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Seul dans le noir

Par Nicolas S.
Seul dans le noirJe viens tout juste de finir la lecture du dernier roman de Paul AUSTER paru en français : Seul dans le noir. Un aller/retour en voiture, quatre heures de route et hop ! Avalé.
Avalé bien vite, pas dévoré non plus. L'histoire principale est celle d'August, 72 ans, écrivain sans ambition et sans gloire. Il a recueilli chez lui chez lui sa fille Miriam, 47 ans et sa petite-fille Katya, 23 ans. Tous trois sont des blessés de la vie, mais ce monde étrange continue de tourner.
August, c'est lui qui est seul dans le noir. Pendant que Miriam et Katya dorment à l'étage, lui reste assis avec sa jambe en vrac, il a pour compagne l'obscurité du dedans, ses hantises, son désir aussi que Katya se sorte du pétrin. Il se prend pour Dieu et doit savoir que l'un des deux fut sauvé, probablement.
Les premières lignes et les premières pages sont écrites dans un style très épuré. Le texte avec sa ponctuation est mélodique, presque incantatoire. J'avais entendu Paul Auster faire la lecture de ces premières pages à la radio et je dois avouer que cela m'avait hypnotisé. J'avais filé aussitôt acheté le bouquin.
Cette tension stylistique va de pair avec la construction rigoureuse de l'action principale, celle qui nous raconte l'histoire d'August, de Miriam et de Katya. De Sonia, de Titus, de Virginia Blaine pourquoi pas... mais la tension se relâche, trop vite à mon goût, et nous voilà entraînés dans un monde parallèle où les Etats-Unis d'Amérique se livrent une guerre civile. Un monde qui n'existe que parce que Giordano Bruno a déclaré qu'il pouvait exister. Un monde qui n'existe que dans la tête d'August Brill.
Chaque personnage est attachant, y compris les personnages inventés par August Brill : Brick, Flora, et la fameuse Virginia Blaine. Et puis Paul Auster en fait de belles personnes, avec tous leurs défauts et leurs blessures et leurs espoirs déçus. De fait, Paul Auster mêle ici tous les ingrédients qu'on aime retrouver dans ses romans : la confrontation des générations, l'idée d'un homme qui arrivant à la fin de sa vie dresse une sorte de bilan, l'expérience du deuil raconté avec une sorte de bienveillance au regard de la vie, l'idée que la réalité est illusion, ou bien qu'il y a plusieurs réalités coexistant ensemble, et que certaines personnes ont l'étrange pouvoir de glisser de l'une à l'autre. Et puis Brick est magicien, le petit nom d'August est Augie... on se sent en terrain connu, même quand on n'a pas tout lu de l'auteur.
Il n'empêche : voilà Paul Auster obnubilé par le 11 septembre 2001 et la guerre en Irak, par les prises d'otages et les décapitations retransmises sur Internet... Je ne suis pas sûr que ces sujets soient ceux qu'il maîtrise le mieux et, s'ils peuvent donner lieu à une œuvre littéraire, je suis à peu près sûr qu'il ne faut pas se contenter d'adopter à leur égard le simple point de vue du spectateur, ni susciter du même coup la compassion du lecteur pour les victimes. Si Paul Auster se rendait à Bagdad ou à Kaboul pour renverser le point de vue et nous raconter avec le même talent de romancier la vie de trois générations irakiennes ou afghanes bouleversées par exactions de l'armée américaine, cela m'intéresserait beaucoup. Pour le moment, il garde les deux pieds sur le sol américain et sa critique de l'administration Bush reste convenue et superficielle. Je connais assez peu Paul Auster et son œuvre, mais j'ai l'impression qu'il se sent obligé de témoigner de ces conflits de civilisation, et pour ma part je trouve dommage qu'il ne veuille pas rester à l'échelle individuelle, où il excelle.
182 pages, éd. Actes Sud - 19,50 €

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