Magazine

Année Sacerdotale - Entretien avec Monseigneur Massimo Camisasca

Publié le 19 juin 2009 par Walterman


Année Sacerdotale - Entretien avec Monseigneur Massimo Camisasca


Entretien avec Monseigneur Massimo Camisasca

Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale

des Missionnaires de Saint Charles Borromée

 

Monseigneur Camisasca, vous êtes Supérieur d'une Fraternité de prêtres missionnaires. Comme tel, vous vivez à Rome et vous y habitez. Ce n'est donc pas un endroit « missionnaire ». Que signifie donc pour vous être missionnaire ?


   La Mission n'est jamais définie par le lieu où l'on vit ; on n'est pas missionnaires seulement si l'on va en Afrique ou en Chine. On peut l'être aussi en restant à Rome ou à Bologne. Loin d'être définie par une distance géographique, la Mission chrétienne est, en définitive, une position de notre être.

   Ma mission aujourd'hui me pousse avant tout au rapport avec les prêtres que Dieu m'a confiés : à ressentir leur vie comme partie de ma propre vie. Je désire les rencontrer, les écouter, leur parler, leur consacrer mon temps et mes énergies, chercher à exprimer toute mon expérience de soixante ans de vie, et en particulier l'expérience de ces trente années de ma maturité, comme indication de route, comme aide pour leur chemin. Ma mission est aussi d'écouter les personnes qui viennent me trouver, en me posant leurs questions, en me parlant de leurs drames, parfois même aussi de leurs tragédies. Il me vient à l'esprit, à ce propos, l'expression par laquelle Jésus définit sa mission, une expression que je voudrais que tout ressentent dans tout ce qu'elle a de concret : « je suis venu pour les malades ».

   C'est ce qui a permis que, durant ces trente années, je voyage autant, je ressente le besoin d'écrire, de téléphoner, de prendre sur moi le poids des maisons « c'est ainsi que sont appelées les « Mission » dans le monde de la Fraternité San Carlo, ndlr.) qui me cherchaient au fur et à mesure qu'elles naissaient. Tout cela n'a pas dépendu d'un don particulier que j'aurais. La mission utilise nos talents, mais elle ne naît pas des dons que nous avons.

De quoi la mission naît-elle?


   Ma mission envers les hommes a été rendue possible par l'accueil de la mission que Dieu accomplit en moi. Le fait pour moi d'aller vers les hommes (ce qui comportait indubitablement y aller aussi par un déplacement physique, vers leurs personnes, vers leurs expériences, vers leurs attentes), a été rendu possible par le fait de Dieu qui est venu vers moi ; cela a été une continuation du chemin que Dieu a fait vers moi, pour autant qu'il soit possible à l'homme de continuer et de prendre le pas de Dieu. Pour cela, il n'y a pas, dans l'histoire, d'événement plus éclairant que l'Annonciation. En ce moment précis du temps, Dieu a marché depuis son monde sans limites et infini jusqu'à la petite pièce de Nazareth, et, depuis lors, il n'a jamais cessé de marcher vers les hommes et à travers les hommes. Ce n'est pas un hasard si Marie, après l'annonce de l'Ange, a ressenti l'urgence d'aller trouver Elizabeth. Le mouvement de Dieu vers nous, quand il est accueilli de manière authentique, engendre l'exigence d'aller vers les hommes, pour apporter l'initiative qui nous a rejoints, et ouvrir les voies qui mènent à Dieu. Il ne peut y avoir d'autre fondement de la mission dans le Christianisme et dans l'Eglise. Toute autre vision de la mission en fausse les raisons, et la fait dégénérer en une action sociale, en un activisme, ou en un protagonisme humain.

   La partie finale de l'Evangile de Jean insiste sur ce thème de l'habitation de Dieu : « Je viendrai à vous ». Jésus réalisait en ce moment-là le dernier pas de sa descente vers nous, qui était aussi le premier de son ascension : la mort en Croix. Dieu descend en nous pour pouvoir, par nous et à travers nous, aller vers les hommes.

Quels sont les moments qui décrivent le lieux, à votre avis, la rencontre entre le mouvement de Dieu qui nous rejoint et notre mouvement vers les hommes ?


   Le premier point de rencontre entre le mouvement de Dieu vers l'homme, et celui de l'homme qui devient missionnaire et apôtre, est l'écoute de Dieu. C'est là la position fondamentale que nous apprenons de Marie. L'écoute de Dieu contient une dimension de passivité, qui n'est autre que la disponibilité à nous laisser conduire. Mais l'écoute est aussi activité : tout mon être se mobilise pour accueillir Celui qui vient. Si nous relisons le chapitre de l'Evangile de Saint Luc qui raconte l'Annonciation, nous trouverons toutes ces indications.

