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Le test olfactif

Publié le 19 juin 2009 par Véronique Bessard

Texte paru dans le magazine en ligne perfumecritic. Pas trop le temps de bloguer en ce moment!

La mise à l'épreuve du nez

« Comment s’est passé ton test? » Cette question, lancée sur un ton faussement indifférent, masque la saine et solide émulation qui règne entre les élèves parfumeurs. Pour ceux-ci, le test olfactif, pratiqué tous les matins, est un grand moment de vérité. Il permet de mesurer de manière impitoyable l’efficacité de leur processus de mémorisation. Les élèves qui font un 100% de bonnes réponses sont les héros du jour.

Habituellement le test se pratique avec 20 matières premières dans différentes concentrations, parfois pures, parfois à 10 ou 5 ou 1 % dans de l’alcool. Elles sont choisies par le professeur ou par un élève pour ses camarades. Vous recevez une mouillette numérotée et imbibée d’une matière x votre tâche consiste à l’identifier précisément.

Au début, on est tous des héros. Le 100% est un objectif facile à atteindre lorsque les matières premières sont essentiellement naturelles et abordées de manière contrastée. Il est aisé de distinguer une rose d’une lavande ou de faire la différence entre du jasmin et une essence d’orange.

Quand le nombre de matières augmente, les occasions de se tromper font de même. Par famille d’odeurs, les distinctions nécessitent plus de précisions. Pour un débutant, il n’est pas rare de confondre un lavandin grosso avec une lavande fine, ou une essence de néroli, tirée des fleurs de l’oranger amer, avec celle du petit grain, issue, elle, de ses feuilles et branchages. Désormais il s’agit aussi pour une même matière, de savoir distinguer les différentes qualités et les différents terroirs, par exemple, savoir discriminer un jasmin d’Egypte d’un jasmin d’Indes.

Après quelques semaines, les synthétiques viennent s’ajouter au répertoire olfactif. Leurs noms étranges et souvent sans rapport avec leur odeur, compliquent, encore un peu, le processus de mémorisation.

Peu à peu, au fil des jours l’élève parfumeur passe de quelques dizaines à quelques centaines de référents olfactifs. Son nez, plus aguerri commence à remarquer les moindres détails des odeurs qui lui sont soumises. Les choses se compliquent ; il se met à tout mélanger. C’est une étape normale mais assez déconcertante car cela donne vraiment, à l’élève, l’impression de régresser.

Un jour, à ma grande consternation, je confonds l’essence de baie roses, à l’odeur poivrée, chaude et suave, mais possédant aussi des aspects frais, presque citronné, avec celle de l’élémi, essentiellement citronnée, plus fusante et moins poivrée que la première. Deux matières présentant certes des similitudes, mais classées dans des familles différentes ! Rien de plus normal, me rassure une amie parfumeur, cela passera, c’est parce que tu remarques tout maintenant. Et en effet, cette phase de confusion est suivie d’un nouveau palier atteint après quelques semaines de tests médiocres. Désormais, je suis capable d’une discrimination plus  précise, plus pointue.

Après quelques mois d’école, comme le professeur n’a plus besoin d’être là quotidiennement, les élèves donnent le test à tour de rôle. C’est souvent pour eux l’occasion de taquiner leurs camarades en corsant un peu les choses. Pour désorienter ceux-ci il suffit, par exemple, de glisser dans l’épreuve, beaucoup de notes similaires, les différents dérivés du cèdre, ou certaines notes musquées et d’ajouter de manière assez perverse deux ou trois fois la même matière. Quand vous faites un test olfactif, le doute vient très vite vous déstabiliser. Celui-ci, se révèle finalement votre allié, car il vous permet de travailler votre précision. Il vous pousse à chercher activement les différences entre les matières premières similaires et ainsi découvrir de nouvelles facettes dans un matériau que vous pensiez bien connaître.

Au-delà des tests, la concurrence entre les élèves pousse à toutes sortes de joutes parfumées, ou chacun essaie d’épater l’autre avec ses facultés de reconnaissances des odeurs. Il y a des matchs à deux, chacun d’un côté de l’orgue. On tend une mouillette à son camarade et la réponse est censée arriver dans la minute qui suit. Le rythme est très rapide et le premier qui se trompe a perdu.

Grâce à ces jeux et ces petites rivalités, la connaissance des matériaux s’améliore de manière spectaculaire. Aujourd’hui je pratique toujours le test olfactif, mais sans la compagnie de mes camarades, celui-ci est beaucoup moins amusant. Le jeu et la compétition dans l’apprentissage, favorisent l’excellence en poussant à la performance.


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