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Art réel, Mondes virtuels : Patrick Moya, un artiste sur Second Life.

Publié le 13 juin 2009 par Red-Act | Concepteur | Rédacteur | Alsace @red_act

Présente-t-on Patrick Moya ? L’exercice est difficile, car plus que présenter un artiste, il faut en général le rencontrer. Présenter, c’est ainsi en art comme en nouvelles technologies, déformer, traduire. Autant de raisons pour vous inviter à lire cet entretien avec un pionnier de l’art sur Second Life avant d’aller découvrir vous-même l’un des îles qu’il occupe dans le métavers.

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Photo : Jean-Charles Dusanter

(Photo © jch dusanter )

Red-Act : Patrick Moya, les Strasbourgeois eurent l’occasion de vous découvrir à St’art, le salon d’art contemporain de la capitale européenne où vous présentiez, dès 2007, un certain nombre d’œuvres d’art réelles, mais surtout d’autres exposées sur l’une de vos îles situées dans les mondes virtuels. Pour l’occasion, vous présentiez, en fait, Second Life en live. Comment vous est venue cette idée de conquérir une nouvelle dimension ?

Patrick Moya : J'ai commencé par travailler sur un ordinateur avec le Thomson MO5 dans les années 80 pour créer mes premières images numériques puis j'ai utilisé Cinéma 4D pour les images de synthèses. J’avais créé avant Second Life un petit univers Moya en 3D dans lequel j’avais tenté de vendre des œuvres virtuelles dont le collectionneur était censé conserver une trace grâce à un film sur CD car je n’avais pas les moyens techniques de rendre l’univers accessible en direct.  Donc tout naturellement je me suis précipité dans Second Life car c'est ce dont j’avais rêvé: un univers où l'on peut tout créer soi même et à la fois accessible pas tous en direct. 

En plus, je rêve depuis mes études à la villa Arson à Nice, de1970 à 1973, de devenir une créature plutôt qu’un créateur – mes premières tentatives ont consisté à me mettre en scène en direct dans une pseudo émission de télévision, retransmise d'une camera vidéo noir et blanc de l’époque à un moniteur qui se trouvait dans un amphithéâtre. Cette expérience avait pour but d'enlever toute possibilité d'histoire de l'art et de superposer l'image de la créature sur celle du créateur sans laisser le temps au créateur d'apparaître. 

Avec Second Life je suis enfin devenu la créature à l’intérieur de l'œuvre – je vis dans mon œuvre, j'y travaille presque la moitié de mon temps et j'y habite.

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Aujourd’hui, vous avez plus que jamais investi avec plusieurs sims, un musée virtuel et vous cheminez sous la forme d’un avatar. Vous êtes aujourd’hui l’artiste mondialement connu le plus présent dans cet univers. Second Life constitue-t-il pour vous un nouveau média, un nouveau monde ou un moyen d’exprimer encore plus votre personnalité

Patrick Moya : Comme tout nouveau média, il est une étape de plus dans le rapprochement de l'artiste et du spectateur mais aussi dans l'immersivité de plus en plus grande du spectateur dans l’œuvre (si on peut encore parler d’œuvre) et bien sûr dans l’ubiquité, instantanéité entre la création et sa diffusion.

Justement, si vous deviez vous définir. Que diriez-vous de vous ?

Patrick Moya : Je ne suis pas un peintre ou un sculpteur ni un artiste d'art contemporain mais simplement un artiste. Mon travail ne consiste pas à explorer un médium spécifique mais le médium en général. Donc tout média est intéressant pour moi – j'ai été un lecteur assidu de Marshall Mac Luhan et toute ma réflexion pendant mes études d’art est partie de là : le message c’est le médium. L'art évolue plus par le médium qui le transmet que par les choix des artistes.

Concernant Second Life, quels conseils donneriez-vous à des artistes contemporains ? Doivent-ils s’emparer de SL pour le coloniser ? Doivent-ils développer des ateliers virtuels et s’y faire connaître ?