Le premier moment de la mission vers les hommes est l'écoute de l'autre, mais cela est rendu possible dans la mesure où j'écoute et où j'accueille Dieu. Ecouter Dieu n'est pas en soi une pure passivité ni une évasion spirituelle. Cela ne veut pas dire se renfermer dans sa propre petite chambre en silence pour écouter ce que Dieu veut me dire. C'est là seulement un moment de l'écoute.

   L'écoute est beaucoup plus que cela : c'est une position permanente de la vie, c'est une demande de la manifestation de Dieu au sein de ce qui se passe. La demande « Viens, Seigneur Jésus » par laquelle se termine toute la Révélation, est la demande révélatrice de toute la position de notre être, dans lequel se trouve la signification de tout notre ministère. « Nous annonçons ta Mort, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue ». Sans la demande de sa venue à l'intérieur et à travers les choses que je fais, il n'y a pas de position vraie du cœur. L'élan original de la mission est la demande de la manifestation du Christ au sein de ce que je vis. Ainsi, l'écoute de Dieu creuse en moi un espace qui rend possible l'écoute de l'homme. Il ne s'agit pas d'une formule, mais d'une chose très concrète : écouter vraiment les hommes n'est pas facile, et parfois même, c'est pesant, et cela demande de nombreuses énergies, surtout quand cela veut dire se charger de ce qu'ils demandent. Ecouter, ne veut pas dire simplement entendre avec les oreilles, mais entrer dans un processus qui te creuse lentement. C'est seulement dans l'espace de l'écoute de Dieu que l'on peut commencer à apprendre comment écouter les hommes. Ecouter Dieu veut dire aussi se mettre sur la longueur d'onde de la plus grande proximité et du plus grand éloignement.

   Essayons de nous identifier un peu plus avec l'expérience de Marie. Pour elle, certainement, habituée à l'école de l'Ecriture, à la méditation, à la rumination continue de l'Ancien testament, l'écoute était une position normale, quotidienne. Un jour, arrive l'ange du Seigneur qui lui dit : « Tu seras la Mère de Celui qui est attendu, le Messie, auquel tu donneras le nom de Jésus parce qu'il est le Sauveur ». Elle répond alors : « Comment cela est-il possible ? Joseph et moi nous avons décidé de ne pas avoir de rapports, d'être ce point nouveau de tout Israël, qu'est la virginité ». « Peu importe » rétorque l'Ange. Puis, les mois passent, et elle sent croître en elle cet enfant, petit à petit, comme n'importe quelle mère. Et alors, les gens commencent à se moquer d'elle, à la considérer comme une « sainte nitouche » profanée, alors que, en elle, grandit la préoccupation de ce qu'elle va dire à Joseph, à sa Maman, à son Papa, à ses amies. Vous comprenez à présent quel aspect physique avait, pour cette femme, le caractère autre de Dieu ? Marie a été l'écolière du Très-Haut, elle a perçu dans son sang que, pour devenir des familiers de Dieu, il fallait passer par la solitude de l'extrême distance

 

 

Le deuxième moment?


   Il ne suffit pas d'écouter Dieu, il faut entrer dans son action. Si nous lisons les Evangiles, nous notons que Jésus répète continuellement la parole « faire ». Il ne s'agit pas de l'exaltation de l'activisme, mais bien de souligner qu'il ne suffit pas à l'homme d'écouter Dieu : il faut se laisser embarquer dans son action. « Ce n'est pas celui qui dit Seigneur, mais celui qui fait la volonté de mon Père ». Le « faire » du Christ indique l'entrée de tout notre être dans la personne du Père.

