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Les solutions d’un enseignant aux violences scolaires

Publié le 02 juin 2009 par Soseducation

T. D., enseignant, a préféré garder l’anonymat. Il témoigne des violences en milieu scolaire et propose des solutions.

Comme je l’écrivais précédemment, les violences scolaires sont bien évidemment liées au manque d’éducation de ces jeunes. Beaucoup trop de parents ont démissionné – parfois très tôt – de leur rôle qu’ils n’ont parfois jamais réellement pris au sérieux. J’estime personnellement qu’il faut mettre face à leurs responsabilités ces parents démissionnaires. Cela m’apparaît comme étant l’évidence même. De quelle manière ? La suspension, la diminution, voire la suppression des allocations familiales doit être mise en application. Cette possibilité avait été supprimée en 2004 au profit d’un «dialogue suivi» avec les parents. Le «dialogue suivi», c’est bien mignon au pays de Candy, mais en Seine-Saint-Denis et dans d’autres coins chauds, on s’aperçoit vite que ses limites sont rapidement atteintes et que, bien souvent, on nous prend pour des billes – j’entends déjà grommeler les bonnes âmes charitables qui se refusent comme toujours à toute idée de sanction.

Prenons l’exemple de la sécurité routière, le nombre des personnes tuées sur la route a diminué de manière très significative en frappant l’automobiliste irresponsable au porte-monnaie – avec parfois du zèle, je le reconnais, mais à combien estimez-vous la vie d’un conducteur ? Les résultats sont là. Face aux irresponsables – car je le répète, ce sont des parents irresponsables, ceux-là mêmes qui laissent traîner leurs gamins tard le soir, les laissent affronter la police, ne s’intéressent pas du tout à leurs études, s’étonnent ensuite de les retrouver au commissariat – il n’y a pas 50 solutions, il faut taper là où ça fait mal. Ce serait déjà une bonne partie du travail disciplinaire d’accompli.

Ensuite, la violence à l’école est aussi liée au sentiment d’impunité qu’ont les enfants au sein des établissements, parfois même très tôt dans leur scolarité pour certains d’entre eux. Alors, cela commence par de petites bêtises, puis ces petites bêtises deviennent progressivement de grosses puis de très grosses bêtises car l’élève sent qu’il peut se le permettre.

Alors, comment y remédier ? Selon moi, cela passe par trois points :

- Le recrutement des surveillants : certains sont des «copains» de la cité pour les élèves, ils les laissent tout faire. D’autres font 1,20m les bras levés et n’ont pas les épaules nécessaires pour faire respecter la discipline dans un établissement.

- Les règlements intérieurs : je suis favorable à une uniformisation des sanctions disciplinaires à tous les établissements de France. Il devrait y avoir une grille commune des sanctions et les élèves doivent savoir que tel type de comportement déviant sera immédiatement pénalisé par tel type de sanction, que ce soit ou non en ZEP. En effet, dans les établissements difficiles, on en est arrivé à sanctionner de trois jours d’exclusion un élève qui insulte un professeur. D’une part, cette sanction lui fait plaisir, car il sera tranquillement chez lui (les exclusions temporaires, voire les heures de colle, devraient être supprimées au profit des travaux d’intérêt général obligatoires), d’autre part cet acte devrait, en toute logique, être sanctionné d’un conseil de discipline (ce qui est le cas dans beaucoup d’établissement, notamment ceux où je suis passé étant élève, il n’y a pas si longtemps…). Nous en sommes arrivés à tolérer des choses intolérables, à élever notre seuil de susceptibilité. Tout cela m’irrite au plus haut point. Les règles devraient être partout identiques. De la même manière, il faudrait supprimer les quotas des conseils de discipline, qui n’ont aucun sens.

- Point sensible, le recrutement des enseignants : corde sensible, sujet tabou, mais il faut bien admettre que beaucoup trop de professeurs ont peur de leurs élèves, c’est fou ! Certains achètent la paix sociale avec des bonnes notes, d’autres se refusent à établir la discipline, ne s’opposent pas à leurs élèves quand cela serait pourtant nécessaire, les laissent tout faire en permettant tout et n’importe quoi, que ce soit dans leur classe ou dans l’enceinte de l’établissement. C’est une réalité qu’il faut bien admettre : les savoirs, la maîtrise des connaissances ne suffisent plus au métier d’enseignant et cela devrait être pris en considération. Il ne s’agit pas seulement d’établir des règles, il faut aussi des gens qui aient le courage de les appliquer et de les faire respecter.

A côté de ces mesures pour lutter contre l’impunité des élèves, je pense qu’il faut aussi prendre en considération d’autres paramètres :

- La violence est aussi trop souvent liée au manque d’épanouissement de l’enfant, notamment dans les lycées professionnels où les élèves sont envoyés dans des «filières poubelles». On cherche à s’en débarrasser au collège en les envoyant en vente action marchande, en comptabilité… En sachant pertinemment que ces filières sont bouchées et sans réel avenir. Ces choix sont bien souvent réalisés par défaut, les gamins n’ayant pas de vrai projet professionnel et ayant conscience du fait que leur orientation ne correspond pas réellement à ce qu’ils voudraient faire dans la vie et qu’après leur bac professionnel, ce sera le chômage. Alors ils s’ennuient, embêtent le monde, font n’importe quoi… Il faut une vraie réforme du système d’orientation scolaire des élèves (et, dans ce cas précis, il est vrai, peut-être plus de moyens), c’est très important. Un élève perdu, démotivé, qui n’a pas d’objectif dans la vie (et qui est un peu fragile psychologiquement) est amené à faire n’importe quoi (violences verbales comme physiques).

- Les violences se déroulent également bien souvent juste devant les établissements scolaires (bandes, racket, règlements de compte…), à proximité immédiate de nos locaux. Alors, en effet, dans ce cas précis, je pense que la présence de forces de l’ordre (pas forcément des policiers) peut être envisagée. Les incidents qui se déroulent devant les établissements n’ont jamais réellement été traités comme ils auraient dû l’être.

- Enfin, dernier point, je pense que les violences physiques et verbales en classe et la démagogie ambiante sont liées. Le passage en classe supérieure est très important pour nos élèves et le fait que ce soient eux et leurs parents qui trop souvent décident ou non de ce passage est inadmissible. Seuls les enseignants devraient conserver ce pouvoir. Leur retirer fut une terrible erreur. Sans cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête, les élèves se disent : «Pourquoi travailler, pourquoi me tenir convenablement en classe alors qu’en fin d’année, c’est moi qui décide ou non si je passe ?». Rendons aux seuls enseignants ce pouvoir et, dès lors, le comportement de nombreux élèves changera du tout au tout.


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