Patrick Moya : Je pense que Second life ou du moins le futur web 3D va créer ses propres artistes – pour un peintre ou un artiste qui ne traite que d'un médium particulier comme la peinture ou la sculpture ou l’installation et qui base sa réflexion uniquement sur la mise en scène de son médium, ça ne peut avoir qu’un intérêt publicitaire, comme un site internet.

Seuls des artistes qui ont déjà une réflexion sur le médium en général peuvent trouver dans Second Life non pas matière à s’exprimer mais plutôt un univers où habiter – ce n'est plus l'artiste qui est habité mais l'œuvre qui devient habitée par l’artiste…..

On sait que vous vivez à Nice où l’on peut également croiser Ben Vautier. Si vous ne l’avez pas encore décidé à venir sur Second Life, vous hébergez par contre Christian Sinicropimoya, le chef deux étoiles du restaurant La Palme dOr de l'hôtel Martinez à Cannes dans son espace de réflexion (sa cuisine virtuelle), là encore, est-ce un happening, y’at-il un message plus profond ?

Patrick Moya : J'ai rencontré Christian Sinicropi car il m'a choisi pour l’une des 100 couvertures, pièces uniques d’artistes réalisée pour le centième numéro du guide Michelin : c’est un passionné d'ordinateur et aussi de 3D comme moi.

A la suite de notre rencontre, il est tombé dans Second Life au point que c’est maintenant lui qui construit sa cuisine virtuelle ou plutôt son espace de réflexion – il est souvent là le soir très tard pour peaufiner et quand j’ai des visiteurs, on monte le voir dans sa cuisine. 

L'autre jour, il était à Moscou pour un festival culinaire mais il a réussi à venir quand même sur SL depuis sa chambre d'hôtel. C'est effectivement un nouveau type de happening mais par contre je ne me pose pas la question du message. 

L'art est un cas d'école mais il n’est pas fait pour éduquer ni pour dire quelque chose d'utile – il dit simplement comment un homme, en l'occurrence l’artiste, passe à travers un médium, dans ce cas Second Life. 

Peu importe que ça soit intéressant ou non – c est au professeur de transformer ce cas d'école en message. Pour certains, ça sera négatif et pour d’autre positif.

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Entre Nice, votre atelier et SL, trouvez-vous encore le temps de créer ? Quelle sera votre actualité des prochains mois ?

Patrick Moya : Mon personnage peint est né de la 3D. Ses formes sont celles qui étaient possibles avec un logiciel 3D du moment. Ensuite, j'ai repris le personnage en peinture avec le style de lumière de la 3D et ce que je fais en peinture a souvent un rapport avec mon travail sur d’autre médium. Mais je peins moins depuis SL - je me force quand même, surtout pour des raisons financières, car posséder plusieurs sims a un coût qui finit par dépasser le loyer d’un appartement – Heureusement, on a plus de place et j'ai quelques partenaires comme l’hôtel Martinez ou les montres suisses Saint Blaise qui m’apportent un soutien financier.

Et depuis quelques jours, la Franco-Anglaise d'assurance qui est à Nice et Monaco, me sponsorise deux nouvelles iles pour créer un nouvel univers.

Concernant l'actualité, je prépare plusieurs expositions simultanées à Marseille en octobre dont une partie parlera de Second Life puis en novembre à Metz à la Shimoni gallery puis à Monaco (festival international du cirque), et des interventions à Monaco, Zurich et peut être Hong-Kong.

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On fête cette année l’anniversaire de la disparition de Salvador Dali ! Pensez-vous que s’il était vivant, il aurait aimé Second Life ?

Patrick Moya : Dali certainement car il a beaucoup réfléchi sur les moyens techniques d'entrer dans les images - la vision binoculaire et les hologrammes -  donc sur les possibilités de dépasser les limites de l'image peinte.

Vermeer aussi aurait aimé Second Life : c’est en quelque sorte une camera obscura géante dans laquelle l’artiste peut se promener.

Lorsque Vermeer représente pour la première fois l'artiste de dos dans l’œuvre, il préfigure l'entrée de l’artiste dans l’image …

Entretien exclusif réalisé pour Red-Act. Libre de Droits sous réserve de la mention de la source et de liens vers celle-ci et les sites de l’Artiste.


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