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"Terre énergumène", de Marie-Claire Bancquart (lecture de Florence Trocmé)

Par Florence Trocmé

Bancquart, Terre énergumène Il est sans doute inutile ici de rappeler l’œuvre considérable de Marie-Claire Bancquart tant dans le domaine de l’écriture poétique que de celui du travail critique. Après, pour ne citer que les ouvrages poétiques, Avec la mort, quartier d’orange entre les dents et Verticale du secret, tous deux parus chez Obsidiane, respectivement en 2005 et 2007, voici un nouvel opus de la poète, intitulé Terre énergumène.
Dans sa note de présentation du livre, Marie-Claire Bancquart précise que dans énergumène elle entend à la fois énergie et organique, deux termes qui pourraient servir d’approche à son travail. Énergie mise à toujours remettre le métier sur l’établi, à assumer une tension très forte, une oscillation entre le pôle sombre, le désespoir et l’autre pôle, celui non pas de l’espoir mais de l’ouverture. Il y a la violence de la mort qui approche mais accord avec les autres, équilibre instable entre centre et absence. Et partout, c’est presqu’une signature de sa poésie, la profondeur du corps et ses organes.
Les jours peuvent être sombres, on respire, comme l’insecte, comme le platane, « en une vocation commune et mystérieuse ». Et dans un fort sentiment d’intimité avec la matière, celle dont on est composé, mais aussi celle dont sont faits les êtres et les choses qui nous « touchent » de près. S’il y a observation sans concession d’autrui, âpre même souvent, il y a aussi, dans le même temps, accueil de ce dernier, tel qu’il est, « château d’inclinations et de préférences ».

Marie-Claire Bancquart nomme, regarde, écoute. Avec une empathie lucide et dans un va-et-vient constant entre intérieur le plus intime (celui du corps, rarement présent de cette façon-là en poésie) et extérieur, frontières floues, ombres et lumières :

écoute un peu chanter ta plèvre
avec le vent,
commence alors un feuilletage d’amitié avec l’arbre,
prends-toi pour une paraphrase de l’automne.

Partout on note cette étrange familiarité avec la chair, sa propre chair et ce corps « plein d’avances maritimes et de sursauts ». Cet intérêt aussi pour l’envers de la peau, l’intérieur du corps qui fait qu’une petite plaie cicatrisant est perçue comme une « lucarne/sur cet envers de nous, vibrant, battant, circulatoire ».
Vibrant, battant, circulatoire : trois mots qui s’appliquent parfaitement à toute la poésie de Marie-Claire Bancquart. On tourne les pages sur un tempo rapide, un peu comme dans un récit car il y a dans ce livre quelque chose de narratif sur un mode particulier, ce rapport au quotidien dans sa simplicité, sa trivialité même parfois. Ce serait l’histoire d’un corps pensant, écrivant, cheminant vers sa fin.

Et qui tente de « percevoir avec le cerveau du chat », « regarder avec les yeux à facettes des mouches » et « comprendre avec l’intelligence d’une seiche » …

Contribution de Florence Trocmé

Marie-Claire Bancquart
Terre énergumène
Castor Astral, 2009
13 €


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