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Carnets d’oflag - Georges Hyvernaud

Par Zorglub

Carnets d’oflag - Georges HyvernaudPrésentation de l’éditeur :
"Serait facile, amusant, de tracer de tout cela des croquis vifs, colorés. Retenir les anecdotes, le côté pittoresque. Ce ne me sera pas possible. Exprimer au contraire la vérité, c’est-à-dire la pauvreté de cette vie en apparence amusante - amusante à la manière des "scènes de la vie de garnison". […] C’est la première chose à éviter, le pittoresque. Et la seconde : le lieu commun. On va dire ce qui pourrait, ce qui devrait être : la purification par la souffrance - le sens de la communauté né de la misère commune. Mais je n’ai pas vu cela. Juste le contraire. Et je dirai le contraire."  Au camp, matriculé, quand le kg fatal enduit de sa peinture blanche la surface de la capote de prisonnier, que faire ? Attentif à nous laisser des médaillons cinglants et acerbes qui cisèlent la silhouette de ses codétenus et à la fois soucieux d’envisager la vie du troupeau dans son ensemble, le regard d’Hyvernaud passe du gros plan ravageur au plan large, et zoome en permanence de la trombine au baraquement. Il ne pourrait y avoir là que des croquis, des couleurs pittoresques et franchouillardes d’un vécu carcéral où l’héroïsme bravache s’allie à la débrouille pour la plus grande victoire de l’ingéniosité nationale. Certes non. Il y a l’œil Hyvernaud, un œil froid, tranchant et impitoyable, qui ne laisse de l’homme que l’homme.

Ici se trouve dactylographié les carnets d’oflag d’Hyvernaud  qu’il a noircis dans les différents camps de prisonniers où il a « séjourné » lors de ses cinq années de détention. Une somme éclectique de portraits de codétenus, de conversations entendues, de listes de lecture, de résumés de lecture, de citations d’écrivains, de poésie, de chansons de garde… Des instantanés de vie souvent confus, car sortis de leur contexte. Mais toujours le verbe acerbe d’Hyvernaud et une acuité sans faille. Les deux derniers textes justifient largement l’achat du livre : Libération du camp de Soest (quand les Américains libèrent le camp où Hyvernaud est fait prisonnier)  et Lettre à une petite fille (Lettre à sa fille de huit ans qu’il n’a pas vue depuis cinq ans).

« Le sens de la vie : un problème que les pauvres, les gens qui crèvent de faim, les gens de fatigue et de peine, ne se posent guère. Il y faut du loisir. Quand on a à gagner sa vie, on est comme un homme dans un fleuve – il s’agit seulement de ne pas couler. » p.118

« Obligés de constater qu’ils sont vides. Toute leur vie était employée à le dissimuler – ce qu’ils appelaient leur vie, cette agitation entassée dans chaque journée. Et les autres aussi, les employés, les collègues, la famille, les aidaient à ne pas s’en apercevoir. Mais ici l’illusion n’est pas possible. Il faut bien se voir comme on est : nu, nul. L’épreuve vous révèle à vous-même. Une expérience qu’il est préférable d’éviter !… Pour ce qu’on trouve !… » p.139

« Trois buts du roman : raconter une histoire – se raconter – exposer des idées sur l’homme et le monde. » p.195

« Tourner en rond… On ne fait pas autre chose dans la vie, dit A. On ne fait pas autre chose dans l’enfer, dit B. » p.195

«[…] Impression aiguë de vulnérabilité ; comme c’est tendre et exposé, un corps d’homme ! […]» p.219

«[…] On s’en fiche bien qu’ils mettent le feu. Pas de victoire sans une crise de désordre. » p.228

«[…] Il est juste qu’une fois au moins dans sa vie chacun éprouve réellement la cruauté du monde. Qu’il touche le fond. C’est un droit qu’on a, le droit de savoir combien c’est dur à mener, combien c’est difficile et dangereux, l’aventure humaine. […] » p.242

«[…] On se demande pourquoi on tient. Parce que je ne suis pas seul, dit l’un. Et l’autre, et ce pourrait être le même : parce que l’homme est un être qui ne lâche pas. On tient pour rien, comme ça, parce qu’on est homme. » p.247

Editions  Le Dilettante - 250 pages


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