car les paroles sont peu en lien avec le sujet qui nous anime. En effet, la chanson parle globalement d'un garçon dans l'armée, qui se demande un peu ce qu'il fait là après s'être fait enrolé.

Ou alors, la pertinence est là, justement. L'armée des enfoirés ? Etonnante contradiction entre une "troupe d'artistes engagés contre la misère" et un "groupe de combattants" ? Est ce si différent ? Les enfoirés ne seraient ils pas une armée contre la misère ? Sont ils une armée contre la misère ou une armée pour aider les miséreux ? Comme on voudrait faire croire que l'armée est devenue (Rappelez vous le clip de recrutement de l'armée de terre => on trouve un métier et on sauve des vies !). Et quand on lit les paroles de la version "enfoirée", on comprends "qu'on s'amuse et qu'on aide"(Ce qui est le projet des Restos à l'origine). Et qu'on espère que cela va s'améliorer pour enfin dissoudre l'armée ... Cela ressemble étrangement à l'armée ... du Salut ! Avec les soldats et les officiers, l'Armée du Salut est une armée organisée pour aider les miséreux.

Je ne vous cacherais que je suis profondément dérangé par cette chanson. Dérangé par le titre, dérangé par cette mode, dérangé par les artistes qui se retrouvent dedans... Il faut être dans la troupe, même si on n'y chante quasiment pas (Michel Drucker, Laëticia Casta, Carla Bruni [1], Carole Bouquet ou Jean-Marie Bigard). Et on doit y chanter, même si on a des soucis avec le fisc (Florent Pagny ou Doc Gynéco) ou des artistes qui n'habitent pas en France, et donc ne payent pas d'impôts ici (Alain Delon ou Johnny Hallyday [2]). La grande majorité semble sincère, et leur investissement se confirme ailleurs (Jean Jacques Goldman par exemple).

Quand on voit les sommes des dons du téléthon, environ 100 millions d'euros, on sait qu'il y a de l'argent pour la recherche et l'aide sociale.

Selon les enquêtes quantitatives récentes consacrées au don d'argent, les sommes collectées auprès des particuliers par les associations caritatives et humanitaires françaises sont passées de 1 milliard à 9 milliards de Francs de 1989 à 1991 ; elles ont ensuite atteint le montant record de 14 milliards de Francs en 1994, soit une progression de plus de 50% en trois ans. Parallèlement, malgré l'observation d'une baisse du nombre de donateurs (-4,3%) entre 1993 et 1996, les estimations avancées par ces recherches font état de la présence de 20 millions de donateurs au sein de la population française en 1997. Donner aujourd'hui - Eléments pour une sociologie du don caritatif par Ariane EPEE

On voit dans l'étude IPSOS et HSBC une vraie tendance à donner par devoir...

Le devoir d'aider son prochain est la motivation principale. Pourtant, le seul moyen d'aider correctement, équitablement et durablement son voisin en détresse, c'est l'impôt, cette solidarité neutre que l'histoire a progressivement fait évoluer, mais que nos gouvernants successifs ont détricotés. Rappelons nous que l'impôt sur le revenu pour la solidarité nationale est un acquis de la révolution française de 1789 ! "Aider son prochain" non, "sortir de la détresse son concitoyen" oui !

Aideriez vous un clochard alcoolique, puant et vous insultant ? Ou préféreriez vous aider la femme avec son enfant, couchés sur une couverture, serrant son bébé contre elle, un gentil chien couché à ses pieds, demandant du lait pour nourrir son enfant ? La réponse est évidente dans la majorité des cas. Pourtant, le clochard a autant le droit de vivre que la femme. Mais le regard moralisateur est passé dessus. Ouste le poivrot, aidons la pauvre mère en détresse !

Pourtant, en Europe, ce sont les Français qui pensent que le don est le meilleur outil pour un monde meilleur.

Corolaire de l'importance accordée à la philanthropie, l'utilité des dons ne fait aucun doute pour une majorité de Français (57%). Ceci est encore plus vrai chez les femmes de moins de 35 ans et 25-34 ans pour qui « même s'il n'y a pas de concertation collective, les gestes que l'on peut faire chacun individuellement sont vraiment utiles pour construire un monde meilleur », (pour 71 % d'entre eux, respectivement).

Et inversement, pourtant d'inspiration plus basée sur l'acte individuel et la moindre présence de l'Etat fort, les autres pays sont plus partagés sur l'utilité du don...

L'avis est relativement partagé au Royaume-Uni (50%, contre 46% d'un avis opposé) et en Allemagne (49%, tandis que 48% estiment que les gestes individuels hors du cadre d'une concertation collective sont dérisoires). En Espagne et en Italie, c'est l'opinion opposée qui prédomine : une majorité d'Italiens (43%, contre 42%) et plus encore, d'Espagnols (49%, contre 43% d'un avis contraire) estiment que « sans véritable concertation collective, les gestes que l'on peut faire chacun individuellement sont plutôt dérisoires pour construire un monde meilleur ».

Pour conclure, entre les enfoirés et le reste, nous pataugeons dans une économie malsaine de la réparation de la faute originelle, basée sur la faute individuelle et non collective, baignée de moralité rampante...

Beurk !

Les sommes importantes dont les grands philanthropes font don à des associations ou à des œuvres n'impressionnent guère : 61% des Européens estiment qu'au travers de ces dons, les grands philanthropes ne font que « leur devoir, compte tenu de leur fortune », et le font « avant tout comme une opération de communication pour améliorer leur image » (77%).

Fin des hostilités !


[1] Ca, c'est méchant ! :)

[2] Lui, il doit les payer, mais ne veut plus en payer !


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