   Ce mouvement du Christ nous rejoint aujourd'hui par la logique sacramentelle de l'existence, qui n'est autre qu'entrer de tout notre être dans la personne du Père. Comment est possible cette renaissance ? Grâce aux Sacrements, et en particulier au Baptême. Le Baptême nous permet d'entrer dans l'action du Père tout en demeurant sur la terre, tout en faisant les choses comme tous les autres. L'Eucharistie réalise le Baptême jour après jour. L'Eucharistie est le Baptême quotidien, parce qu'elle réalise jour après jour l'œuvre du Baptême. Je pense à ce qui arrive au grain de raisin : tous les grains de raison de la terre ne deviennent pas Sang du Christ, de même que tous les épis de grain ne deviennent pas tous Corps du Christ. Seule une quantité infinitésimale par rapport au tout, est choisie. Et pourtant, par ces grains de blé et ces épis, la création tout entière fait partie de la réalité du Père, c'est-à-dire qu'elle est sanctifiée. C'est là la chose fondamentale que je voudrais souligner : il ne faut jamais percevoir une distance entre les choses et les Sacrements, entre les présences dans le vie et les Sacrements. Nous ouvrir à l'action de Dieu représente la condition pour découvrir l'action de Dieu dans les autres, chez les autres, pour être l'intermédiaire de l'action de Dieu dans les autres. Par l'Eucharistie, Dieu nous rend participants de toute sa création renouvelée, et ainsi, il nous fait travailler d'une manière différente, penser d'une manière différente, lire les choses d'une manière différente. De la même manière, par la provocation qui nous vient des choses, des événements, des personnes, Dieu nous fait entrer profondément dans le mystère de son Corps.

   La troisième voie que je veux indiquer est analogue à la deuxième. Pour parler aux autres, nous devons recevoir de Dieu son enseignement sur la vie. Nous ne pouvons pas parler, enseigner et annoncer le Christ aux hommes si nous ne sommes pas éclairés par Dieu. Tel est le sens de la méditation de la Sainte Ecriture. Par la Sainte Ecriture, nous recevons la vie même du Christ. La Sainte Ecriture n'est pas simplement un texte. C'est un texte qui naît comme témoignage vivant de la communauté qui l'a créé. Et ainsi, pour entrer dans ce texte, il faut écouter l'Esprit qui parle par l'Eglise. Il y a une continuité, une ligne circulaire, entre la sainte Ecriture et ce que je vis dans la communauté : sans la participation à la vie vivante de l'Eglise, il n'est pas possible de comprendre l'Ecriture. De la même manière, sans la méditation continue de l'Ecriture, la vie s'aplatit, perd son intelligence, reste inanimée.

Enfin, le quatrième moment...


   L'Esprit veut créer une chose nouvelle par notre mission. Dieu le dit clairement à Isaïe : « Je crée une chose nouvelle, vous ne vous en apercevez pas ? ». Il est toujours nouveau. Il rend toujours nouveau tout ce qu'il touche, par qu'Il est nouveau. Sa nouveauté consiste dans le fait qu'il est présent de manière permanente ; il n'est jamais ni pleinement passé ni pleinement futur. Cela veut dire qu'il n'est pas possible d'être missionnaires si nous ne sommes pas disponibles à être portés toujours vers des horizons nouveaux, vers de nouvelles créations. Il faut que notre disponibilité ne soit pas seulement un rêve romantique, comme lorsque, le premier jour de notre séminaire, nous pensions « j'irai en Afrique ou en Asie... ». Le rêve romantique ne doit pas laisser la place au scepticisme désertique, mais il doit laisser la place à une disponibilité réelle, c'est-à-dire courageuse, confiante, appuyée sur la fidélité de Dieu.

   Dieu est mystère parce qu'il est toujours nouveau. Tout cela exige une mobilisation continue de notre esprit, parce que Dieu est toujours avant nous, et il ne permet pas que nous nous enfermions dans l'expérience du passé, comme l'a fait Magdeleine, qui voulait que Jésus, après la Résurrection soit celui qu'elle avait connu auparavant. Jésus, en effet, lui répond : « Je dois aller à mon Père, je ne suis plus celui d'avant. Je ne puis m'enfermer dans les catégories par lesquelles tu m'as connu. Je ne veux pas te dire que ce que tu as connu de moi n'est pas vrai, mais seulement que, maintenant c'est une chose nouvelle. Tu dois t'ouvrir à une considération nouvelle de moi ».

   Cette invitation de Jésus exige de nous une élasticité de l'esprit, une simplicité, une pauvreté, celle qu'il appelle « être des enfants », sans quoi on n'entre pas au Royaume de Dieu. L'enfant, en effet, est tout dans le présent, et si on lui propose une chose nouvelle qui l'attire, il est tout entier dans ce nouveau présent. Il s'agit de la disponibilité à suivre l'insaisissable, l'incompréhensible. Le verbe latin « comprehendo » peut être traduit comme « saisir ». Pour cela, la célèbre phrase de Saint Augustin « Si comprehendis, non est Deux » peut être comprise comme cela : « Si tu penses l'avoir saisi, ce n'est pas Dieu que tu étreins dans tes bras ». Celui qui a accepté d'être enfermé dans le sein d'une femme, n'accepte pas d'être enfermé dans nos limites conceptuelles.

 

(www.fides.org)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Walterman 1547 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte