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Mangez-le si vous voulez

Par Madame Charlotte

teuleAuteur: Jean Teulé
Éditeur : Julliard
1ère édition : 2009
Nb de pages : 144
Lu : mai 2009
Ma note:
3-5

4ème de couverture
Nul n’est à l’abri de l’abominable. Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys, jeune aristocrate périgourdin, sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye, le village voisin. C’est un jeune homme plaisant, intelligent, aimable et bon. Il arrive à quatorze heures à l’entrée de la foire. Deux heures plus tard, la foule devenue folle l’aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé. Comment une telle horreur est-elle possible ?

Mon avis
Encore un fruit de mon escapade à Montpellier. Mais celui-là je l’avais prévu dans ma liste. J’avais adoré Le magasin des suicides et je comptais bien retrouver un jour la plume de Jean Teulé, et ce fut donc l’occasion, car son nouveau livre m’a de suite interpelée dès que j’en ai eu vent.

Le récit est court, se lit vite. Le style est toujours aussi agréable et le ton employé délicieux ! Pour les amateurs d’humour et pince-sans-rire comme moi c’est un petit bijou. Comment raconter un événement monstrueux avec humour et détachement, sans pour autant en occulter l’horreur et la barbarie ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais Jean Teulé le sait lui, il y arrive même très bien le bougre !
J’avoue, j’ai ri quand le pauvre Alain de Monéys échappe momentanément à ses agresseurs en furie, sa fuite m’a fait rigoler, si si, je n’ai pas honte de le dire, c’est carrément poilant.

Ci-dessous un bref spoiler sur ce moment de l’histoire :

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La naïveté de la victime, qui pendant un bon moment continue d’appeler ses agresseurs “ses amis” et tente de leur faire entendre raison, est touchante. La situation est absurde, une phrase mal interprétée, donc le 36ème degré échappe à tout le monde, entraine un déchaînement populaire dont la violence n’a d’égale que la bêtise et l’aveuglement général. De Monéys a malgré tout quelques amis qui ne tombent pas dans la folie ambiante et tentent de le sauver. Je ne tuerai pas le suspens en disant que leurs efforts seront vains et qu’ils devront assister, impuissants et consternés, à sa mise à mort. Situation absurde donc, révoltante, crispante. Ces paysans mal embouchés, on a envie de leur en mettre une. Les dialogues sont redoutables, quasi-surréalistes, les agresseurs ne manquent pas d’humour mais ne le savent pas, leur insistance à refuser d’admettre leur “bévue” est troublante, elle en deviendrait sublime sans ses conséquences tragiques. Plus le pauvre Alain avance dans son chemin de croix, plus on découvre l’étendue de leur abrutissement. Chaque chapitre propose d’ailleurs un plan de son itinéraire, histoire de suivre sa progression à travers le village.

Sécheresse, misère et défaite impériale face à l’ennemi prussien, il n’en faut pas plus pour court-circuiter les esprits les plus paisibles. Ce qui frappe dans ce fait divers historico-ethno-socio-psychologique, outre la violence sans borne, c’est le nombre de personnes impliquées. L’effet de masse, l’émulation collective atteignent des sommets d’efficacité. Face à ce raz-de-marée humain Alain de Monéys n’a pas la moindre chance, il doit payer pour tout et tout le monde. Au procès, on ne jugera que quelques meneurs, mais suffisamment pour remplir toutes les cellules de la prison qui n’en compte que vingt-et-une.
Une lecture percutante, une écriture fine et intelligente, un maniement de l’humour noir superbement maîtrisé.

Extrait cruel :

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