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Le mécontentement de l’exposition sans laboratoire

Publié le 30 mai 2009 par Gregory71

Le mécontentement qui parfois s’exprime dans le champ des arts visuels et numériques, est en partie le fait d’artistes déçus de ne pas recevoir une reconnaissance comme réponse à l’énergie dépensée. Ce fut le cas à toute époque et si la notre semble provoquer une frustration plus grande c’est sans doute du fait de l’augmentation quantitative du nombre d’artistes et de la difficulté à les diffuser. Mais il y a, il faut bien le reconnaître, une autre part qui explique ce mécontentement. Sans doute, les lieux d’exposition ont-ils perdus au fil du temps leur vocation de laboratoire et ne tentent-ils plus rien, ou presque. Ceci marque, depuis les années 90, une certaine congruence entre l’art contemporain et l’art académique: des formes plastiques apparaissent, se répandent, d’artistes en artistes, c’est comme on dit l’air du temps, ce sont des citations et puis ensuite des citations de citations, hommage à une problématique institutionnelle? ou n’est-ce pas plutôt là de l’académisme? Quelle est cette récurrence des formes? Ce sentiment de déjà-vu mainte fois expérimenté dans des expositions, est-il le symptôme de notre époque ou le signe d’une certaine manière de faire, et de faire avec le pouvoir?

Il faut bien comprendre la difficulté des commissaires à exposer des oeuvres aux statuts incertains. Depuis plusieurs années, ils sont attaqués de partout, par les artistes, par les médias, par les financeurs, etc. Ils sont donc sur leur garde, essayent d’être dans le coup, de rester dans l’air du temps, de suivre quelque chose qu’ils ont, pas tous bien sûr (je pense à Hans Ulrich Obrich), du mal encore à penser. D’ou sans doute ces formes si convenues, si répétitives dans le champ de l’art contemporain, qui nous semblent aller de soi mais qui ne sont que des prétextes, peut être, à un langage de pouvoir. D’ou aussi sans doute cette difficultée à se plonger dans ce qui pourtant tisse leurs expériences quotidiennes et jusqu’à leurs difficultés à sélectionner, à penser, à naviguer dans ce magma d’oeuvres et d’artistes, de noms et d’images. Je veux parler du flux, des flux qui sont indissociablement anthropologiques, esthétiques et technologiques. Peut-être Georges Didi-Huberman, qui semble à bien des égards un peu éloigné de ce qu’il a de contemporain en art, sans doute par simple précaution, par manque de temps et par une certaine méticulosité intellectuelle, peut-être donc est-ce lui avec la manière dont il développe les concepts de montage (à la suite de la revue Documents de Georges Bataille) et d’atlas (à la suite des travaux d’Aby Warburg), qui est conceptuellement le plus proche de ce qui est en train d’advenir et qui nous offre les armes pour les penser même si lui, de son côté, les laisse impensé.

Dès lors la question de l’introduction de l’art dit numérique dans le champ de l’art contemporain est mal posée. Elle suppose que le second champ est constitué, stable, assuré, alors même qu’il est en crise et que celle-ci détermine de part en part sa relation à d’autres domaines. Il faudrait donc revenir à un entrelacement entre l’exposition et le laboratoire, mais un laboratoire dont le modèle ne serait pas scientfique, simplement productif. Se demander donc, à la suite de Luciano Fabro, qu’est-ce que tente une exposition? Quel possible ouvre-t-elle?


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