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L'anonymat, pour quoi faire ?

Publié le 31 mai 2009 par Roman Bernard
Le blogueur chiraco-villepiniste Reversus m'a « tagué » dans une énième « chaîne » portant sur la question récurrente de l'anonymat des blogueurs.
Reversus note que je suis un blogueur public, et que, au contraire de l'immense majorité des blogueurs politiques, j'écris sous mes véritables prénom et nom (Roman Bernard). Lorsque j'ai récemment lancé mon « appel à rédacteurs pour Criticus », j'ai imposé comme condition sine qua non que les nouveaux contributeurs de ce blog dévoilent leur identité réelle. J'ai depuis transigé avec cette condition, notamment dans le cas de « Loïck », rédacteur à Riposte laïque. Mais je voulais signifier par là que je suis opposé à l'anonymat sur la Toile, qui permet à certains pleutres lâchement terrés dans l'anonymat de diffamer ceux qui comme moi ont le courage de leurs opinions politiques.
En dépit de ce risque, je persiste à préférer bloguer sous mon nom véritable, le blog constituant pour moi une expérience de la prise de parole publique. Puisque je nourris, à plus ou moins long terme - mais j'ai le temps... - une ambition politique certaine, je me dois d'assumer dès aujourd'hui les positions qui sont les miennes.
Ces positions, libérales-conservatrices, ne sont pourtant pas les plus répandues dans les médias, blogosphère comprise. D'où un étonnant paradoxe : je note une corrélation négative entre le conformisme des blogueurs politiques et leur courage à assumer leurs propos. Et, à l'inverse, je remarque que, outre moi-même, des blogueurs comme Juan Asensio, Gabriel Bendayan, Franck Boizard, ou Didier Goux, qui ne passent pour les plus « bien-pensants » de la blogosphère, bloguent à visage découvert.
On peut se demander pourquoi des blogueurs, de gauche ou de cette droite socialisante et étatiste qui est la seule que la gauche reconnaisse comme républicaine*, tiennent tant à leur anonymat alors qu'ils ne font, en somme, que faire écho à la doxa.
Certains, comme le Chafouin (Pensées d'outre-politique), arguent de motifs professionnels : le Chafouin ne voudrait pas engager son employeur (un journal de la presse quotidienne régionale) par ses opinions (conservatrices).
Cet argument est éminemment spécieux : soit le blogueur n'a aucun réel engagement politique, et alors ses opinions ne comptent aucunement, soit il est un militant, un activiste, et son militantisme engage alors son existence entière. Cet argument du conflit d'intérêts me semble donc dissimuler, outre une certaine couardise, un manque d'ambition intellectuelle. Si l'on tient vraiment à ce que l'on écrit, on en est fier.
C'est parce que je suis fier de ce que j'écris que je tiens à ce que l'on sache que je suis l'auteur de Criticus. J'ai très tôt pensé que la rigueur rédactionnelle de mes billets constituerait une référence bien plus probante qu'un CV ou press-book.
Je ne m'étais pas trompé, puisque mes deux dernières expériences professionnelles ont été possibles grâce à mon blog. Sans Criticus, peut-être serais-je réduit au chômage.
Le deuxième argument pour justifier l'anonymat du blogueur est celui de la sécurité.
Mon ami Lomig, qui bloguait au départ sous son vrai nom, s'est inquiété des conséquences que pourraient avoir ses prises de position (courageuses) sur l'islamisme. Outre que les miennes sont les mêmes (à cette différence près que je différencie l'islamisme de l'islam), et que je ne me sens pas en danger - je fréquente un certain nombre de musulmans connaissant mes options et qui ne m'en ont jamais tenu rigueur -, je trouve illogique que l'on appelle à la « lucidité », à la « vigilance », alors que l'on n'ose pas afficher son vrai nom. Si l'on n'assume pas sa véritable identité, comment, en situation de crise, aura-t-on le courage d'agir contre le péril dont on prétend alerter nos concitoyens ?
J'ajoute que, sur ces questions délicates, le fait de donner son identité réelle est un gage de modération. Puisque la liberté d'expression qui nous est permise sur la Toile (pour l'instant) implique une responsabilité - il faut être capable de répéter dans la « vraie vie » ce que l'on écrit sur son blog -, le propos du blogueur responsable car non-anonyme doit être empreint de nuance, de retenue et de rigueur.
Je ne vois donc, cas particuliers mis à part - hauts fonctionnaires soumis au devoir de réserve, opposants politiques dans des États dictatoriaux - aucune justification sérieuse à l'anonymat. Je vois au contraire dans celui-ci le risque que de nouveaux Marat, n'ayant pas, grâce précisément à leur anonymat, à craindre la lame vengeresse d'une nouvelle Charlotte Corday, appellent à la violence physique sur leurs adversaires en toute impunité.
Roman Bernard
Les Deux Républiques françaises, de Philippe Nemo

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