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Sylvain Chauveau, sixième

Publié le 31 mai 2009 par Irigoyen
Sylvain Chauveau, sixième

Sylvain Chauveau, sixième

Cet opus a été composé pour « Au nombre des choses », un spectacle de danse produit par Compagnie Mi-Octobre / Serge Ricci. J'ai jugé utile de mettre cet album en regard du dernier, « Touching down lightly », tant ces deux travaux me semblent traduire une évolution vers l'abstraction, l'épure totale, un peu à la manière d'un Morton Feldman. Si je fais référence à ce compositeur, ce n'est pas sans raison. Une page internet est consacrée à ce compositeur américain mort en 1987. Elle est tenue par un certain Chris Villars dont on peut apprécier le travail de peintre ici-même (>Lien). Peintures qui ne sont pas sans rappeler la pochette de « S » précisément. La démarche de Sylvain Chauveau était-elle intentionnelle ou non ? Faut-il y voir une filiation ? Je l'ignore, mais laissons cela pour le moment pour mieux entrer dans « S ».

« Composition 8 » marque le début de ce voyage. Il y a d'emblée quelque chose d'inquiétant ici. Pas de piano, pas d'autres instruments à cordes. Bienvenue dans l'étrange, dans une ambiance sonore inhabituelle. Les premiers instants déroutent, surtout si l'on a, en tête, les précédentes compositions de Sylvain Chauveau. Rien ne semble venir à intervalles réguliers. L'auditeur est donc plongé dans une situation d'attente. Surprise: surgissent maintenant quatre notes jouées à la guitare, un homme parle mais il est presque trop tard pour se demander ce qu'il a dit. L'introduction ressemble à la conclusion, comme si la boucle était bouclée. Comme s'il s'agissait d'insister sur la notion d'un espace clôt.

Les autres plages ont toutes des noms courts, voire ne possèdent qu'une lettre. Voici « P » - que l'on pourrait d'ailleurs prononcer « Pé » ou, de façon plus sourde, « Pe » à la manière d'un enfant qui apprend à reconnaître les lettres -: un morceau dont la fin n'en est pas vraiment une. Ou bien si à condition d'accepter que les dernières notes s'évadent, comme quelqu'un qui ne mettrait pas un point final à son récit. La démarche ajoute d'ailleurs au sentiment d'étrangeté que dégage cet opus. J'ai l'impression d'être ici dans un monde futuriste, impression renforcée à l'écoute des morceaux suivants, « E/R », « N » et « A ».

Sylvain Chauveau, sixième

Voici donc la dernière livraison de Sylvain Chauveau. Elle se compose d'un seul et unique morceau d'un peu plus de 47 minutes qu'il n'est bien sûr pas interdit d'écouter d'une traite ou par bribes.

Son compositeur poursuit donc, à mon sens, un virage musical entamé avec « S ». Chaque seconde qui passe est une surprise. Surprise parce que nos oreilles, que nous le voulions ou non, sont énormément habituées à des choses plus cadrées, plus structurées, un peu à la manière de certains films actuels qui ressemblent davantage à des clips produits pour des publicitaires soucieux de pouvoir y insérer un slogan pour une marque de lessive qu'à une œuvre sérieuse, pensée, menée à son terme par une seule volonté artistique.

Le musicien nous donne ici l'impression d'être dans l'improvisation totale, tout en sachant où il veut aller. Les espaces sonores non remplis – ou si peu que leur audition en est rendue difficile – sont légion. Mais l'épure est au service d'une production tout en subtilité, aérienne, déroutante, expérimentale.

Si vous en doutiez encore, Sylvain Chauveau a décidément plus d'une corde à ses instruments. Il semble faire ce qu'il veut du temps qui lui est imparti. Et c'est tant mieux pour tous ceux qui ne demandent qu'à être propulsés dans des univers sans balise.


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